Prévoyance vieillesse: «la stabilisation est préférable à l’extension»

Philippe Rey

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Le président de l’ASA, Stefan Mäder, explique la nécessité d’un système stable des trois piliers et le refus d’une 13e rente AVS.

L’Association Suisse d’Assurances (ASA) défend le système actuel de prévoyance vieillesse, qui a fait ses preuves avec la pondération existante de chacun des piliers (AVS, LPP et prévoyance individuelle). Pour Stefan Mäder, son président, allouer davantage de prestations selon le principe de l’arrosoir, comme le prévoit l’initiative sur une 13e rente AVS, est dangereux. Il faut au contraire stabiliser durablement la prévoyance vieillesse, ce qui exige une répartition acceptable de la charge de prévoyance entre les générations. L’ASA soutient par ailleurs l’initiative sur les rentes des jeunes Libéraux-Radicaux, qui amorce la discussion sur un âge de retraite correct, selon elle. 

L’initiative pour une treizième rente AVS n’est-elle pas justifiée vu la hausse du coût de la vie? 

Heureusement, la plupart des personnes retraitées en Suisse ont une bonne situation financière, notamment grâce à l’équilibre entre les trois piliers de notre système de prévoyance vieillesse, combinant solidarité et responsabilité individuelle. Il faut se méfier du leurre d’une extension généralisée des prestations, qui déstabiliserait encore davantage le système de la prévoyance vieillesse. Cette initiative vise un accroissement du premier pilier selon le principe de l’arrosoir, coûteux et inadapté aux besoins, alors que l’AVS et la prévoyance professionnelle sont confrontées à l’allongement de l’espérance de vie. Dans le cas de l’AVS, l’insuffisance de la relève vient encore aggraver la situation. Le nombre de cotisants par bénéficiaire de rente ne cesse en effet de diminuer. C’est pourquoi l’ASA s’oppose à l’initiative pour une 13e rente. 

Nous y voyons deux injustices. Les personnes qui touchent déjà une rente élevée obtiendront, en cas d’acceptation, un supplément plus important que les autres. Par ailleurs, l’urgence actuelle réside dans la stabilisation financière de l’AVS pour que les générations futures puissent aussi bénéficier d’une rente garantie. Or l’initiative réduirait ces efforts à néant et accélèrerait l'endettement de l’AVS. 

Pourtant le fonds de compensation AVS semble bien doté avec une fortune proche de 35 milliards de francs à fin septembre 2023…

Le fonds de compensation ne doit pas tomber au-dessous du montant des dépenses annuelles. Et il doit permettre de compenser les fluctuations de recettes. Dans un premier temps, le résultat de répartition sera positif en raison de la réforme AVS 21, qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, mais il redeviendra négatif par la suite, de plusieurs milliards de francs par an, a fortiori avec une treizième rente! Même un rendement plus élevé des investissements ne permettra pas de combler un tel trou. Sans mesure drastique, le fonds de compensation se réduirait alors comme une peau de chagrin. 

Au vrai, il nous faut surtout une réforme pour stabiliser la prévoyance vieillesse et garantir la continuité des rentes. Et ce, tout en facilitant l’apport des prestations complémentaires, qui sont un droit faut-il souligner, pour ceux qui en ont besoin. 

«La réforme de la LPP renforce le processus d’épargne et permet de maintenir le niveau des prestations sur la durée.»

Le peuple aura également l’occasion de se prononcer cette année sur la réforme de la LPP que vous soutenez. Cependant, les taux de conversion et le taux de rendement minimal LPP (ndlr: à 1,25% Depuis le 1er janvier 2024) pour la partie obligatoire restent trop haut aux yeux de l’ASA…

Le relèvement du taux d’intérêt minimal rend la réforme du deuxième pilier et notamment l’abaissement du taux de conversion, encore plus urgents. La raison en est que ce sont surtout les institutions de prévoyance avec un portefeuille d'assurés LPP se situant principalement dans le domaine de l'obligatoire qui souffrent du taux de conversion élevé. Leur marge de manœuvre financière s'est encore réduite avec le relèvement du taux d'intérêt minimal.

Cette réforme renforce le processus d’épargne, pour compenser la baisse du taux de conversion. Cela permet de maintenir le niveau des prestations sur la durée. 

Elle a aussi le mérite d’ouvrir la prévoyance professionnelle à des personnes qui en étaient exclues jusqu’ici. Des adaptations de la prévoyance professionnelle sont nécessaires en particulier pour les modèles de travail à temps partiel, pour les salariés au service de plusieurs employeurs ou dans le domaine des bas salaires. Elles permettront d’augmenter de façon ciblée les prestations de prévoyance pour les salariés, voire tout simplement d’en introduire. 

«Les solutions semi-autonomes permettent d’atteindre de meilleurs retours sur investissements.»

La hausse des taux d’intérêt n’est-elle pas de nature à améliorer le rendement des placements de capitaux des fondations collectives?

Elle entraîne une allocation plus efficace des capitaux et se traduira dans les années à venir par une amélioration des perspectives de rendements des investissements. Toutefois, à court et moyen termes, une hausse des taux abaisse la valeur de marché des obligations en portefeuille. 

Concernant la LPP, les exigences très strictes liées aux garanties du capital pour les assureurs vie limitent la flexibilité et les perspectives de rendement pour le modèle d’assurance complète. En revanche, les solutions semi-autonomes permettent d’avoir une stratégie d'investissement plus orientée vers le rendement et, ce faisant, d’atteindre de meilleurs retours sur investissements. 

Doit-on craindre un recul du taux de remplacement, soit le rapport entre les rentes des 1er et 2ème piliers et le dernier salaire? 

Le relèvement de l’objectif de prestations pour les rentes de vieillesse (1er et 2ème piliers) pour un salaire soumis à l’AVS d’environ 80'000 francs présente une valeur de 70% inchangée par rapport à l’année précédente, selon l’étude de Swisscanto sur les caisses de pension en Suisse en 2023. Depuis 2017, ce chiffre ne s’est pas modifié, malgré les abaissements considérables du taux de conversion effectués entretemps. 

Un troisième pilier devient-il dès lors indispensable? 

Le 3e pilier constitue indéniablement un moyen de responsabilisation individuelle et d’épargne supplémentaire à long terme pour préparer sa retraite. L’ASA défend une prévoyance vieillesse stable qui repose sur le système des trois piliers. 

Les systèmes de prévoyance individuelle et professionnelle à qui on reproche des frais trops élevés ne sont-ils pas à l’avantage des assureurs?

Non, car ils ont leur utilité pour les assurés et fonctionnent de manière efficiente. En effet, dans les deuxième et troisième piliers, la concurrence règne entre les prestataires. Cette concurrence permet d'offrir des solutions adaptées aux besoins et d'éviter des coûts déraisonnables.

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