Les REIT s'effondrent face aux hausses de taux

Salima Barragan

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Selon Guy Barnard, l'immobilier mondial coté est complètement déconnecté de la construction.

Les marchés boursiers réagissent toujours avec plus de précipitation que les marchés privés. Les REIT européennes, ces sociétés d’investissement cotées en bourse qui permettent d'investir facilement dans des fleurons de l'immobilier commercial, ont corrigé de quelque 40% depuis le début de l'année, tandis que de nombreuses entreprises immobilières non listées affichent encore des hausses de leur valeur depuis le début de l'année. «Le marché de l'immobilier direct mettra probablement jusqu'à 12 mois pour refléter l'évolution des valorisations», explique Guy Barnard, coresponsable des actions immobilières mondiales. Tandis que les habitations au Canada, en Australie et en Europe affichent des pertes spectaculaires, quel est le sort des prix des maisons suisses? Entretien.

Comment expliquez-vous la différence visible de performance entre les REIT et les biens immobiliers non cotés?

Les REIT sont tournées vers l'avenir et réagissent rapidement à l'évolution des conditions du marché, comme nous l'avons vu cette année. Si, d'un point de vue directionnel, elles ont tendance à être de très bons indicateurs de la valeur des biens immobiliers à venir, elles dépassent souvent les limites dans les périodes de grande incertitude comme aujourd'hui. En fait, le marché a des opinions très négatives, surtout en Europe, où nous avons rarement vu de telles valorisations. Il y a une grande déconnexion entre les prix de ces actions et le marché immobilier. Elles se négocient avec une décote qui implique, dans de nombreux cas, une baisse de 20 à 30% de la valeur de leurs immeubles. Même s'il faudra du temps pour que le véritable impact sur les valeurs devienne clair, sur le plan opérationnel et du point de vue des revenus, les contrats de location à long terme, souvent liés à l'inflation - sur 5, voire 10 ans - offrent une visibilité sur les bénéfices, et les sociétés continuent de faire état d'une demande saine de la part des locataires.

Les revenus immobiliers peuvent être moins volatils en cas de récession, grâce aux contrats de location à long terme, liés à l'inflation.
Les hausses de taux ne vont-elles pas ralentir la dynamique du marché?

Nous nous attendons à ce que les prix de l'immobilier s'adaptent au nouveau coût de l'emprunt, car les investisseurs en immobilier commercial cherchent à reconstituer une prime de risque suffisante par rapport aux obligations d'État et aux taux d'intérêt.  Le rythme rapide des changements sur les marchés obligataires cette année ne permet pas aux acheteurs immobiliers de justifier les mêmes prix qu'ils auraient payé il y a 6 ou 12 mois. Il faudra du temps pour que la baisse des valeurs se reflète, car les volumes de transactions ont nettement ralenti et de nombreux vendeurs ne sont pas encore prêts à accepter des prix plus bas. La bonne nouvelle, cependant, c'est que nous voyons encore de nombreux investisseurs désireux d'augmenter leurs allocations en actifs réels et de bénéficier de la protection contre l'inflation offerte par l'immobilier sur le long terme.

Après la correction significative de l'immobilier européen, canadien et australien, qu'attendez-vous des autres marchés?

Les prix des maisons sur ces marchés, qui ont le plus augmenté ces dernières années, ont déjà commencé à souffrir, et l’on s'attend à ce que la tendance se poursuive dans la plupart des autres régions en raison de la hausse spectaculaire des taux hypothécaires. L'ajustement prendra toutefois du temps. Avec des normes de prêt plus strictes de la part des banques depuis la crise financière mondiale et de nombreux pays, comme les États-Unis, qui ont des prêts hypothécaires à taux fixe à long terme, nous n'anticipons aucune explosion immobilière de l'ampleur de celle que nous avons connue dans le passé.

Quelles sont vos perspectives pour le marché suisse?

Bien que la Suisse ait l'avantage d'être isolée des autres marchés, en raison d'une inflation plus faible qu'au Royaume-Uni ou en Allemagne, la dynamique du marché reste sensiblement la même. Étant donné que la BNS normalise sa politique monétaire et que les coûts de financement augmentent, les banques sont susceptibles d'être plus sélectives. Cependant, le marché me semble moins volatil. En outre, les acteurs suisses sont réticents à utiliser un effet de levier élevé, qui peut avoir des conséquences dramatiques lors d'un changement de régime. La force de l'économie nationale, qui semble persister, devrait exclure des tensions similaires à celles de l'Europe.

Imaginons que le monde entre en récession, quelle serait la meilleure stratégie pour investir dans l'immobilier?

Il est difficile de rester optimiste quant à l'économie, surtout en Europe. Mais n'oubliez pas que les revenus immobiliers peuvent être moins volatils en cas de récession, grâce aux contrats de location à long terme, liés à l'inflation. Les domaines de croissance structurelle, tels que les centres de données, les tours de téléphonie mobile, les logements étudiants et les actifs logistiques, continueront à bénéficier des moteurs de la demande à long terme pour leurs actifs, même si les économies sont faibles. Nous soulignons également que les REIT ont déjà escompté des perspectives faibles dans les cours des actions et ont tendance à se redresser en premier lorsque les valeurs se stabilisent.

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