Le groupe Vaudoise Assurances maintient fermement le cap

Philippe Rey

4 minutes de lecture

L’assureur maintient ses objectifs ambitieux, malgré le contexte économique incertain et le recul des marchés financiers. Le point sur la situation avec son CEO, Jean-Daniel Laffely.

Le groupe Vaudoise Assurances continue à progresser conformément à ses objectifs stratégiques pour la période 2020-2022. Il complète et conserve ses objectifs stratégiques pour 2023-2025. Sa transformation digitale suit son cours. Entretien avec le CEO, Jean-Daniel Laffely.

Quelle est la dynamique du groupe au regard de ses objectifs?

La Vaudoise se situe au-dessus de ses objectifs pour 2022, s’agissant de l’évolution des primes. Quant à la rentabilité, il faut nuancer suivant les branches. Nous sommes bien en ligne en ce qui concerne les assurances de personnes non-vie, c’est-à-dire maladie et accidents pour les entreprises, avec un ratio combiné (ndlr: rapport sinistres et frais sur primes) inférieur à 100%.

Dans les branches de patrimoine, l’objectif de 90% de ratio combiné est ambitieux et pourrait être plus difficile à atteindre car il est tributaire d’éventuels sinistres lourds d’ici la fin de l’année et de l’augmentation des coûts des prestations liés à une pression inflationniste dans certains domaines. On observe d’ailleurs que le marché de la réassurance se tend en matière de couverture du risque de catastrophes naturelles.  

En assurances vie, la refonte de la gamme de produits engagée en 2015 continue à porter ses fruits, combinée avec l’intensification du conseil en matière de prévoyance. La hausse des taux d’intérêts donnera également l’opportunité de réintroduire plus de garantie dans nos solutions.

L’inflation ne sera pas sans impact sur les coûts et les primes…

Les coûts s’inscrivent en hausse, notamment dans le secteur de la construction, avec un renchérissement des matières premières y relatives; c’est également un phénomène observé dans les branches des assurances automobiles.

Au sein des produits vie, en particulier, nous avons constitué des réserves pour garanties de taux de plus de 400 millions francs qui ne font pas partie de nos fonds propres. 

Nous bénéficions de mécanismes d’indexation pour l’assurance ménage. Ceux-ci n’existent pas dans la branche véhicules à moteur. Toutefois, nous procédons à des révisions de tarifs régulières, sans oublier la valeur catalogue voiture. Quant aux assurances de personnes non vie, l’impact se manifestera surtout en 2024, sur la base des masses salariales de 2023 qui devraient en partie refléter l’inflation connue en 2022 suivant les secteurs d’activités.

Vous avez affirmé au premier semestre que la branche responsabilité civile était un marché très concurrentiel. Quel y est votre comportement?

Nous maintenons une attitude prudente en matière de souscription du risque. La rentabilité reste globalement bonne et en ligne avec nos objectifs.

Qu’en est-il des placements de capitaux avec la hausse des taux d’intérêt?

Un effet de balancier a lieu après l’exceptionnelle année 2021. Cela pousse à la baisse le niveau de nos fonds propres comme les comptes semestriels le montrent, mais nous restons très bien capitalisés et notre taux SST reste à un niveau identique de fin 2021. D’autre part, l’effet sur les fonds propres est moindre que pour les sociétés utilisant les normes IFRS dès lors que les obligations et autres titres à revenus fixes sont estimés selon la méthode linéaire d’amortissement des coûts, en vertu des normes comptables Swiss GAAP RPC qui présentent une «true and fair view» en tenant compte des provisions pour garantie de taux.

Seuls les titres à revenus variables, à savoir les actions, le private equity et les hedge funds, sont inscrits à leur valeur de marché s’ils ont une cotation. Ces éléments sont touchés par la situation actuelle des marchés financiers.

Dans l’immobilier, un relèvement des taux d’actualisation devrait affecter la valeur vénale de ce type d’actifs. Cependant, Vaudoise détient de grosses réserves latentes sur l’immobilier, incluses dans les fonds propres, et nous pourrions avoir une protection naturelle avec la hausse éventuelle des loyers liés à la hausse des taux de référence et les indices IPC.

Enfin, des taux d’intérêt plus hauts se répercutent positivement sur les réinvestissements. En tenant compte de la chute des marchés financiers, il s’agit donc d’une gestion bilancielle plus complexe sur l’année courante particulièrement et probablement pour les années qui viennent avec l’application d’une philosophie «held to maturity» pour les titres à revenus fixes. La hausse des taux d’intérêts favorisera toutefois à moyen / long terme la création de valeur des assureurs.

La valeur boursière de Vaudoise ne représente qu’un peu plus de la moitié des capitaux propres publiés à fin juin 2022. Cela apparaît grandement sous-évalué. La valeur économique est nettement plus élevée…

Historiquement, la valeur boursière a correspondu à quasi une fois les fonds propres. De plus, le taux de solvabilité SST dépasse largement 300%. D’autres facteurs influencent le cours de bourse comme le dividende, la liquidité et le niveau de couverture par les analystes financiers. L’analyse du bilan montre que Vaudoise est fortement capitalisée. Au sein des produits vie, en particulier, nous avons constitué des réserves pour garanties de taux de plus de 400 millions francs qui ne font pas partie de nos fonds propres.  

L’autopartage va continuer à se développer, mais ne va sans doute pas détrôner les modèles classiques.
La poursuite de la stratégie mutualiste de redistribution des bénéfices aux assurés n’est-elle justement pas un handicap à cet égard?

Vaudoise Assurances Holding redistribue environ les deux tiers de ses bénéfices à la Mutuelle et aux clients, soit en proportion à la part du capital. Nous avons pour objectif de rehausser tendanciellement le taux de distribution du bénéfice net aux actionnaires vers 50%. Le fait aussi de redistribuer une autre part aux assurés nous oblige justement à rester disciplinés.

On adresse pourtant le reproche que les assureurs coopératifs ou mutualistes se montrent plus agressifs en matière de croissance et de tarifs. Quid de Vaudoise?    

Notre statut pourrait nous permettre de détériorer notre ratio combiné de quelques points de pourcentage. Mais nous ne le faisons pas. Notre pricing n’est pas plus agressif que celui de la concurrence.

Quel développement visez-vous avec les activités de frais et honoraires?

Notre objectif est d’atteindre à terme 15% du bénéfice net du groupe. Aussi bien Berninvest, que nous détenons à 100%, que Procimmo Groupe où nous avons une participation stratégique de 20% connaissent une croissance interne importante et évoluent favorablement. Nous sommes attentifs à d’autres opportunités de marché dans ce domaine. Du reste, Vaudoise développe une fondation immobilière pour les caisses de pension qui devrait être sur le marché d’ici la fin de l’année 2022.  

Où en êtes-vous avec la simplification des processus, services et produits?

Vaudoise se trouve en pleine transformation digitale, avec une révision de son socle architectural de base et de solutions qui nous permettront d’augmenter notre service auprès de notre clientèle. C’est un processus évolutif sur plusieurs années d’ici 2025, avec une simplification des processus et produits. Cette démarche est renforcée par un fort investissement dans les compétences humaines et de la technologie, notamment du cloud.

C’est un défi de taille à la fois pour notre industrie et nous par rapport aux insuretech, soit des startups qui se servent de la technologie pour révolutionner ou du moins faire évoluer le secteur des assurances. Nous devons donc innover, tout en faisant valoir nos forces en matière d’accès à la clientèle et de capitalisation. Nous renforçons nos relations avec les clients ainsi que nos activités B2B2C et nos collaborations. Et ce dans le cadre d’une stratégie omnicanale, au même prix brut pour le client, indépendamment du canal.  

Comment évoluent vos écosystèmes?

Ces activités nous permettent à la fois d’étendre nos services à la clientèle existante et à de nouveaux clients. En particulier grâce à notre service de Corporate Health Services, qui procure une approche complète de la gestion de cas de maladie et accident dans une entreprise. C’est une manière de saisir des opportunités de marché, tout en acquérant un savoir-faire supplémentaire. L’écosystème hypothécaire nous permet d’améliorer la volumétrie hypothécaire et d’effectuer du cross selling assurantiel. Nous allégeons notre bilan en cédant des hypothèques par notre partenariat avec la banque Valiant et CredEx, qui est un des leaders dans le financement immobilier en Suisse. Nous sommes aussi en réflexion sur la «niche» que forme l’assurance animalière au travers d’Animalia et Epona. Et où nous enregistrons un chiffre d’affaires de plus de 30 millions de francs.

Vaudoise s’engage également pour la mobilité de demain. Quelle est votre vue de ce marché?

Nous suivons ces évolutions très attentivement. L’autopartage va continuer à se développer, mais ne va sans doute pas détrôner les modèles classiques.

On peut s’attendre à une diminution de la détention des automobiles dans les villes, mais sans une chute des primes et marginalement du nombre de véhicules en circulation grâce à l’accroissement de la population en Suisse.  

A lire aussi...