Le Vietnam est le plus intéressant au monde

Emmanuel Garessus

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La bourse du Vietnam est extrêmement bon marché, selon Xavier Hovasse de Carmignac, positif aussi sur la Chine et le Brésil.

Le fonds Carmignac Emergents est l’un des plus réputés dans sa catégorie. Il avait largement surperformé durant la première année de la pandémie et présente cette année un rendement proche de l’indice. Sa performance sur 3 ans atteint 20,7% à fin novembre sur base cumulée (18,3% pour l’indice de référence) pour une taille de 778 millions d’euros. Il avait largement surpondéré la Chine en 2020 et les pays riches en matières premières en 2022. En cette fin d’année marquée par un rebond des marchés, Xavier Hovasse, responsable de l’équipe actions émergentes et co-gérant du fonds Carmignac Emergents, répond aux questions d’Allnews sur ses pays préférés, et Amol Gogate, co-gérant de Carmignac Portfolio Emerging Discovery sur ses vues des marchés émergents frontières

Quelle est votre lecture des événements en Chine?

Notre portefeuille chinois s’est profondément modifié sous l’effet de la politique «zéro covid», des relations compliquées avec les Etats-Unis et de la valorisation des titres. A la fin octobre, au lendemain du congrès du parti communiste et de la réélection de Xi Jinping, l’indice chinois était proche du plus bas depuis 30 ans. Il accordait une forte probabilité au scénario d’invasion de Taïwan, pourtant extrêmement improbable à notre avis. Nous sommes aujourd’hui surpondérés en Chine (37% du portefeuille, y.c. Hongkong, contre 30% dans l’indice) avec des titres à Beta élevé.

Qu’attendez-vous de l’économie chinoise?

Elle ne se porte pas bien. La crise immobilière est sévère et perdurera. Mais des éléments positifs sont apparus depuis la fin octobre, notamment des mesures d’assouplissement de la politique zéro covid. Le gouvernement veut relâcher la tension à la suite des manifestations. La réaction de Xi Jinping plaît aux marchés. Elle laisse présager un rebond économique plus rapide. Comme la politique de Xi Jinping est définie par sa politique sanitaire, il ne peut pas se désavouer et avouer ses erreurs.

«La situation en Chine s’est améliorée depuis la fin octobre. Xi Jinping sait écouter les critiques, à l’inverse de Vladimir Poutine.»

La poignée de mains entre Joe Biden et Xi Jinping lors du G20 s’inscrit aussi dans le sens d’un d’apaisement des relations. Enfin, les ADR chinois, qui devaient être décotés de la bourse de New-York en 2023, ne le seront qu’en 2024 parce que la loi correspondante ne sera pas votée à temps. Elle pourrait même ne jamais l’être parce que le rapport de l’Accounting Board, de retour de Hongkong, a estimé avoir obtenu les informations désirées. Nous sommes donc plus positifs à l’égard de la Chine.

Est-ce que ce n’est pas la fin du capitalisme occidental en Chine comme on pouvait le craindre après les décisions du congrès du parti chinois, les tensions internationales et le contrôle social toujours plus fort?

Non, ce n’est pas la fin du capitalisme en Chine. Ces critiques reflètent le sentiment de la population chinoise, mais la situation s’est améliorée depuis la fin octobre. Xi Jinping sait écouter les critiques à l’inverse de Vladimir Poutine.

Quelle est votre approche des leaders de la tech?

Nous avons acheté Alibaba pour la première fois depuis son introduction en bourse en 2013 en raison de la valorisation. La tech chinoise était détestée, presque non investissable. Nous en avons pu en bénéficier. Il s’agit de sociétés qui d’ailleurs rachètent leurs actions.

Est-ce une correction haussière ou un changement de tendance durable?

Il est trop tôt pour le dire. Cela dépendra de Xi Jinping. S’il joue la carte de l’apaisement et de l’ouverture, comme ses prédécesseurs, nous pourrions avoir un cycle remarquable.

Si, l’année prochaine, une récession frappe l’Europe et les Etats-Unis, la Chine, l’atelier du monde, n’en souffrira pas trop?

Notre scénario boursier diffère totalement de celui de l’économie. Le marché chinois est, de tous les pays, le moins corrélé à la performance de son économie. Les mesures d’interdiction d’exportation technologique en Chine mises en place par Joe Biden pénaliseront la tech chinoise. La confiance des consommateurs est au plus bas. Et l’immobilier est au plus mal, faute de demande. La croissance ne dépassera pas 2 à 3% en 2023.

Est-ce que la répression des manifestations peut amener les investisseurs à mettre le marché chinois à l’index?

Cela dépendra aussi de Xi Jinping. Pour l’instant, la répression est moindre en Chine que celle des Gilets jaunes en France. Mais le marché sera vigilant.

Qu’est-ce qu’un cessez-le-feu en Ukraine changerait à votre scénario?

La Chine a été fortement pénalisée par la guerre en Ukraine et profiterait vivement d’un accord de paix. Nous pensons que nous avançons vers un apaisement.

«Le Vietnam combine les qualités d’un exportateur global, comme la Chine, et les perspectives de nette croissance de la consommation, comme l’Inde et l’Indonésie.»
Est-ce vous préférez le Brésil et les exportateurs de matières premières à la Chine?

Je rentre de déplacement profession au Brésil, qui est le deuxième pays que nous préférons, après la Chine et devant la Corée du Sud. Au Brésil, nous aimons beaucoup le fort potentiel de baisse des taux d’intérêt (actuellement 13,75%) tandis que l’inflation s’effondre (2 ou 3% en juin 2023). Le pays profite à la fois du prix des matières premières et d’une hydrologie très élevée, en raison des pluies les plus fortes depuis un siècle. L’agriculture se porte bien. Le président Lula va augmenter les dépenses publiques mais le congrès, de centre-droit, bloquerait un excès de dépenses.

Les services aux collectivités et l’électricité profitent de la baisse des taux ainsi que les services de santé.

Quelles sont vos préférences parmi les plus petits pays émergents?

Amol Gogate: Notre regard se porte à la fois sur les grands marchés émergents et sur les pays dits frontières. Nous investissons dans les petites capitalisations (max 8 à 10 milliards d’euros). Dans les pays frontières, le Vietnam est de très loin le plus attractif pour l’investisseur. Il serait faux de le placer dans la même ligue que le Nigeria ou le Pakistan. Le Vietnam combine les qualités d’un exportateur global, comme la Chine, et les perspectives de nette croissance de la consommation, comme l’Inde et l’Indonésie.

Pourquoi?

Le Vietnam est peut-être le marché le plus intéressant aujourd’hui dans le monde pour les investisseurs. Il a depuis des années attiré les grands groupes coréens, chinois et japonais, à l’image de Samsung. Peu de pays présentent une croissance économique aussi forte, environ 6% cette année et 3 à 4% l’an prochain. L’Inde et les Philippines entrent en ligne de compte mais la valorisation est très nettement supérieure dans ces deux cas. Le Vietnam est extrêmement bon marché. Nous suivons ce marché depuis trois ans. Le seul problème tient aux restrictions d’investissement. Les étrangers ne peuvent pratiquement pas acheter des actions. Et ceux qui ont pu le faire ne veulent pas vendre. La correction intervenue ces derniers mois résulte de ventes d’investisseurs locaux. Nous voulions acheter mais ne le pouvions pas suffisamment.

En réalité, le Vietnam ne devrait pas être considéré comme un marché frontière. Il est en train d’améliorer ses infrastructures, sa technologie et sa régulation. Cela prendra sans doute trois ans avant de pouvoir ouvrir son marché financier au reste du monde. Durant ce temps, nous continuerons d’acheter.

Le Vietnam dispose par exemple de banques ayant des quotas de croissance limités à 20% alors que la demande est encore plus forte. Ces établissements peuvent présenter un rendement des investissements de 20% et une croissance annuelle de 20% ces prochaines années. Dans les autres marchés émergents, le multiple du bénéfice atteint atteindre 20 à 30 alors qu’il n’est que de 5 au Vietnam.

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