Les rendements de la dette à duration courte frisent les 7%

Salima Barragan

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L’enthousiasme est de retour chez les gérants d’obligations de maturités courtes. Avec Tatjana Greil Castro de Muzinich & Co.

Il n’y a pas si longtemps, certains investisseurs plaçaient leur liquidité dans des fonds à duration courte uniquement dans le but d’échapper aux taux négatifs de leurs comptes courants. Avec le retour de la normalisation monétaire, les fonds de duration courte sont redevenus alléchants: ils atteignent des rendements de l’ordre de 7% après des années de calme plat. Entretien avec Tatjana Greil Castro, gestionnaire de portefeuilles chez Muzinich & Co.

Sommes-nous enfin dans une période exaltante pour les gérants d’obligations de courte échéance?

Oui, c’est une période exaltante après avoir vu beaucoup d’ajustements entre 2020 et 2022, avec le changement de régime des rendements négatifs à normalisés qui a fait souffrir les portefeuilles. Nous n’avions pas la protection offerte par le portage que nous avons retrouvé aujourd’hui. Avec une stratégie globale «Crossover» on peut trouver près de 6% de rendement en euro, ce qui constitue un coussin de protection contre les futurs soubresauts de marché. Il sera difficile d’avoir des performances dans le rouge au cours des douze prochains mois.

Il faut savoir qu’en Allemagne, il n'y a pas assez de Bunds en circulation afin que le marché des pensions fonctionne bien.
Comment le resserrement quantitatif des banques centrales affecte les liquidités sur le marché des obligations à duration courte?

Nous avons vu des phases d’illiquidité, la fin du Quantitative Easing en Europe ainsi que le début du Quantitative Thightening (QT) aux États-Unis, mais aussi le conflit en Ukraine qui entraine passablement de volatilité. Il est donc difficile de préciser quel pourcentage de liquidité est réellement mené par le QT. Clairement, tandis que l’approvisionnement de titres par le QT va s’accélérer avec les ventes de la Banque d’Angleterre et de la Banque centrale européenne, le marché devient le principal acheteur d’obligations. Nous devons ainsi nous ajuster afin d’identifier le juste niveau de compensation une fois les hausses de taux achevés dans le courant de l’année prochaine. En outre, l’écartement de crédit intègre les risques de récession et les impacts du changement climatique, si bien que la combinaison de taux d’intérêt élevé et ces larges spreads pour les titres de maturité courte rendent le segment attractif. D’ailleurs, beaucoup d’investisseurs vont revenir dans les obligations ces prochains mois parce que l’on attend davantage de stabilité sur ces actifs.

Les ventes obligataires massives des banques centrales n’offrent-elles aucun point positif?

Il faut savoir qu’en Allemagne, il n'y a pas assez de Bunds en circulation afin que le marché des pensions fonctionne bien. Il faut garder à l’esprit que le ministère allemand des Finances détient une grande quantité de ces papiers qu’il rachète afin de ne pas conserver des milliards d’euros en liquidité, accentuant ainsi la pénurie de la dette allemande. Mais cette année, il y aura davantage de flottants disponibles sur le marché, car il a autorisé la Bundesbank à émettre davantage de papiers à certaines maturités spécifiques qui s'agrègent aux ventes obligataires de la BCE. Cela devrait faciliter le marché des swaps et mettre fin aux distorsions de prix sur le marché. Mais ces opérations ne sont pas encore totalement reflétées dans les prix, et les titres traitent toujours en dessous de nos attentes.

Les hausses de taux se sont-elles sensiblement répercutées sur les marchés monétaires?

Elles ont eu très peu d’amplitude sur les échéances qui vont de 3 à 6 mois, car elles vont en premier impacter les maturités en haut de la courbe. Les échéances courtes permettent également de maintenir un niveau de volatilité bas, ce qui contraste avec des papiers de duration plus élevée.

Face à l’inflation et aux hausses de taux, les obligations à duration courte sont-ils finalement le meilleur endroit où se réfugier?

Il constitue effectivement un bon endroit où se cacher en raison du portage propre à ce marché qui a une duration courte: les sociétés repaient leurs titres à 100% quelle que soit la volatilité ou le sentiment du marché. Et les rendements de ces stratégies de portage peuvent aujourd’hui atteindre 6% avec la normalisation monétaire.

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