Les marchés privés en fer de lance

Nicolette de Joncaire

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Alfredo Piacentini: «Les private markets prennent une place que les banques ont délaissée dans le financement des entreprises».

Interrogé sur une éventuelle présence à Zurich il y a un peu plus d’un an, Alfredo Piacentini nous disait «…nous y sommes évidemment intéressés mais ne voulons pas faire un ‘pas plus long que la jambe’», un italianisme qui traduisait prudence et humilité. Le pas est toutefois franchi et les trois métiers de Decalia y seront représentés sous la direction d’Olivier Ruch, arrivé tout récemment d’UBS.  Avec 4,950 milliards de francs sous gestion, soit une hausse de plus de 40% des actifs en trois ans, Decalia affiche une croissance qu’Alfredo Piacentini qualifie avec bonhommie «d’assez soutenue». Entretien.

Après Milan où vous détenez une SIM1, c’est à Zurich que Decalia se déploie désormais. Quelles activités y couvrirez-vous?

Nous avions déjà une activité de distribution de fonds à Zurich mais désormais nos trois lignes de métier y seront représentées: le Wealth Management, l’Asset Management et les Private Markets. Les équipes de Zurich seront dirigées par Olivier Ruch qui vient d’arriver en provenance d’UBS. Le marché alémanique est souvent décevant pour les acteurs genevois mais nous pensons y rencontrer un certain succès car notre offre est «décalée» et nos produits originaux.

Vos actifs sous gestion sont proches de 5 milliards…

Ils se montent à 4,950 milliards. «Près de cinq milliards» est le cliché de qui en a 4,6 sous gestion. Oui, nous connaissons une croissance assez soutenue. Notamment dans l’activité de private banking dont la masse sous gestion a augmenté de 15% au cours des 18 derniers mois.

Quelles nouveautés du côté de l’Asset Management?

Deux nouvelles stratégies toujours thématiques, l’une déjà active et la seconde proche du lancement. La première est une prolongation de l’esprit de notre portefeuille européen Silver Generation dédié à la consommation des seniors. Nommée Eternity, nous avons fait évoluer l’univers des valeurs à l’échelle mondiale pour inclure l’impact de la technologie sur le prolongement de la vie. L’innovation dans ce domaine est phénoménal.  L’autre fonds qui devrait voir le jour dans quelques semaines va investir dans les thèmes qui composeront la société de demain, plus vertes, plus durables. Ce nouveau fonds devrait répondre aux critères SFDR de l’article 8.

 

Il y a également, chez les gérants, un problème de remplacement avec le vieillissement de la vieille école… et de sa clientèle.
Vous gérez encore personnellement plusieurs portefeuilles.

Un fonds sur la plateforme Oyster sur les titres italiens que j’ai ouvert il y a plus de 25 ans et un fonds de Global Brands. Plus un fonds multi-strates géré par Fabrizio Quirighetti auquel je participe. Le premier a bien profité du renouveau du marché italien, revigoré par «l’effet Draghi» qui redonne une crédibilité internationale à la direction du pays. Son rendement a battu celui du marché italien lequel a affiché une des meilleures mondiales.

Ce sont toutefois les marchés privés qui suscitent le plus d’intérêt. Où en êtes-vous dans ce domaine?

Les marchés privés sont notre fer de lance car il faut bien comprendre qu’ils ont pris une place que les banques ont délaissée dans le champ du financement d’entreprises et de projets. Avec des rendements à deux chiffres, ils suscitent effectivement énormément d’intérêt. Pour notre part, nous avons levé un milliard de francs investi sur 22 stratégies dans les marchés privés, essentiellement sous forme de produits. Les risques sont bien contrôlés mais, comme on peut s’y attendre, la liquidité est limitée ce signifie des horizons d’investissement entre trois et six ans, par conséquent réservés à un public averti avec une vision à moyen terme et sans besoins quotidiens. En d’autres termes des HNWI, des family office et des institutionnels.

De quel type de dette s’agit-il plus précisément?

De financement immobilier, de dette d’entreprise, de venture capital ou encore de financement de litiges, pour n’en citer que quelques-uns. De la dette d’entreprises européennes, sur laquelle nous nous positionnons soit dans des fonds de dette, soit en co-investissant en direct avec certains gérants spécialisés. Nous allons d’ailleurs clôturer la première levée d’un fonds géré in-house qui investit dans différentes stratégies de dette.

Qu’en est-il de la consolidation du secteur des gérants?

Nouvelles normes, nouvelles règles, nouvelles exigences, tout est devenu bien plus lourd à gérer et, en conséquence, le phénomène de consolidation prend de la vitesse tant au sein des banques que chez les gérants indépendants. Il y a également, chez les gérants, un problème de remplacement avec le vieillissement de la vieille école… et de sa clientèle. Toutefois, s’il est inévitable de devoir mutualiser les coûts, il est tout aussi indispensable de conserver une offre de gestion originale et d’adapter son langage à une nouvelle génération qui cherche autre chose.

Etes-vous toujours aussi peu convaincu de la pertinence du télétravail?

Il y a des moments, des lieux et des métiers pour lesquels le télétravail peut faire sens. Je ne pense pas que ce soit le cas dans notre profession sauf rares exceptions. Sans présence dans un même lieu, pas d’esprit d’entreprise. Et puis le développement de nouvelles idées se fait la plupart du temps au cours de rencontres fortuites et informelles… pas dans une conversation vidéo entre deux personnes. Dans des structures comme les nôtres, le télétravail est disruptif au mauvais sens du terme.

 

1 SIM: Societa di Intermediazione Mobiliare

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