Mirova vers une empreinte globale

Anne Barrat

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Croissance géographique et organique au programme d'un leader européen de l’investissement d’impact. Entretien avec Anne-Laurence Roucher.

«Nous avons atteint l’âge de raison, il est temps de mettre à profit nos acquis pour consolider notre positionnement en Europe et au-delà» explique Anne-Laurence Roucher, Deputy CEO de Mirova en marge du Geneva Forum for Sustainable Investment qui s’est tenu la semaine dernière. Un positionnement favorable: affichant plus de 25 milliards d’euros d’actifs sous gestion moins de huit ans après sa création, l’affilié de la galaxie Natixis s’est imposé en expert de l’investissement d’impact. Et ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

L’ISR attire certes de plus en plus de flux mais aussi d’acteurs, donc de concurrents. Comment se démarquer dans un tel environnement?

Nous ne faisons pas de l’ISR mais de l’investissement d’impact. Cette marque de fabrique, notre unique selling point, nous distingue dans le paysage créé par la réglementation européenne SFDR (Sustainable finance disclosure regulation) du 10 mars 2021. Depuis notre création en 2014, nous avons toujours évolué sur la ligne de crête des critères ESG, ce qui nous permet de revendiquer aujourd’hui pour l’ensemble de nos fonds une conformité de 100% à l’article 9 de la SFDR. Seuls 4% des fonds européens, dits «verts foncés» sont dans ce cas, qui ont pour objet et objectif l’investissement responsable. 30% d’entre eux entrent dans le champ de l’article 8, c’est-à-dire qu’ils participent à la promotion des critères ESG, tout le reste relevant de l’article 6 et n’intégrant aucun critère de durabilité dans le processus d’investissement. Notre positionnement de niche, clair depuis le début, nous place dans une situation favorable dans le club très restreint des investisseurs d’impact – trois en Europe. Et ce d’autant plus que la performance n’a cessé d’être au rendez-vous dans toutes les classes d’actifs que nous gérons, à moyen et long terme. 

«Notre intention s’illustre dans la sélection des entreprises que nous intégrons dans nos fonds.»
Se spécialiser dans l’investissement d’impact, comment cela se traduit-il concrètement?

Avant tout par l’intention: nos statuts prévoient que la mission première de Mirova est de concilier recherche d’impact environnement et social d’une part et performance financière d’autre part. La recherche d’impact environnement et social s’effectue à travers la R&D, les interactions avec les parties prenantes, avec les régulateurs, avec la communauté des investisseurs.

Notre intention s’illustre dans la sélection des entreprises que nous intégrons dans nos fonds. Il n’est pas toujours évident, quand la grande majorité de nos avoirs sont investis dans des sociétés cotées, d’identifier celles qui ont le plus d’impact en termes de produits et services, créent le plus d’emploi dans les pays où elles ont des opérations, veillent à garantir la diversité au niveau de leur management, garantissent une parité et égalité salariale hommes femmes, etc. Nous intégrons tous ces points, et bien d’autres encore, dans nos stratégies d’investissement. 

Notre intention et exigence d’impact prend également la forme de soutien à des projets impliquant des pays émergents ou des zones frontières et intégrant des problématiques de capital naturel (enjeux agricoles et forestiers), d’économie bleue, … Nous utilisons la blended finance pour financer de tels projets, offrant ainsi à des investisseurs prêts à prendre le risque l’opportunité d’investir au niveau de la dette plus senior.

Notre intention signifie enfin que nous nous appliquons à nous-mêmes ce que l’on exige des autres. Nous avons ainsi obtenu le label B CorpTM2 qui mesure cette intention – avec une excellente note.

Quid de l’engagement, au cœur de l’investissement d’impact?

L’additionnalité est le 2e pilier de notre modus operandi. Il prend aussi bien la forme d’engagement, avec des relations bilatérales régulières avec les entreprises, ou encore d’une politique de vote active ou enfin de plaidoyer auprès des décideurs politiques, notamment de la Commission européenne. Concrètement, nous faisons par exemple partie de la coalition des 30%, qui réunit des investisseurs impliqués dans la promotion de Comex composés à 30% au moins de femmes.  Nous nous sommes également beaucoup impliqués dans la loi PACTE, plaidant auprès du gouvernement français pour qu’elle intègre la notion de société à mission. Nous avons une équipe d’experts de la finance durable représentant les intérêts des investisseurs d’impact à Bruxelles.

«La Suisse, Genève notamment, est très importante pour Mirova.»
Comment mesurer cet impact?

La mesurabilité est le 3e pilier de notre vision et approche de l’impact. Il est impossible de mesurer l’impact en quelques minutes, la collecte et l’analyse de données pertinentes est un casse-tête chronophage. Il est pourtant essentiel de fournir aux investisseurs un reporting clair et précis sur chacune des 3 dimensions de l’investissement d’impact. Pour ce faire, nous faisons d’une part appel à des fournisseurs externes reconnus de données quantitatives, d’autre part apportons notre propre analyse qualitative. L’enjeu est de permettre à un investisseur de mettre en perspective les montants nécessaires pour atteindre via ses investissements dans des entreprises ou projets, tel niveau d’impact avec tel retour sur investissement. Autrement dit, de produire des données qui ont un sens, sont faciles à raccorder à notre quotidien

Quelles sont vos perspectives de développement?

Nous avons l’ambition de continuer être à la fois pionnier et leader dans l’investissement d’impact. Ce qui suppose d’accélérer notre croissance pour assurer une empreinte globale, donc notre présence. Nous sommes déjà à Londres, au Luxembourg, à Singapour, à Sao Paulo, aux Etats-Unis. D’autres implantations suivront.

En Suisse notamment?

La Suisse, Genève notamment, est très importante pour Mirova. Et ce, parce que Genève est une place importante de la finance durable en Europe, où tous les pays ne sont pas sur un même pied d’égalité ni stade d’avancement de ce point de vue. Alors que la Suisse compte des acteurs visibles et engagés, des banques aux investisseurs institutionnels, ce n’est pas le cas d’autres pays européens. Nous sommes présents en Suisse depuis notre lancement, et continuerons à y entretenir une présence et des relations privilégiées.

Quelles perspectives du point de vue de votre offre?

Nous sommes déjà très visibles sur notre offre actions et obligations. Nous entendons nous développer encore sur les actifs privés, à savoir private equity, capital naturel et infrastructures en particulier. Notre objectif est de donner accès à nos clients privés, et pas seulement aux investisseurs institutionnels, un accès à des actifs illiquides. Ces stratégies ouvrent de belles opportunités d’investissement d’impact sur des thèmes tels que la transition environnementale. Nous venons de nous lancer avec un fonds européen de private equity sur la thématique transition environnementale. 

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