La Suisse, championne pour préserver son capital naturel

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Selon Kroum Sourov de Candriam, certains modèles économiques ne sont pas tenables dans le temps.

Afin d’identifier les émetteurs souverains capables de créer de la richesse sans nuire à l’environnement, Candriam a conçu son propre modèle d’analyse de la durabilité. Selon Kroum Sourov, auteur d’une étude approfondie sur le sujet, les modèles économiques des pays destructeurs de capital naturel comme la Russie et l’Arabie Saoudite ne pourront être maintenus durablement. D’où des spreads de crédit plus élevés que ceux de leurs pairs dont à notation de crédit égale. Avec un score de réussite de 100% sur le capital environnemental, la Suisse se hisse à la première place du classement. Entretien avec Kroum Sourov, Analyste Emetteurs Souverains, et Magda Branet, Deputy Head of Emerging Markets Debt.

Pouvez-vous revenir sur la notion de capital naturel en opposition avec le capital économique, pierre angulaire de votre modèle d'analyse des émetteurs souverains?

KS: On pense généralement que les capitaux naturel et économique peuvent se substituer l'un à l'autre et que tout ce qui compte est le stock global de capital que nous laissons aux générations futures. Le rapport Dasgupta* et le rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement** tous deux publiés en février 2021, exposent les failles de ce raisonnement. Le capital naturel est irremplaçable, car il fournit des ressources et des avantages essentiels au bien-être général qui ne peuvent être remplacés par aucun autre capital.

La Suisse obtient de très bons résultats
dans toutes les composantes du capital naturel.
Quelle est votre méthodologie?

KS: Nous utilisons le score du capital naturel d'un pays comme multiplicateur des trois autres capitaux - humain, social et économique. De cette façon, nous pouvons évaluer l'efficacité d'un pays à créer des capitaux humains, sociaux et économiques, tout en tenant compte du coût pour l'environnement naturel. Plus concrètement, les pays qui peuvent créer du bien-être à faible coût pour l'environnement seront plus durables que les pays qui infligent de grands dommages pour créer un peu de capital humain, social ou économique. A un moment donné, les modèles économiques et sociaux de ces derniers ne pourront être maintenus car il n'y aura plus de capital naturel disponible.

Avec un score de 100% pour le capital environnemental, la Suisse se classe première sur les 128 pays analysés. Pouvez-vous nous en dire plus sur la répartition de son score?

KS: La Suisse obtient de très bons résultats dans toutes les composantes du capital naturel. Elle est leader en matière de préparation au changement climatique et affiche une très faible vulnérabilité aux effets du changement climatique. Elle obtient également de meilleurs résultats que 98% des 128 pays analysés en matière de réglementation environnementale, d'émissions de gaz à effet de serre et d'empreinte carbone globale, ainsi qu'en matière de préservation de l'environnement. Les ressources du pays sont également utilisées de manière très responsable. En dehors du cadre du modèle, les citoyens sont très soucieux de l'environnement et nous pensons que cela fait une différence essentielle pour le soutien dont bénéficient les politiques et initiatives environnementales dans le pays.

La tendance est clairement à l'intégration des facteurs ESG
dans l'évaluation des primes de risque des souverains.
Étonnamment, la Norvège se classe 15e, loin derrière ses voisins en tête de liste. Pour quelle raison?

KS: Oui, la Norvège a chuté dans le classement de ce rapport. Si le pays excelle en matière de réglementation environnementale et de préservation de l'environnement local, nous souhaiterions qu’elle diminue considérablement l'extraction et l'exportation de combustibles fossiles par rapport aux niveaux actuels. En copiant les politiques locales dans ses relations commerciales, la Norvège peut réduire considérablement sa dépendance à l'égard de l'industrie des combustibles fossiles.

Parlons un peu de la performance des obligations souveraines. Avez-vous observé des corrélations entre leur performance et leur notation?

MB: Les questions relatives à l'environnement, en général, peuvent mettre plus de temps à avoir un impact sur la performance, à cause de la sensibilisation progressive des investisseurs à ce sujet. Nous pensons que le potentiel de croissance à long terme des pays, et donc leur capacité à assurer le service de la dette, est intimement lié à la gestion durable de leurs ressources naturelles. Les questions de gouvernance, ainsi que certains problèmes sociaux pouvant entraîner un risque politique accru ou des troubles sociaux, peuvent rapidement avoir un impact sur les spreads. La détérioration de la solvabilité d'un pays peut souvent être attribuée à une gouvernance douteuse, la montée du populisme est souvent liée à une augmentation des inégalités. Ainsi, ce que les investisseurs perçoivent et évaluent comme un risque politique est souvent le reflet d'une gestion inadéquate du capital humain ou social.

Les investisseurs pourraient-ils commencer à exiger un rendement plus élevé pour les émissions les moins bien notées sur le plan ESG?

MB: La tendance est clairement à l'intégration des facteurs ESG dans l'évaluation des primes de risque des souverains. Reconnaître que de mauvaises pratiques ESG peuvent entrainer une baisse de la croissance potentielle ainsi qu’un risque politique accru poussera les investisseurs à exiger un rendement plus élevé en compensation de ces facteurs. Nous pouvons déjà constater que certains pays comme la Russie et l’Arabie Saoudite s'échangent à des rendements supérieurs à ceux de leurs pairs dont les ratios d'endettement purs sont similaires.