Swissquote préfère miser sur sa propre plateforme d’échange de crypto-actifs

Yves Hulmann

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Marc Bürki, directeur de Swissquote, entend poursuivre les investissements dans son offre en crypto-monnaies et le développement de sa néo-banque Yuh.

©Keystone

Swissquote a publié jeudi un bénéfice net de 157,4 millions de francs pour l’exercice 2022, comparé à 193,1 millions un an auparavant. Le chiffre d’affaires net a, lui, reculé de 13,3% pour s’établir à 408 millions (472,5 millions un an plus tôt) mais il constitue néanmoins le second meilleur résultat réalisé par l’établissement à ce jour. En revanche, la banque en ligne a bénéficié d’afflux nets de nouveaux capitaux de 7,7 milliards de francs en 2022, comparé à 9,6 milliards en 2021 et par rapport à 5,3 milliards en 2020. Comment les turbulences survenues sur les marchés ces dernières semaines affectent-elles les perspectives pour l’entreprise basée à Gland en 2023? Le point avec Marc Bürki, CEO de Swissquote.

Avec l’actualité liée à la Silicon Valley Bank ou à Credit Suisse, les dernières semaines ont été marquées par une très forte volatilité sur les marchés. Un tel environnement est-il positif pour Swissquote, en contribuant à augmenter les volumes échangés en bourse, ou pourrait-il rendre les investisseurs plus réticents à placer leur argent si les fluctuations devaient rester aussi fortes?

A court terme, c’est bon pour le business. Nous venons de vivre plusieurs journées avec de très forts volumes de chiffre d’affaires. Cela non seulement pour le marché des actions mais aussi sur celui des devises. A plus long terme, mieux vaut toutefois que le trend soit positif. Les deux premiers mois de l’année ont du reste été plutôt positifs pour les marchés avec le rallye survenu en janvier. L’aptitude des participants au marché à voir les choses d’une façon positive, en dépit de la guerre en Ukraine et des questions liées à l’inflation, est même assez fabuleux.

Dans ses projections pour 2023, Swissquote vise un chiffre d’affaires de 495 millions de francs comparé à 408 millions en 2022. Cette prévision de croissance inclut-elle déjà les quelque 50'000 nouveaux comptes qui devraient être ouverts auprès de votre établissement au cours de cette année?

Oui, nous incluons les nouveaux clients attendus lorsque nous établissons de nouvelles projections. En moyenne, nous anticipons une activité par client qui devrait être probablement identique à celle observée en 2022.

Nous n’aurons pas nécessairement besoin de gagner 50'000 nouveaux comptes par an pour atteindre nos objectifs de croissance.
Swissquote continue à investir dans son offre de services dans les crypto-monnaies. En présentant les résultats jeudi, vous avez évoqué le fait que le «Crypto Winter» qui affecte cette classe d’actifs n’est pas encore terminé. Vaut-il la peine de poursuivre les investissements dans ce domaine?

On dit toujours qu’après l’hiver, il y a le printemps. Quant à savoir quelle sera l’attitude future des investisseurs par rapport à cette classe d’actifs, il est très difficile de le prévoir. Coinbase, l’une des plus grandes plateformes d’échange de crypto-monnaies, évoquait même le scénario d’un «Crypto Ice Age» qui pourrait s’étendre jusqu’à 2024. Il est impossible de savoir comment les choses vont évoluer. En ce qui concerne Swissquote, nous avons décidé d’investir dans notre propre plateforme d’échange de crypto-actifs appelée SQX, lancée en septembre 2022, justement aussi dans l’idée de ne pas devoir dépendre de plateformes externes.

Ne serait-il pas suffisant de se limiter au Bitcoin et à quelques autres crypto-monnaies?

Nous proposons une offre élargie de crypto-monnaies. Ensuite, ce sont les clients qui font le tri entre ce qui les intéresse ou non.

Concernant les objectifs de Swissquote à l’horizon 2025, vous anticipez des afflux nets d’argent frais de plus de 7 milliards de francs par an (7,7 milliards en 2022) et l’ouverture d’au moins 50'000 nouveaux comptes par an. Qu’est-ce qui est le plus important pour assurer le développement de Swissquote?

Ces deux objectifs sont importants. Maintenant, du fait que l’on observe aussi une tendance à avoir des portefeuilles plus fournis parmi nos clients, nous n’aurons pas nécessairement besoin de gagner 50'000 nouveaux comptes par année pour atteindre nos objectifs de croissance.

Yuh, l’application de finance mobile, a gagné 65'000 utilisatrices et utilisateurs l’an dernier. L’objectif est-il d’utiliser cette application comme un produit d’appel pour faire venir les clients sur la «vraie» plateforme de Swissquote - ou s’agit d’une nouvelle offre appelée à se développer en tant que telle?

Yuh est avant tout une application de paiement. Elle permet aussi d’effectuer des transactions en bourse de manière plus simple et plus accessibles. Les utilisateurs peuvent aussi acheter des morceaux d’actions plutôt que l’entier d’un titre. Maintenant, il y a certainement des clients qui, après avoir utilisé Yuh, choisissent d’ouvrir un compte chez Swissquote mais ce n’est pas le but premier.

Grâce à la création d’une co-entreprise entre Swissquote et Postfinance, Yuh dispose d’une solidité et d’une pérennité inégalé dans le secteur des néo-banques.
Concernant l’environnement de marché bancaire en Suisse, des établissements comme Raiffeisen ou la Banque Cantonale de Zurich ont laissé entendre qu’ils avaient profité des retraits d’avoir chez Credit Suisse en fin d’année dernière. Qu’en est-il chez Swissquote?

A partir du troisième trimestre 2022, Credit Suisse a d’abord été affecté par des retraits d’argent de la part de clients institutionnels. Ensuite, il y a eu des retraits au niveau de la gestion de fortune internationale, puis seulement au niveau de la banque de détail en Suisse. En ce qui concerne une banque comme Swissquote, l’effet sur la banque de détail en Suisse n’est donc intervenu que tardivement. Le mouvement de transfert de liquidités s’est plutôt manifesté au début de 2023. L’annonce effectuée par la BNS jeudi pour stabiliser Credit Suisse est positive pour l’ensemble du secteur bancaire. Cela profitera à tout le secteur.

Avec CSX, Credit Suisse propose une application mobile similaire à Yuh. Est-ce une concurrence pour vous?

CSX propose une offre plus limitée, consacrée avant tout aux paiements et à la gestion des liquidités. Cette application en est restée à son stade de développement de base. Elle ne permet pas d’investir dans le pilier 3a par exemple, au contraire de Yuh. Nous voyons plutôt la concurrence du côté de néo-banques étrangères telles que Revolut ou N26 ou de Neon s’agissant de la Suisse. Néanmoins, je pense que Yuh dispose d’un grand avantage grâce à la base de clients qui provient de PostFinance qui peut s’appuyer sur un marché de masse. Grâce à la création d’une co-entreprise entre Swissquote et Postfinance, Yuh dispose d’une solidité et d’une pérennité inégalé dans le secteur des néo-banques.

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