Prudence, maîtrise des coûts et vision à long terme

Salima Barragan

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Michel Keusch et Laurent Picard de Bellevue AM expliquent pourquoi les actions des entreprises familiales résistent mieux aux dégradations de marché.

Michel Keusch et Laurent Picard

A valorisations identiques, les sociétés aux mains de leurs fondateurs affichent de meilleurs profils financiers que les structures non familiales. Après quelques exercices laborieux, Swatch Group a publié à la fin du mois de janvier des chiffres prometteurs qui mettent en évidence son levier opérationnel puissant et sa capacité à générer des liquidités malgré les difficultés sur le marché asiatique et le renchérissement. Michel Keusch et Laurent Picard qui cogèrent chez Bellevue AM des fonds investis dans des entreprises familiales suisses et européennes, expliquent pourquoi, à l’image du fleuron horloger dirigé par la famille Hayek, ces entités se distinguent dans les environnements incertains et inflationnistes. Entretien.

Pour quelles raisons les structures familiales affichent-elles des marges de profitabilité plus élevées que les sociétés non détenues par leur propriétaire?

Laurent Picard: Leurs fondateurs favorisent généralement une gestion plus prudente et cette approche consciencieuse des coûts se reflète dans les niveaux de profitabilité plus élevés. De façon intéressante, les dépenses en recherche et développement demeurent proportionnellement plus importantes que dans le cas des entreprises non familiales, ce qui démontre que leur gestion rigoureuse ne se fait pas au détriment des investissements et de leur vision à long terme.

Vous soulignez qu’elles affichent également des ratios de dette moindres que les entités non familiales. Comment l’expliquez-vous?

LP: Le capital coté constitue souvent une partie importante du patrimoine des fondateurs. De ce fait, ils limitent grandement le levier financier qui peut les rendre vulnérables en cas de retournement de l’activité. Une situation financière solide leur confère aussi une meilleure flexibilité leur permettant de saisir des opportunités d’investissement.

Comment se traitent les actions des entreprises familiales versus celles qui ne le sont pas?

LP: Les titres s’échangent à peu près sur les mêmes niveaux de valorisation, mais les sociétés familiales offrent de meilleures perspectives de croissance ainsi que des niveaux de profitabilité supérieurs.

Pour quelles raisons pensez-vous que la période de pression sur les prix que nous vivons se prête particulièrement bien au stock-picking sur les valeurs familiales?

Michel Keusch: Ce segment, qui se caractérise par des fondamentaux financiers plus élevés, est porteur, ce qui se vérifie sur les performances à long terme. Mais il reste aussi pertinent au sein d’environnements incertains et inflationnistes. Leurs bilans plus sains combinés à leurs marges solides les rendent en effet moins sensibles aux cycles économiques négatifs. Par conséquence, leurs actions résistent mieux aux dégradations de marché.

Quelle société disruptive symbolise selon vous la success-story suisse?

MK: Le fondateur de Swissquote a créé une véritable société technologique dont les possibilités ne se limitent pas uniquement au trading. Lors du lancement de l'entreprise, son activité consistait à afficher les cours des valeurs, puis elle a facilité les transactions sur actions, qui se sont étendues ensuite à toutes les classes d’actifs. Aujourd’hui, Swissquote exploite sa plateforme pour offrir davantage de services dignes d'une banque généraliste, mais de façon digitale et sans présence physique. Depuis deux ou trois ans, les afflux nets d’argent sont en forte accélération, et supérieurs à 5 milliards de francs suisses par an. D’une clientèle essentiellement de détail à la base, Swissquote attire désormais des clients plus fortunés en provenance des grandes banques suisses généralistes qui apportent des encours moyens nettement supérieurs aux moyennes historiques, mais aussi de l’étranger grâce à son expansion géographique en Asie et en Europe.

Vous avez dernièrementent renforcé votre exposition à Swatch Group. Pour quelles raisons?

MK: Confiants sur le groupe, nous avons construit une grande position sur Swatch qui a traversé quelques années difficiles liées à des facteurs externes. Il a récemment prouvé sa capacité à créer de la valeur grâce à sa vision à long terme. Dans les années à venir, Swatch devrait bénéficier d’un fort levier opérationnel suite à une importante réduction des coûts au cours des deux dernières années.

Dans quels secteurs voyez-vous des opportunités dans l’espace des petites et moyennes capitalisations suisses?

MK: En raison des tensions inflationnistes, nous privilégions les secteurs dont la croissance est déconnectée de l’environnement et qui jouissent d’un «pricing power» qui leur permettra de répercuter l’accroissement des coûts. A titre d’exemple, nous pouvons citer les sociétés de services informatiques qui font face à une demande très forte et qui ne sont pas exposées aux perturbations actuelles des chaines d’approvisionnement. Par ailleurs, elles sont capables de compenser l’augmentation des coûts salariaux grâce à ce fameux pouvoir de fixation des prix.

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