S’équiper pour le futur

Nicolette de Joncaire

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Le Groupe Gonet mène depuis trois ans une stratégie d’investissements en hommes, en produits et en technologie. Entretien avec Nicolas Gonet.

Le Groupe Gonet rend compte d’avoirs administrés en hausse de 4% à près de 4,6 milliards de francs à fin 2019. A 28,3%, le ratio Tier 1 confirme de solides fonds propres. Les revenus nets affichent toutefois une baisse de 3% et le résultat opérationnel marque une chute sensible, attribuable à des investissements importants en particulier aux Bahamas, dont la banque n’a pas encore récolté les fruits. Les explications de son CEO, Nicolas Gonet.

Le Groupe Gonet affiche une baisse des revenus et du résultat. Quelles en sont les raisons?

Cette baisse était anticipée car nous sommes entrés depuis 2 à 3 ans dans une phase d’investissement en termes d’équipes, de produits, de services et d’infrastructure informatique – ce dont, soit dit en passant, - nous nous sommes félicités lorsqu’a éclaté la crise du COVID-19. En Suisse, les résultats sont bons, ils sont plus contrastés aux Bahamas. 

«Nous avons développé nos capacités
en gestion discrétionnaire, en advisory et en gestion SRI.»
Commençons par la Suisse. Quels y ont été vos principaux investissements?

Nous nous sommes réorganisés avec la mise en place d’un département Wealth & Investment Solutions. Alors que notre offre est traditionnellement dirigée vers la clientèle privée, nous ajoutons, avec la plateforme lemania pensionhub, une gestion plus institutionnelle, couvrant le libre-passage, le 3e pilier et la prévoyance surobligatoire. Dans ce cadre, Gonet met à disposition le fonds semi-institutionnel Gonet 30, en francs ou en euros (depuis peu), construit sur un principe de gestion indicielle (LPP 30) à frais très réduits, conçu pour résister aux périodes de turbulences. Les intérêts des clients sont alignés à ceux de la Banque et de nos collaborateurs, puisqu’une grande partie de notre prévoyance est gérée via ce fonds.  Nous restons fidèles au principe d’architecture ouverte, tout en y apportant une expertise personnelle par cette gestion directe. Nous avons également développé nos capacités en gestion discrétionnaire, en advisory et en gestion SRI. En parallèle, à travers une joint-venture, nous distribuons également en Suisse depuis cinq ans certains produits de La Française, l’une des plus importantes sociétés d’asset management européennes, connue pour ses investissements de conviction, tout particulièrement dans l’ESG.

Quel est le lien entre le Lemania pensionhub et Gonet?

Nous avons été à l’initiative de cette plateforme de prévoyance innovante. Lemania pensionhub est le premier acteur de ce type en Suisse romande, sur lequel nous ont rejoints notamment Mirabaud et le groupe Mutuel.

«Pour pallier à une érosion naturelle de la clientèle, nous avons engagé
de nouvelles équipes pour développer l’Amérique latine.»
Quelle est la situation aux Bahamas?

Pour pallier à une érosion naturelle de la clientèle, nous avons engagé de nouvelles équipes pour développer l’Amérique latine. Les clients sud-américains – notamment argentins, chiliens, mexicains ou brésiliens - s’adressent volontiers à des banques suisses mais cherchent, tout naturellement, des conseillers disponibles sur la même zone horaire. Cet engagement - qui implique une équipe d’une vingtaine de personnes dont quatre gestionnaires - nous a demandé un effort dont le résultat n’est pas encore perceptible.

Quels sont vos effectifs en Suisse?

Entre Genève et Lausanne, la Banque compte une centaine de collaborateurs. Active depuis dix ans, la société Gonet Conseils Finances SA qui complète l’offre de gestion patrimoniale du Groupe - en assurances, financements hypothécaires ou services fiduciaires -, en compte une dizaine.

Gonet fête cette année 175 ans d’existence. Qu’avez-vous prévu?

Je représente en effet la 5e génération de banquiers successifs sur 175 ans. Nous éprouverons évidemment une vraie frustration si, considérant les circonstances que nous connaissons, nous ne pourrons pas marquer cet événement comme nous l’avons prévu avec nos clients et nos partenaires, mais nous sommes logés à la même enseigne que tout le monde. Un livre est en préparation avec un chercheur historien qui remonte jusqu’au 14e siècle… C’est en tout cas l’occasion de rappeler que nous avons traversé toutes les crises sans heurts et que nous traversons celle-là de même.

«Notre clientèle étant suisse dans des proportions importantes,
nous résistons mieux que d’autres à la crise du COVID-19.»
La lignée bancaire va-t-elle se prolonger?

Mes enfants - trois filles et un garçon - sont encore jeunes, il est encore tôt pour en parler et ce sera leur choix.

Comment la banque a-t-elle résisté à la crise du COVID-19?

Il y a plusieurs aspects qui, en tant qu’entreprise, ont été tous positifs. En premier lieu, notre clientèle étant suisse dans des proportions importantes, nous résistons mieux que d’autres. Sur le plan des portefeuilles, nous avons de bons résultats, et en termes de revenus nous bénéficions de quatre premiers mois très positifs, avec un volume important de transactions dues aux repositionnements. Très liquides en début d’année, nos positions se sont montrées résilientes et la portion cash nous a permis d’entrer sur des titres de type global brands dans des conditions intéressantes. Enfin, au niveau organisationnel, nous avons constaté l’efficacité de notre préparation - notre dernier exercice de contingence avait été testé en octobre 2019. La maîtrise de la crise a été immédiate, avec plus de 80% de notre personnel opérant depuis la maison, en contact et nous avons mené sans le moindre problème des conférences en ligne réunissant des dizaines de participants.

Et maintenant?

Nous visons un retour progressif de 50% du personnel en maintenant partiellement le télétravail, en espérant que nous ne serons pas frappés par une seconde vague de contamination. Pour l’économie suisse, on peut je crois se féliciter de l’unité nationale autour du Conseil fédéral: le pragmatisme du modèle fait ses preuves et le moment est sans doute venu pour la Suisse d’utiliser les réserves patiemment construites pendant sa longue prospérité.

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