Les crypto-actifs font leur entrée dans la gestion de fortune

Salima Barragan

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En Suisse, les cryptomonnaies sont généralement qualifiées comme des valeurs mobilières, souligne Florian Rais CEO de Criptonite Asset Management.

Le mystérieux créateur du bitcoin - Satoshi Nakamoto - aurait-il pu imaginer la montée en puissance de la crypto? Probablement pas. Depuis la genèse de la célèbre cryptodevise, un écosystème mondial s’est développé, règlementé et institutionnalisé.  Il a dépassé les 1’100 milliards de dollars US; le bitcoin représentant à lui seul 530 milliards. Florian Rais, banquier de carrière, a fondé à Genève Criptonite AM en 2018. Sa société gère et développe des produits dans les actifs numériques. Lors d’une interview accordée à Allnews en marge de la seconde édition de la conférence Web3Connect à Genève le 12 septembre, il explique son intérêt pour cette classe d’actifs inhabituelle dans l’asset management.

Après une carrière débutée dans une grande banque privée, quelles raisons vous ont incité à lancer une société de gestion spécialisée dans les actifs cryptos?

Le déclic m’est venu lors d’une conférence à Macao en 2017, réunissant 3000 participants venus de tous les horizons. J’étais alors sceptique vis-à-vis de cette jeune classe d’actifs dont le narratif me laissait perplexe en tant que banquier. 

Cependant, j’ai constaté que derrière le filtre révolutionnaire des pionniers de l’industrie, le discours était parfaitement cohérent. Notamment en matière de décentralisation et de transparence. De plus, il avait une grande audience. Cependant, la mauvaise présentation initiale des cryptodevises a semé beaucoup d’incompréhension.

Criptonite AM est en cours de rachat par l’américain Wave Digital Assets sous réserve de l’approbation de la Finma. Quel bilan tirez-vous de ce rapprochement?

L’opération est positive. Les États-Unis ont cette capacité d’investir toujours plus, et plus fort. Les débuts de l’industrie des hedge funds en est un exemple. Les Européens sont toujours plus frileux lorsqu’il s’agit de se lancer dans la nouveauté.

Active depuis 6 ans, Wave Digital Assets gère beaucoup d’actifs. Le fondateur de Cardano, Charles Hoskinson est d’ailleurs un membre de l’advisory board de la société. Ce rapprochement nous permet d’acquérir rapidement de nouvelles compétences et connaissances sur les actifs cryptos. De plus, cette société est régulée par la SEC en tant que gestionnaire d’actifs, ce qui correspond à notre modèle d’affaires basé sur la réglementation. J’estime qu’une société crypto non régulée n’a aucun avenir.

Comment comparez-vous les marchés américains et suisses en termes de développement et de règlementations?

La Suisse, pour une fois, a osé. Avec pragmatisme, elle a encouragé l’innovation avec la Crypto Valley à Zoug. Les cryptodevises sont devenues des valeurs mobilières à part entière. Nous bénéficions d’un écosystème riche grâce à l’ouverture d’esprit de la Finma et à la régulation.

Aux États-Unis, la situation est moins claire. Personne ne sait où l’industrie se dirige exactement, car il y a un clivage entre les acteurs politiques et les institutions telles que le Congrès et la SEC. Cette dernière est peu au clair sur la classe d’actifs.

Envisagez-vous d’autres projets de rapprochement?

Des projets sont en discussion. Nous avons observé l’émergence d’une pléthore de sociétés de niche spécialisées dans des monoproduits. La nouvelle loi MiCa, qui régule le marché européen des actifs numériques, nous permettra d’y participer et de consolider des compétences spécifiques.

Les produits dédiés aux cryptodevises ne cessent d’évoluer. Avons-nous dépassé le stade de niche?

Tout dépend du point de vue. L’univers des actifs digitaux ne représente qu’une petite partie de l’allocation d’actifs chez certains. En revanche, ils sont devenus incontournables pour un family office au service d’une clientèle jeune.

Tout droit venus des États-Unis dans les années 90, les investissements alternatifs divisaient alors les professionnels. Ils sont aujourd’hui devenus une véritable classe d’actifs. 

La crypto vit sa révolution. En 2019, les produits étaient concentrés sur une à trois devises principales. Depuis, le marché s’est sophistiqué avec l’inclusion de plus petites monnaies numériques et les produits dérivés sur les cryptodevises sont apparus. Le marché attire de plus en plus d’investisseurs, baissant de ce fait la volatilité totale dans la mesure où les situations d’arbitrage sont de très courte durée.

Vous venez de lancer un certificat activement géré sur les mineurs de bitcoin. Comment cette activité fonctionne-t-elle?

La rémunération des mineurs de bitcoin est définie par le marché. Elle est divisée par deux environ tous les 4 ans, forçant les acteurs à se munir d’équipements plus efficients. Critiqués pour leur consommation d’électricité, les mineurs sont passés à l’action en sollicitant davantage les énergies renouvelables. Nous souhaitons donner la possibilité aux investisseurs traditionnels d’accéder à la classe d’actifs, car les mineurs surperforment le bitcoin lors des phases haussières. Nous arrivons à quelques mois d’une division par 2 des rendements: historiquement l’impact sur le bitcoin a été très important.

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