Il n’y a pas eu de rally de fin d’année. Une hausse en janvier reste possible mais l’incertitude demeure élevée. Il est d’ailleurs rare, comme l’indique dans une note Thomas Stucki, CIO de la Banque cantonale de Sain-Gall, que les haussiers soient aussi peu nombreux qu’actuellement. Avec une proportion de 35%, leur taux est au plus bas depuis avril dernier. Il y a un mois, la moitié des investisseurs étaient haussiers. Aujourd’hui, la part des baissiers est de 34%, les autres investisseurs étant neutres. Ce niveau d’incertitude est injustifié, estime le directeur des investissements. Thomas Stucki, CIO de la Banque cantonale de Saint-Gall, répond aux questions d’Allnews:
Pourquoi pensez-vous que le degré d’incertitude actuel est injustifié?
Les perspectives macroéconomiques sont favorables, notamment aux Etats-Unis, et les taux d’intérêt continueront de baisser, certes moins qu’on n’aurait pu l’espérer. Les facteurs d’incertitude sont avant tout liés aux futures décisions de Donald Trump. Au total, les éléments négatifs et positifs s’équilibrent si bien que les cours de bourse évoluent latéralement.
Comment composer son portefeuille pour participer aux perspectives favorables en limitant les risques de baisse?
L’investisseur a besoin d’une allocation substantielle en actions, avec des sociétés au bénéfice d’un modèle d’affaires stable et solide et dont on est certain qu’ils existeront encore dans cinq ans et qu’ils présenteront encore des bénéfices significatifs. Un critère à suivre est celui de leur capacité à continuer à distribuer un dividende significatif que ces sociétés verseront grâce à leurs profits opérationnels. Avec de telles valeurs, l’investisseur peut dormir en paix, profiter de la hausse et ne pas s’inquiéter des fluctuations quotidiennes des marchés.
«Des titres suisses cycliques profiteraient de la bonne tenue de la croissance américaine».
La performance est toutefois venue de la technologie en 2024. Quelle est votre attitude à cet égard?
Les valeurs technologiques sont surévaluées, mais l’investisseur devrait en détenir dans son portefeuille, mais il doit prendre régulièrement ses bénéfices. En cas de correction, il peut à nouveau augmenter ses positions. Aux côtés d’une composante Actions axés sur la stabilité, la technologie peut être la partie accordée au Trading du portefeuille.
Comment construire un portefeuille qui protège contre les risques extraordinaires?
Des événements négatifs extraordinaires surviennent avant qu’il soit possible de réagir. C’est pourquoi l’investisseur en actions doit être capable de digérer les «tail risks».
Pour compenser ces risques, l’investisseur doit détenir 10% du portefeuille en or et une partie en liquidités, pour maintenir son train de vie et éviter de devoir se séparer des actions au plus mauvais moment. En raison du faible niveau des taux d’intérêt, je préfère garder assez de cash, tout en sachant qu’il n’est pas dans le portefeuille à des fins de rendement.
Les experts s’attendent à une bonne année boursière aux Etats-Unis et à une moindre progression en Europe. Est-ce que vous partagez ce scénario?
Les chances d’une surperformance des actions américaines sont aussi présentes qu’il y a un an, mais je ne crois pas que l’écart de rendement sera aussi grand qu’en 2024.
Les actions suisses ont été si décevantes l’an dernier qu’elles disposent d’un bon potentiel de rattrapage.
Du fait de leur piètres performance ces derniers mois, je m’attends à une meilleure performance des actions européennes que d’autres analystes.
N’a-t-on pas besoin d’un événement qui amène le marché à devenir positif à l’égard de l’Europe?
La plupart des actions cotées sont peu dépendantes de la conjoncture locale. L’essentiel de leurs bénéfices est de nature globale. Si les droits de douane sont plus faibles que prévu, ces titres pourraient en profiter significativement.
«Les actions suisses ont été si décevantes l’an dernier qu’elles disposent d’un bon potentiel de rattrapage».
Des titres comme LVMH, Schneider ou Air Liquide sont globales, mais leur cours ne souffre-t-il pas de leur présence dans l’indice français (CAC 40)?
Sans doute. Les actions suisses ont également souffert de la conjoncture européenne. En cas de situation économique difficile ces prochains mois, ce qui n’est pas à exclure, on s'apercevra du caractère plus défensif et résilient des sociétés suisses.
Je n’achèterais pas spécialement des actions françaises ou allemandes en ce moment. Elles sont très dépendantes de la situation politique locale, mais je serais très confiant à l’égard des actions américaines ou suisses. Des titres suisses cycliques profiteraient de la bonne tenue de la croissance américaine.
Qu’attendez-vous du nouveau président sur le plan des devises et de la politique commerciale?
La question sur les intentions réelles de Donald Trump est sans doute la plus difficile du moment. Fondamentalement, il est sans doute intéressé à une baisse du dollar. Les droits de douane devraient être relevés, mais dans une moindre mesure que prévu. Le gouvernement américain n’a aucune intention de pénaliser excessivement l’économie américaine.
Les taux des Bons du Trésor à 10 ans sont remontés à 4,6%. Prévoyez-vous plutôt 5% ou 4%?
La Fed devrait d’abord adopter une attitude attentiste afin de s’ajuster aux décisions initiales de Donald Trump. Mais je prévois plutôt une baisse des rendements obligataires américains en 2025, donc plutôt à 4% qu’à 5% pour les Bons du Trésor à 10 ans.
Vous avez correctement prévu l’évolution du franc par rapport à l’euro. Qu’attendez-vous à ce sujet pour 2025?
L’euro restera sous pression dans l’attente des décisions que prendra Donald Trump et du résultat des élections allemandes. Le débat sur la soutenabilité de la dette publique restera au programme. Mais je ne m’attends pas à une cassure de la monnaie européenne. Face au franc, l’euro baissera probablement vers 0,92 à la fin 2025. La tendance de l’euro reste baissière.
Est-ce que la BCE sera l’acheteur de dernier ressort?
C’est effectivement ce qu’attendent les marchés financiers. Il lui sera difficile d’échapper à cette situation. La BCE risquerait une remise en question de l’euro. Elle est prisonnière de sa position.
Pour l’investisseur, n’est-ce pas rassurant?
On a vu en janvier 2015 que la BNS ne pouvait pas tenir indéfiniment le taux plancher de 1,20 contre l’euro. Il arrive toujours un moment où la banque centrale n’est plus à même de tenir un taux. La BCE fera tout son possible pour stabiliser la monnaie, mais jusqu’à quand? Cette situation est positive à court terme pour l’investisseur, mais à long terme rien n’est moins sûr. La question n’est pas de savoir si l’euro passera sous les 0,90 franc mais plutôt quand.