Les nouveaux atouts des marchés indiens

Emmanuel Garessus

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L’Inde sort d’une période de sous-investissements. Tant les actions que les obligations offrent de belles perspectives, selon Alessia Berardi d’Amundi.

Alessia Berardi, responsable de la recherche macro et stratégique sur les marchés émergents auprès d’Amundi Institute, vient de publier une vaste étude portant sur l’attrait des investissements en Inde. Le pays le plus peuplé au monde dispose d’une économie qui a bien résisté au choc du covid, notamment sa demande intérieure. L’intérêt se concentre aujourd’hui sur l’amélioration des fondamentaux du pays, notamment de sa politique budgétaire et de la proximité de la fin du resserrement de sa politique monétaire. Malgré le déficit de la balance courante du pays en 2022, la situation s’est en effet améliorée, indique à Allnews Alessia Berardi. L’économiste qualifie le déficit du compte courant de «bon déficit» parce qu’il exprime la fermeté de la demande domestique. De plus, les réserves monétaires de l’Inde se sont accrues significativement, ce qui a permis à la banque centrale de contenir la baisse de la roupie l’automne dernier. L’économiste répond aux questions d’Allnews:

Payer sa facture pétrolière en roupies renforce-t-il la position extérieure du pays?

L’Inde a longtemps souffert d’un prix élevé du pétrole. L’an dernier également, la facture énergétique s’est alourdie avec l’augmentation des coûts énergétiques. Cependant, l’effet de cette hausse sur la balance courante et le budget est resté plus limité que dans le passé. Bien que l’Inde ait massivement accru ses importations pétrolières en provenance de la Russie, leur paiement en roupie ne progresse pas et le dollar reste de loin la devise dominante dans le commerce des matières premières. Cela étant, la position extérieure de l’Inde s’est nettement améliorée depuis l’épisode du «Taper Tantrum», lorsque le pays se classait parmi les «Cinq Fragiles» avec la Turquie, l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Indonésie.

Les banques ont profité d’une meilleure gouvernance et de la réduction du montant de créances douteuses grâce à la solidité de bilan des entreprises.
Les investisseurs ont souffert de la dépréciation de la roupie depuis des années. En 2022, la monnaie locale a perdu environ 10% contre le dollar. Ce déclin va-t-il se poursuivre?

L’Inde souffre d’un déficit courant structurel. Mais nous pensons que dans une perspective à moyen ou long terme, la roupie n’est pas surévaluée. L’an dernier, le dollar a nettement progressé face à la roupie en raison de facteurs exceptionnels, comme son caractère de valeur refuge dans le contexte de l’invasion russe. Le billet vert devrait dorénavant se déprécier. La roupie devrait en profiter. L’amélioration des fondamentaux indiens plaident en faveur de la roupie. Le pays bénéficie d’une politique budgétaire nettement plus crédible que dans le passé. Ses objectifs, en termes de déficit budgétaire pour 2024 ( 5,9%), ne sont d’ailleurs pas très ambitieux. L’Inde profite aussi d’un élément relativement nouveau que nous mettons en évidence dans notre étude, à savoir la sortie d’une longue période de sous-investissements. Ce changement est alimenté par le désendettement effectué ces dernières années dans le secteur privé. Le pays dispose aussi d’un avantage géopolitique majeur lié à sa politique de non-alignement, tant à l’égard de la Chine que des Etats-Unis. Enfin, New Delhi doit prendre des mesures majeures afin face aux évènements climatiques, ce qui alimentera la croissance des investissements, en particulier dans les technologies vertes. La stabilité politique devrait soutenir le cycle des investissements.

Les élections qui auront lieu l’an prochain ne risquent-elles pas précisément de donner un coup d’arrêt à cette amélioration des fondamentaux?

Nous n’accordons pas une forte probabilité à un changement politique après les élections nationales de l’an prochain. Certes, le parti du premier ministre, le BJP, a été défait lors du dernier scrutin, au Karnataka, mais les élections locales traduisent des tendances et des facteurs locaux et ne se reflètent pas forcément au niveau national. Le dernier budget, malgré le contexte électoral, a souligné la volonté de renforcer les dépenses publiques en faveur de l’investissement plutôt que dépenses électoralement plus porteuses.

Pour les investisseurs, quelle est votre appréciation des actions indiennes?

La transition vers le Net Zéro se traduira probablement par une croissance économique mondiale plus faible, mais plus durable. Ainsi, la frontière efficiente pour les investisseurs nécessite de prendre davantage de risque pour obtenir davantage de rendement. Cela signifie qu’il faut accroître l’allocation aux marchés émergents, comme l’Inde et la Chine, pour obtenir un meilleur rendement de portefeuille. L’Inde devrait certes également ralentir pour se rapprocher de sa croissance potentielle (environ 5%) mais, en raison d’une croissance nominale relativement plus élevée, les perspectives bénéficiaires y restent favorables. Nous sommes donc structurellement constructifs sur les actions indiennes.

L’indice Sensex des actions indiennes présente une forte pondération de banques, lesquelles ont superformé ces derniers mois. Quels secteurs privilégiez-vous?

Les banques ont profité d’une meilleure gouvernance et de la réduction du montant de créances douteuses grâce à la solidité de bilan des entreprises. Mais ces éléments sont déjà intégrés dans les cours. L’indice reste relativement cher.. Toutefois, l’Inde profite aussi d’une position relativement sûre vis-à-vis du risque géopolitique.

Qu’en est-il des obligations?

Le potentiel des obligations indiennes est considérable en raison des discussions portant sur leur intégration dans les grands indices obligataires globaux. Les autorités sont ouvertes à cette idée, mais à leur rythme. L’une des raisons de procéder de manière graduelle est d’éviter un excès de volatilité sur le marché de leurs obligations souveraines sous l’effet d’importantes fluctuations de positions prises par des investisseurs étrangers. Pour l’instant, la détention de titres d’Etat par les investisseurs étrangers est plafonnée.

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