Avec un rendement net moyen de 5,1% durant l’année 2023, les caisses de pension suisses ont réalisé une performance qui a été supérieure à la moyenne de ces dix dernières années. Grâce aux rendements obtenus l’an dernier, les institutions de prévoyance helvétiques ont pu renforcer leurs réserves financières. Cela s’est traduit notamment par une amélioration du degré de couverture des caisses de droit privé qui s’est redressé à 113,5% à fin 2023, après être passé de 122,1% en 2021 à 110,1% en 2022, à la suite des performances négatives (-8,8%) enregistrées cette année-là avec leurs placements. C’est ce qui ressort de la 24e édition de l’étude sur les caisses de pension publiée mercredi par Swisscanto by Zürcher Kantonalbank. Elle repose sur les réponses de 483 institutions de prévoyance qui ont participé à l’étude 2024 sur les caisses de pension. La fortune déclarée des caisses qui y ont pris part s’élève à 770 milliards de francs gérés pour le compte de 4,1 millions d’assurés.
Comment analyser les performances réalisées l’an dernier par les caisses de pension helvétiques et quel sera l’impact des réformes de la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP)? Le point avec Heini Dändliker, responsable du marché suisse de la clientèle entreprises auprès de la Zürcher Kantonalbank qui a co-présenté l’étude devant les médias mercredi.
Les caisses de pension suisses qui ont participé à la 24e étude de Swisscanto ont réalisé un rendement net moyen de 5,1% en 2023. Est-ce peu ou beaucoup?
La performance réalisée en 2023 par les caisses de pension se situe clairement parmi les années les plus favorables. Si l’on remonte sur une période de dix ans, 2023 a en effet été la cinquième meilleure année depuis 2014 pour les caisses de pension helvétiques, la meilleure performance ayant été celle enregistrée en 2019 (+10,8%), la plus mauvaise ayant été celle de 2022 (-8,8%). Comparé au rendement net moyen sur dix ans situé à 3,5%, le rendement net des placements réalisé l’an dernier a été supérieur à la moyenne. Et si l’on compare le rendement net réalisé en 2023 avec le rendement théorique de 1,9% qui a été déterminé pour les trois dernières années, le rendement moyen réalisé l’an dernier par les caisses de pension peut aussi être considéré comme tout à fait positif.
«Durant les deux années les plus difficiles en matière de placement, soit en 2018 et en 2022, les caisses de pension qui investissent de façon passive ont aussi subi plus fortement la baisse des marchés.»
Compte tenu de l’évolution positive des marchés en début d’année, une telle performance a-t-elle des chances de pouvoir être répétée en 2024?
Nous partons du principe que 2024 devrait aussi être une année durant laquelle les caisses de pension suisses pourront à nouveau réaliser des résultats corrects.
Si l’on compare les rendements obtenus par les caisses de pension qui pratiquent une gestion avant tout passive (ndlr: part des placements gérés passivement supérieure à 30%) et celles qui poursuivent une gestion active (part des placements gérés passivement inférieure à 30%), on peut observer que les institutions de prévoyance qui ont adopté une gestion passive ont réalisé l’an dernier une performance nette moyenne de 5,8%, contre seulement 4,9% pour celles qui pratiquent une gestion plus active. Faut-il en conclure que la gestion passive est la plus adaptée pour les caisses de pension?
En 2023, les caisses de pension qui investissent de manière passive ont effectivement obtenu de meilleurs rendements nets en moyenne que celles qui investissent de façon plus active. Si l’on remonte jusqu’à 2014, on constate en revanche que les caisses qui pratiquent une gestion active ont obtenu, en moyenne, un rendement net annuel de 3,6% après prise en compte des coûts, contre 3,5% pour celles qui investissent de façon passive. En outre, durant les deux années les plus difficiles en matière de placement, soit en 2018 et en 2022, les caisses de pension qui investissent de façon passive ont aussi subi plus fortement la baisse des marchés que celles qui pratiquent une gestion plus active.
Comment cela s’explique-t-il?
Une hypothèse est qu’en situation de stress sur les marchés, les caisses de pension qui investissent de façon active ont certainement davantage de capacité pour réagir et pour adapter leur allocation d’actifs en conséquence. Les caisses qui investissement de façon passive subissent, elles, davantage la baisse des marchés dans de telles situations.
En matière d’allocation d’actifs, votre étude compare aussi les placements effectués par les 10% des caisses de pension qui ont réalisé les meilleures performances («Top performer») avec les 10% de celles qui ont réalisé les plus mauvaises performances («Bottom performer»). On constate que les «Top performer» investissent sensiblement davantage dans les placements alternatifs, l’immobilier et les actions que les «Bottom performer», tout ayant moins d’obligations. Les «Top performer» ont placé l’an dernier 18,7% de leurs actifs dans des obligations, comparé à une part de 36% chez les «Bottom performer». Les caisses de pension feraient-elles mieux de réduire la part qu’elles investissent dans les obligations et investir davantage dans d’autres actifs?
Le principal enseignement que l’on peut en tirer est qu’avec des placements un peu plus risqués, il est aussi possible d’obtenir des rendements plus élevés. Prendre un peu plus de risque, par exemple avec plus d’actions qui représentaient 35,2% du total chez les Top performer contre 29,3% chez les Bottom performer, s’est avéré payant l’an dernier. Pour autant, l’allocation d’actifs d’une caisse de pension doit être cohérente avec ses engagements et la structure de ses assurés. On ne peut pas simplement affirmer que toutes les caisses de pension feraient mieux d’augmenter la part en actions dans leur allocation d’actifs.
«Compte tenu des bonnes performances de placement obtenues récemment, on pourrait même s’attendre à ce que certaines caisses de pension recommencent à augmenter un peu leurs taux de conversion.»
L’évolution du taux de conversion est aussi un chiffre clé très suivi. Partant de 6,25% en 2015, le taux de conversion moyen s’élève actuellement à 5,31% et les caisses de pension prévoient qu’il ne sera abaissé plus que faiblement à 5,23% d’ici à 2029. La phase d’adaptation des taux de conversion est-elle désormais pour l’essentiel achevée?
Oui, on peut dire qu’après une période de baisse de près de quinze ans, l’évolution des taux de conversion apparaît plus stable pour ces prochaines années. Les caisses de pension ont désormais fait leur devoir et elles auront moins besoin de réduire leurs prestations à l’avenir. Compte tenu des bonnes performances de placement obtenues récemment, on pourrait même s’attendre à ce que certaines caisses de pension recommencent à augmenter un peu leurs taux de conversion. Toutefois, peu d’entre elles semblent être disposées à le faire. De plus, il faut aussi replacer l’abaissement graduel des taux de conversion des caisses de pension au cours des dernières années dans le contexte de la baisse du taux de conversion minimum LPP qui passera de 6,8% à 6% comme cela est prévue dans le cadre de la réforme LPP, laquelle sera soumise en votation l’automne prochain.
Cela signifie-t-il que certains assurés devront compter avec des réductions de leurs prestations?
Selon l’étude, l’abaissement du taux de conversion minimum LPP n’affectera qu’une petite partie des assurés. Chez 13% des caisses de pension, cette mesure entraînera une réduction des rentes pour les futurs retraités.
Actuellement, le taux d’intérêt technique, qui fixe les prévisions de rendement à long terme des caisses de pension, est légèrement remonté à 1,57%, contre 1,54% un an plus tôt. Pour les caisses de droit privé, il est passé de 1,46% en 2021, à 1,52% en 2022 puis à 1,55% en 2023. Compte tenu du niveau actuel des taux d’intérêt, sensiblement plus élevés qu’au début de la décennie, les caisses de pension ne sont-elles pas trop prudentes concernant le taux technique?
Le taux technique n’est qu’une dimension parmi d’autres. Certaines caisses de pension mettent l’accent sur l’aspect de la sécurité de la caisse ou ne sont pas encore en position réglementaire ou financière pour améliorer les prestations. Les gens qui gèrent les caisses de pension tendent à être prudents mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elles ne puissent pas générer des rendements plus élevés à l’avenir pour leurs assurés. Dans l’ensemble, on peut considérer que les caisses de pension suisses ont réalisé les réformes qui étaient nécessaires et qu’elles sont bien positionnées pour l’avenir.