Les pharmas sur les pas des biotechs

Salima Barragan

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Les thérapies géniques présentent de formidables opportunités, estime Laurie Don de Liontrust.

A coup d’acquisitions stratégiques, la frontière entre les activités des pharmas et des biotech s’est atténuée. Roche incarne la réussite exemplaire d’une grande pharma qui a réussi à se réinventer en s’adaptant aux nouvelles percées scientifiques, notamment grâce au rachat de la prometteuse société californienne Genentech en 2009. Tout comme sa concurrente domestique, Novartis, qui s’est aussi lancée dans la génothérapie, pourtant naguère chasse gardée des biotechs. Le point avec Laurie Don, gérant au sein de l’équipe en charge de l’investissement chez Liontrust.

Comment le périmètre des activités des sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques a-t-il évolué ces dernières années?

Au fil du temps, les limites entre les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques traditionnelles se sont estompées. Originellement, la pharma crée des thérapies à base de petites molécules ou de produits chimiques tandis que la biotechnologie travaille sur celles à base de grosses molécules - voire complexes - basées sur la biologie. Au cours des dix dernières années, les sociétés pharmaceutiques ont davantage investi l’espace de la biotechnologie, en se concentrant sur leur portefeuille d’activités ou en procédant à des acquisitions.

Nous recherchons des entreprises qui amènent des changements significatifs dans les thérapies de santé.
Roche, qui s’est lancée dans des nouvelles thérapies prometteuses, incarne-t-elle le bon exemple d’une grande pharma ayant réussi à repousser les limites des activités traditionnelles?

Oui, car Roche a continué à évoluer avec son temps: qu'il s'agisse de l'acquisition de la biotech Genentech en 2009, de Foundation Medicine qui est une entreprise de compréhension moléculaire ou encore de Spark Therapeutics, le producteur de la première véritable thérapie génique. Roche se distingue également pour avoir mis sur le marché de nouveaux médicaments vraiment innovants tels que l’Hemlibra pour hémophilie A, l’Ocrevus contre la sclérose en plaques, ainsi que par le nombre de désignations de percée reçues: une marque de reconnaissance de l'organisme de réglementation, qui permet un calendrier de développement et un délai de mise sur le marché plus rapide pour les entreprises qui les reçoivent.

Dans une contribution que vous avez écrite récemment, vous estimez que la pandémie a mis le doigt sur les raisonnements à court-terme qui n’allouent pas suffisamment de moyens au système de la santé. Pourquoi pensez-vous que Roche pourrait tout particulièrement bénéficier d’investissements à venir dans la santé?

Jusqu’à récemment, leur activité de diagnostic était largement ignorée par les investisseurs. Mais elle s'est avérée solide car elle a apporté des mesures essentielles pour lutter contre la pandémie. Dans le processus, Roche a établi une empreinte encore plus forte dans les machines de diagnostic qui permettront à l’avenir de détecter d’autres maladies. N'oublions pas que les coûts de diagnostic représentent 1 à 2 % du total des dépenses de santé et qu'ils contribuent à 60 - 70 % des décisions en matière de soins de la santé. En termes de rentabilité, c'est donc l'un des domaines où il est le plus important d'agir.

Biotech ou pharma: dans quel type d'entreprise préférez-vous investir?

Nous avons tendance à investir dans l'ancienne extrémité biotech du spectre car nous recherchons des entreprises qui amènent des changements significatifs dans les thérapies de santé. Ce sont généralement les petites sociétés qui peuvent y parvenir grâce à leurs nouvelles technologies. Nous aimons par exemple la société britannique GW Pharmaceuticals qui a créé la première thérapie à base de cannabinoïdes approuvée et utilisée pour traiter l'épilepsie. Elle a depuis a été acquise par Jazz Pharmaceuticals. Nous apprécions aussi la société américaine Alexion Pharmaceuticals spécialisée dans le traitement des maladies rares qui a été rachetée par AstraZeneca.

Une grande partie des progrès scientifiques réalisés sont fondés sur des pools importants de données sur les patients.
Les thérapies géniques représentent moins de 1% du marché mondial des thérapies, qui s'élève à 1’000 milliards de dollars. Comment jouez-vous les avancées technologiques dans ce domaine?

Nous y voyons une formidable opportunité pour traiter les maladies avec une unique thérapie définitive. Novartis a sa part d'innovation, avec des travaux sur la thérapie génique de la SMA (Zolgensma), l'acquisition d'Avexis, ou encore dans les thérapies cellulaires avec son produit Kymriah. Mais nous préférons encore une fois jouer ces avancées avec des entreprises spécialisées du domaine. Ainsi nous avons investi dans Oxford Biomedica, un fournisseur britannique essentiel au processus de fabrication du Kymriah. Cette société est appelée à bénéficier non seulement des progrès réalisés par Novartis dans le traitement des maladies, mais aussi du thème plus large des thérapies géniques. Nous apprécions également la société Illumina, spécialiste du séquençage de l’ADN et du diagnostic moléculaire.

Le secteur de la santé souffre-t-il encore de l'espionnage industriel?

La cybermenace est de plus en plus importante pour les organisations de soins de santé, car une grande partie des progrès scientifiques réalisés sont fondés sur des pools significatifs de données sur les patients, que ce soit au niveau génétique ou en capturant les interactions quotidiennes. En lisant entre les lignes des entreprises du secteur, nous pensons que ces dernières prennent la menace de l'espionnage et la protection des données au sérieux et considèrent la sécurité de leur propriété intellectuelle comme essentielle lorsqu'elles décident avec qui travailler et où baser une partie de leurs opérations à l'international. Sans la sécurité et la protection des idées, ce modèle pourrait être remis en question.

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