Selon le Global Industry Competitiveness Index (GICI), l’industrie chimique et pharmaceutique suisse a conservé une solide place de numéro deux mondial, derrière les Etats-Unis, dans le classement international de la compétitivité. Pour autant, d’autres pays comme le Danemark, la Chine ou la Corée du Sud ont rattrapé leur retard sur la Suisse dans ce classement. Dans quels domaines la Suisse doit-elle veiller à ne pas perdre ses avantages? Le point avec Michael Grass, membre de la direction de BAK Economics, l’institut qui a été mandaté par l'association scienceindustries pour réaliser une étude sur cette thématique présentée à l’occasion de l’assemblée annuelle de l’association économique faîtière suisse du secteur chimie, pharma et sciences de la vie.
La part de l’industrie chimique et pharmaceutique suisse au sein des exportations helvétiques est passée d’environ un quart en 2000 à près de la moitié du total en 2023. Comment expliquer la forte augmentation de l’importance de ce secteur au sein des exportations suisses en moins d’un quart de siècle?
Le succès des 25 dernières années est le résultat de deux facteurs : le premier est la demande de produits de l'industrie chimique et pharmaceutique, qui a très fortement augmenté. Cela est dû à la croissance démographique globale, au vieillissement des sociétés occidentales et aux progrès médicaux et techniques. Ce dernier aspect permet des diagnostics toujours plus performants ainsi que des thérapies toujours plus nombreuses pour le traitement de différentes maladies. Le second facteur est la forte compétitivité internationale de l'industrie chimique et pharmaceutique suisse, qui lui a permis de participer à cette forte croissance mondiale. Cette compétitivité est le résultat d'une productivité et d'une capacité d'innovation élevées, ainsi que des très bonnes conditions générales de la place économique suisse.
«Si l'ARM avec l’UE ne peut plus être maintenu dans le domaine des produits pharmaceutiques, les entreprises suisses devront effectuer des certifications supplémentaires dans l'UE. Le coût annuel est estimé à un demi-milliard de francs.»
Si l’on aborde la question sous l’angle de la compétitivité, la Suisse reste bien placée en occupant maintenant le deuxième rang de l’indice «Global Industry Competitiveness Index» (GICI) publié par BAK Economics mandaté par l'association scienceindustries, après les Etats-Unis et avant l’Irlande. Maintenant, si la Suisse a pu, comme les Etats-Unis gagner encore des points par rapport au classement précédent, l’écart avec les Etats-Unis s’est creusé, atteignant 6 points d’écart contre 3 précédemment. Faut-il s’inquiéter du creusement de cet écart?
En ce qui concerne les États-Unis, la plus grande économie du monde combine à la fois la plus grande capacité d'innovation au monde et le fait que les États-Unis représentent un très grand marché. La recherche fondamentale bénéficie aux États-Unis de conditions exceptionnelles et d'instituts de pointe.
Bien que l'écart entre les États-Unis et la Suisse soit très important, tant en termes d'intensité que de performance de la recherche, la Suisse obtient également de très bons résultats dans ce domaine et occupe la deuxième place dans notre champ d'analyse «Innovation et leadership technologique».
Plutôt que les États-Unis, nous nous intéressons aux pays qui les suivent. Des pays comme le Danemark, la Chine ou la Corée ont rattrapé leur retard sur la Suisse en matière de GICI au cours des dernières années.
Comment la Suisse se place-t-elle justement par rapport aux pays qui la suivent dans le classement et de quelle manière évolue cet écart?
C'est un point important. Je distinguerais trois groupes de pays concurrents. Le premier groupe est composé de pays d'Europe du Nord comme le Danemark et la Suède, qui ont une approche très similaire à celle de la Suisse - ils offrent de bonnes conditions générales et sont très innovants. Le deuxième groupe est composé de pays comme la Corée du Sud, le Japon et Israël, qui sont très forts dans la recherche liée à la numérisation. La Suisse doit garder un œil sur ces développements et veiller à ne pas se laisser distancer dans le domaine de la numérisation et de ses applications pour les sciences de la vie. Le troisième groupe est constitué des grands pays européens comme l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, qui mènent une politique industrielle offensive dans le domaine des sciences de la vie et tentent de stimuler les activités d'innovation.
«Des pays comme le Danemark, la Chine ou la Corée ont rattrapé leur retard sur la Suisse en matière de GICI au cours des dernières années.»
Vous répartissez les facteurs de compétivité en plusieurs catégories: la performance, la position sur le marché, l’innovation et le leadership technologique ainsi que la qualité du site suisse et ses conditions cadres. Dans quels domaines la Suisse doit-elle être particulièrement attentive pour préserver sa position?
La qualité de la place économique suisse (qualité du site) est un aspect central. Cela concerne à la fois les relations avec l'UE, la numérisation et la fiscalité. Pour le premier aspect, si l'ARM avec l’UE ne peut plus être maintenu dans le domaine des produits pharmaceutiques, les entreprises suisses devront effectuer des certifications supplémentaires dans l'UE. Le coût annuel est estimé à un demi-milliard de francs.
La Suisse se place au premier rang en matière de durabilité dans la chimie et les sciences de la vie. N’est-ce pas parce que les entreprises ont transféré une partie des activités les plus polluantes sur d’autres sites à l’étranger?
On ne peut pas nier que les sites à forte intensité de recherche sont en principe moins émetteurs. Mais ce que nous avons clairement constaté, c'est que les entreprises suisses ont beaucoup investi dans les technologies environnementales ces dernières années, ce qui leur a permis d'améliorer sensiblement leur bilan carbone. Nous avons d'ailleurs filtré dans notre analyse l'influence des différentes structures sectorielles de l'industrie chimique et pharmaceutique dans les différents pays.