Pilier 3a: une réforme qui offre beaucoup d’avantages à condition de savoir planifier

Yves Hulmann

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Pour Aron Veress, CEO de Liechtenstein Life, le fait de pouvoir procéder à des rachats ultérieurs dans le 3ème pilier créée de nouvelles possibilités en termes de planification.

 

A partir de l’an prochain, il sera possible combler des lacunes de cotisations dans le pilier 3a en effectuant des rachats ultérieurs pour les montants non versés à compter de 2025, comme l’avait annoncé le Conseil fédéral en novembre dernier. Quelles seront les implications de cette réforme pour les personnes qui cotisent dans la prévoyance privée du 3ème pilier? Et à quels autres aspects faut-il être attentif lorsque l’on place de l’argent dans le pilier 3a ou lorsque l’on épargne pour la retraite? Le point sur ces questions avec Aron Veress, CEO de Liechtenstein Life Assurance.

A partir de 2026, les personnes qui, certaines années, n’ont pas effectué de versement dans leur prévoyance individuelle liée (pilier 3a), ou qui n’ont versé qu’une partie du montant autorisé, auront la possibilité de compléter leurs cotisations en procédant à des rachats dans un délai de dix ans. Cette possibilité sera accordée pour les montants non utilisés (lacunes de prévoyance) à partir de 2025. Comment analysez-vous ce changement et aura-t-il réellement une influence sur la prévoyance individuelle volontaire du 3ème pilier à long terme?

L’impact sur la prévoyance volontaire du 3ème pilier variera bien sûr en fonction de chaque situation individuelle. Pour les personnes qui année après année ont versé le montant maximal autorisé (ndlr: 7258 francs en 2025 pour les personnes affiliées à une caisse de pension), cette réforme ne changera pas la donne. En revanche, pour les personnes qui ont omis de verser le montant maximal, que ce soit par oubli, par méconnaissance de cette possibilité ou parce qu’elles n’en avaient pas les moyens certaines années, cette réforme mérite vraiment d’être saluée. Cela pour plusieurs raisons.

«Si vous avez la possibilité de verser régulièrement 200 ou 300 francs par mois, faites-le déjà. Et si vous avez, plus tard, la possibilité de verser des montants supplémentaires parce que votre situation financière le permet, vous pourrez toujours combler ces lacunes de cotisations.»

Lesquelles?

Premièrement, elle met sur un pied d’égalité les personnes qui cotisent pour le 3ème pilier avec celles qui ont la possibilité d’effectuer des rachats dans le cadre du 2ème pilier via leur caisse de pension. Jusqu’ici, une personne employée affiliée à une caisse de pension qui accorde cette possibilité avait déjà la possibilité d’effectuer des rachats ultérieurs dans le cadre du 2ème pilier. Si, en revanche, elle était affiliée à une caisse de pension qui n’accordait pas cette possibilité, l’employée ou l’employé n’avait aucune possibilité d’agir – vous étiez entièrement dépendant de votre caisse de pension. Avec cette réforme, chaque personne employée en Suisse a au moins la possiblité à l’avenir de procéder à des rachats dans le cadre de la prévoyance volontaire du 3ème pilier. C’est aussi une solution beaucoup plus transparente: avec votre compte du 3ème pilier, vous pouvez connaître à tout moment le montant que vous avez déjà cotisé. 

Deuxièmement, dans la perspective du client, la possibilité d’effectuer à partir de l’an prochain des versements ultérieurs permet aussi de mieux s’adapter au cycle de vie tout au long de la vie professionnelle. Prenez l’exemple de quelqu’un qui effectue de longues études et un doctorat: cette personne ne perçoit dans un premier temps qu’un faible salaire pendant les années de préparation de sa thèse, ce qui ne lui permet pas de tirer parti de l’ensemble des possibilités de déduction prévues dans le cadre du 3e pilier. Ensuite, il se peut que son salaire augmente rapidement, ce qui lui permettrait d’effectuer des versements rétroactifs pour le 3e pilier. 

Troisièmement, cette possibilité d’effectuer des rachats est aussi une chance pour des intermédiaires ou conseillers d’avoir une plus grande marge de manœuvre dans le conseil apporté à leurs clients. Ils ont plus de possibilité d’apporter des correctifs de façon ultérieure aux personnes qui ont des lacunes de cotisation en matière de prévoyance, en tenant compte des aspects fiscaux, etc. 

Dans l’ensemble, cette réforme apporte aussi une solution beaucoup plus juste pour de nombreuses personnes qui n’auraient, sinon, pas eu la possibilité de procéder à des rachats via leur caisse de pension. Elle est aussi plus adaptée au fait que beaucoup de gens ne disposent pas de revenus linéaires durant leur vie professionnelle. Cela peut être le cas de personnes qui sont actives dans des domaines d’activité très cycliques, comme le tourisme ou l’industrie par exemple, et dont le taux d’activité peut varier fortement d’une année à l’autre.

«L’inflation a aussi fortement reculé au cours des derniers mois, en Suisse en particulier, ce qui fait que les rendements réels obtenus avec certains placements ne sont pas si inintéressants.»

N'y a-t-il pas un risque que les gens qui ne peuvent verser que de faibles montants au 3e pilier – par exemple, 100 francs ou 200 francs par mois – se disent qu’il ne vaut pas la peine de s’en occuper cette année, puisqu’elles auront de toute façon la possibilité de se rattraper plus tard en effectuant des versements ultérieurs?

Ce serait une erreur que de réfléchir ainsi. D’une part, parce qu’il y a tout de même certaines restrictions qui s’imposeront, notamment le fait que les rachats ultérieurs seront limités aux dix dernières années. D’autre part, on peut interpréter cette situation de façon inverse: si vous avez la possibilité de verser régulièrement 200 ou 300 francs par mois, faites-le déjà. Et si vous avez, plus tard, la possibilité de verser des montants supplémentaires parce que votre situation financière le permet, vous pourrez toujours combler ces lacunes de cotisations. En outre, plus vous commencez tôt, plus vous bénéficiez de l’effet des intérêts composés.

En Suisse, les taux d’intérêt ont constamment reculé tout au long de 2024. Certains redoutent même le retour aux taux zéro, voire négatifs en 2025. Est-ce une préoccupation pour vos clientes et clients concernant les futurs revenus de leur épargne?

En matière d’épargne et de prévoyance, certaines personnes regardent les rendements obtenus seulement sous forme nominale. C’est une erreur, il faut toujours comparer l’intérêt nominal avec le niveau de l’inflation qui permet de déterminer l’évolution du pouvoir d’achat. Actuellement, certaines personnes voient les taux d’intérêt baisser et se disent qu’il n’est plus si attrayant de placer son argent sur un compte d’épargne. Or, l’inflation a aussi fortement reculé au cours des derniers mois, en Suisse en particulier, ce qui fait que les rendements réels obtenus avec certains placements ne sont pas si inintéressants.

Si les taux d’intérêt retombent à un niveau proche de zéro en 2025, ne faudra-t-il pas considérer d’autres placements que les comptes d’épargne?

Cela dépend chaque fois de l’âge, de la situation individuelle et de la tolérance envers le risque du client. De manière générale, plus les personnes qui cotisent sont jeunes, par exemple si elles sont âgées de moins de 35 ans, plus elles doivent accepter de la volatilité. A partir de 50 ans ou plus, c’est l’inverse qui prévaut. Maintenant, pour les personnes qui ne veulent pas se soucier de devoir adapter leur portefeuille au cours de leur cycle de vie, nous proposons l’option de le faire de manière automatisée, en adaptant à intervalle régulier la composition des placements. Par exemple, en réduisant graduellement la part en actions au sein d’un portefeuille ou fonds de prévoyance en fonction de l’âge des clients. 

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