Les actions américaines en route vers un nouveau record

Emmanuel Garessus

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Les facteurs saisonniers sont très favorables aux actions, selon Pierre Leconte, conseiller économique.

Pierre Leconte, conseiller financier et auteur du blog Forum Monétaire de Genève, est très attentif aux facteurs saisonniers des marchés financiers. Il répond à Allnews sur les perspectives des marchés pour ces prochains mois et 2024:

Est-ce que les facteurs saisonniers déterminent à nouveau la tendance?

Les facteurs saisonniers n’ont jamais cessé de déterminer la tendance. Mais ils sont parfois occultés par diverses interférences. Je pense que d’ici la fin de l’année l’indice S&P 500 poursuivra son rallye de fin d’année et devrait atteindre au moins 4600 points, et peut-être même retrouver le plus haut historique, à 4796 points du 3 janvier 2022. Cela devrait être le cas si l’indice FANG +, qui représente les sept plus grandes capitalisations technologiques, casse son plus haut.

Rien ne devrait arrêter les marchés boursiers tant que domine la perception d’une baisse de l’inflation. Les questions géopolitiques ne sont plus un facteur susceptible d’inquiéter les marchés. Tout le monde semble s’habituer à la guerre en Ukraine et le conflit entre Israël et le Hamas au Proche-Orient ne perturbe pas davantage la tendance, comme le montre le cours du pétrole. Les investisseurs n’ont plus peur.

Si vous vous attendez à un record des actions américaines, est-ce que la hausse se concentrera sur la Big Tech?

Ce sont effectivement les actions technologiques qui tirent les indices à la hausse parce que ce sont des titres de croissance et qu’elles sont fonction de la tendance des taux d’intérêt. Le scénario en vigueur leur est favorable: Les marchés ne croient pas à une nouvelle hausse des taux d’intérêt américains et s’attendent à des baisses de taux directeurs au 2e semestre 2024. Les «magnificent seven» sont logiquement reparties à la hausse.

Les investisseurs ont besoin de justifier leurs positions et leurs idées, mais ils le font a posteriori. Nous avons longtemps été habitués à ce que les prévisions soient suivies des faits. Pour le moment, les prévisions des grands analystes américains et des banques ont été déjouées, à l’image de l’éternel débat sur une prochaine récession aux Etats-Unis. Je répète depuis longtemps qu’il n’y aura pas de récession aux Etats-Unis. La croissance est forte et se justifie par une consommation qui ne faiblit pas, qu’elle soit due à l’emprunt ou à la politique budgétaire expansionniste. Aux Etats-Unis, les spectres de la récession et de l’inflation sont derrière nous.

«Au moment où la dette publique n’est plus sous contrôle, je préfère les actions aux obligations.»
Les recommandations en faveur des obligations n’ont jamais été aussi nombreuses. N’est-ce pas un risque pour les actions?

Les placements obligataires ne sont pas sans risque. Indépendamment du risque d’inflation, les obligations représentant une dette. Au moment où la dette publique n’est plus sous contrôle, je préfère les actions aux obligations parce que l’investisseur fait un pari sur les entreprises plutôt que sur dette publique. Il achète des perspectives de croissance lesquelles sont supérieures à celles d’un recul des taux d’intérêt. Les obligations offrent une fausse sécurité.

Qu’attendre d’une année 2024 marquée par la présidentielle américaine?

La présidentielle américaine s’annonce explosive. Normalement, l’année électorale est la meilleure du cycle, notamment après les 3 ou 4 premiers mois volatiles, sans égard pour les sondages et les programmes politiques. Nous devrions donc enregistrer un sommet boursier en juillet 2024.

Est-ce que les sondages défavorables à Joe Biden peuvent remettre en cause ce scénario?

Il est certain que Joe Biden est très âgé et qu’il entretient les conflits internationaux, comme la guerre en Ukraine qui est instrumentalisée pour atteindre la Russie, mais son bilan économique est loin d’être désastreux, à l’exception du dossier budgétaire. Les sondages plaident en faveur de Donald Trump, mais dans les faits, même si Joe Biden perd du terrain, convenons que sa présidence n’a pas été aussi catastrophique qu’on le dit. Je pense que les cours de bourse sont devenus indépendants des facteurs politiques et géopolitiques. Chaque sphère vit sa propre dynamique.

Vous êtes un bon observateur des métaux précieux et des monnaies. Quelles sont vos prévisions à leur égard?

Le cours de l’or n’a pas répondu à mes attentes en 2023. Il a atteint son plus haut à 2085 dollars l’once au printemps à l’heure du risque de «shutdown». Il aurait dû davantage capitaliser cette cassure.

Mais l’or dépend surtout du dollar, lequel a très bien tenu. Tant que le billet vert ne baissera pas lourdement la tendance du métal jaune ne devrait pas être très brillante. J’ai l’impression que l’or est très en retard par rapport aux actions parce qu’il est passé de mode et n’a plus qu’un intérêt de diversification. L’once devrait osciller entre 1900 dollars et 2100 dollars.

Est-ce que l’augmentation de la dette publique européenne peut faire peur aux investisseurs?

Les inquiétudes sur l’endettement des pays européens expliquent peut-être l’absence de baisse du dollar et le manque de soutien à l’euro, une monnaie vulnérable dès sa construction. L’Europe est dans une mauvaise situation depuis que l’Allemagne n’est plus en mesure de contre-balancer les situations d’urgence d’autres pays et que la politique de la BCE n’est plus expansive, mais qu’elle réduit ses achats obligataires. Pour la BCE, la lutte contre l’inflation prime sur la stabilité de la monnaie.

La Chine a déçu en 2023 et le Japon a positivement surpris. Est-ce qu’il y a un marché boursier excessivement bon marché?

Non, aucun n’est très bon marché. La Chine souffre toujours de l’opacité des statistiques. La situation semble mauvaise dans la construction et l’immobilier et meilleure dans la technologie. Mais les marchés financiers n’ont pas le même poids en Chine qu’ils ont en Occident.

Le gouvernement chinois veut passer entre les gouttes sans trop prendre partie. Il ne devrait pas intervenir à Taïwan en dépit des menaces. C’est avant tout une question de communication à des fins de politique interne. Le gouvernement n’entend pas provoquer une crise qui aurait de profonds impacts sur ses relations internationales, son économie et ses exportations. Par contre la situation politique interne semble instable. Elle dépend surtout de la situation de l’emploi. Le risque asiatique n’est pas politico-militaire comme il l’est au Moyen-Orient ou en Europe de l’Est.

Quelle est votre opinion sur les conséquences de la crise au Moyen-Orient?

A mon avis, la situation est sans issue. Il n’est pas possible d’avancer la solution des deux Etats parce que cela remet en cause la colonisation israélienne en Cisjordanie et parce qu’il faudrait un accord des pays arabo-musulmans qui fera défaut. Quel est l’interlocuteur possible pour Israël? Il n’y en a pas. Mais les marchés ne seront pas affectés par ce conflit.

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