La BNS n’augmentera pas ses taux en septembre, selon Chester Ntonifor de BCA Research.
Une hausse de 0,25%. C’est le mouvement de taux attendu lors de la réunion de la Banque nationale suisse prévue le 21 septembre. Selon Chester Ntonifor de BCA Research, la BNS n’en fera rien: «un resserrement excessif alors que l’inflation se refroidit serait une erreur politique». Le stratégiste en chef des opérations de change mise sur une dépréciation de la monnaie helvétique dans les mois à venir. Entretien.
Je ne suis pas sûr que le consensus ait raison. La courbe de SARON indique un prix supérieur de moins de 25 points de base au taux actuel. Plus important encore, la force de la monnaie continue de faire son chemin dans le système, de sorte que les prix des biens domestiques continueront de se dégonfler, et les prix des services ont déjà atteint l’objectif de la BNS. En tant que décideur politique, j’attendrai de voir l’impact des mesures de resserrement précédentes avant d’augmenter les taux d’intérêt ou de réduire davantage mon bilan pour encourager la hausse du franc suisse. Après de nombreuses années de taux d’intérêt négatifs, un resserrement excessif alors que l’inflation se refroidit serait une erreur politique.
L’économie suisse a toujours besoin d’un franc faible afin de maintenir ses exportations compétitives, cependant son taux de change est positivement corrélé à la volatilité, qui augmente lorsque la croissance mondiale s’effondre. Cette petite économie ouverte est ainsi prise en otage dans le ralentissement économique globale, car sa prospérité dépend du commerce mondial. Les marchés sous-estiment le risque d’une chute des exportations suisses. Ce phénomène constitue un frein pour la devise helvétique et pourrait amener de la volatilité sur la devise dans les prochains mois.
Le baromètre économique du KOF, un indicateur clé de la croissance du PIB suisse, est en train de s’effondrer. L’indice PMI de l’industrie manufacturière est passé de 44,9 en juin à 38,5 en juillet. L’indice PMI des services a également reculé, passant de 49,6 à 42,7 en juillet. Les PMI ont toujours été un bon indicateur avancé de trois à six mois pour les exportations suisses.
Ses dépôts à vue sont passés de près de 750 milliards de francs suisses à environ 500 milliards aujourd’hui, soit une baisse de 30%. Cela a joué un rôle déterminant dans l’appréciation du franc dans la mesure où la banque centrale vend des devises et achète des actifs nationaux.
Compte tenu de la récente force du franc, les prix à l’importation devraient continuer à se dégonfler, ce qui constituera une force désinflationniste puissante pour l’économie. La politique la plus appropriée aujourd’hui pour l’institut est d’assouplir les conditions financières, notamment en relâchant la pression sur la monnaie.
La volatilité sur les marchés des changes devrait rester élevée, constituant un risque baissier pour franc suisse. Nous sommes courts sur le franc suisse contre le yen. La devise nippone a plus de valeur en tant que monnaie refuge. Le cours de 164 euros devrait s’avérer être une formidable résistance à la hausse pour la paire. Nous sommes aussi courts sur le franc suisse contre les couronnes norvégiennes et suédoises.
L’euro contre franc suisse s’approche d’une zone d’achat, mais nous nous attendons à ce que la consolidation de l’euro contre dollar se poursuive jusqu’à notre objectif de 1,075.
La balance commerciale suisse est largement excédentaire, de sorte que les autorités de la BNS pourraient ne pas s’inquiéter outre mesure de la vigueur du franc suisse face à la baisse de l’inflation. Cela dit, si le dollar continue de s’apprécier, le franc ne sera pas épargné. Il est à noter que la paire est passée de 0,855 en juillet à 0,89 aujourd’hui, après une chute brutale depuis la parité. Je m’attends à ce que le cours réintègre une fourchette de 0,92 à 1,02, où il a passé le plus clair de son temps depuis l’intervention monétaire de 2015.
La faible inflation en Suisse est due en partie aux gains de productivité, surtout par rapport à ses partenaires commerciaux. La productivité est généralement un déterminant dans la trajectoire à long terme d’une monnaie. La croissance des salaires en Suisse est restée en deçà des gains de production, ce qui limite le risque d’une hausse des prix et d’une spirale d’inflation salariale. Ce plus, cette croissance amortie la juste valeur de la monnaie. À plus long terme, j’anticipe une appréciation structurelle du franc compte tenu des gains de productivité.