L’année 2023 sera favorable à l’énergie

Emmanuel Garessus

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Une bonne façon de jouer la réouverture de la Chine consiste à investir dans le pétrole, selon Mark Haefele, CIO d’UBS GWM.

Confronté depuis plus de 20 ans aux défis de l’investissement, Mark Haefele, chef des investissements de la Recherche d’UBS Wealth Management, s’efforce avant tout de transformer les fruits de son analyse en solutions d’investissement à travers un processus bien structuré. Chaque année apporte son lot de difficultés et de défis à relever. L’année écoulée en a été le témoin. L’essentiel consiste à bien structurer et définir ce processus afin qu’il soit reproductible ailleurs dans le monde. Les stratégistes d’UBS, comme la plupart, n’avaient pas prédit l'étendue de l’offensive russe, mais, en vertu du processus mis en place, ils avaient déjà surpondéré les actions énergétiques, explique Mark Haefele à Allnews. En 2022, les forces géopolitiques étaient si puissantes qu’elles ont menacé les tendances économiques profondes, ajoute-t-il. Le chef des investissements répond aux questions d’Allnews lors d’un entretien téléphonique:

En ce moment, les mauvaises nouvelles sont comprises par la Bourse comme des bonnes nouvelles. Est-ce que cette perception profitera aux marchés jusqu’à la fin janvier?

Un rallye de fin d’année est toujours possible en raison de l’abondance des liquidités prêtes à être investies. Mais le rapport entre risque et rendement est défavorable jusqu’au milieu de l’année prochaine, par exemple pour l’indice S&P 500.

Nous sommes convaincus que les bénéfices subiront un ralentissement au premier semestre en raison du refroidissement économique et du risque que la Fed ne relève ses taux directeurs tant qu’elle n’atteindra pas son objectif d’inflation. Nous sommes donc prudents à l’égard des grands indices boursiers pour ces prochains mois.

N’oublions pas que le marché chinois s’est nettement apprécié ces dernières semaines. Dans ce sens, les mauvaises nouvelles pourraient être de bonnes nouvelles.

Des opportunités d’investissement se présentent toutefois chaque jour. Nous avions déclaré il y a un an qu’il serait bon de sortir des grandes valeurs technologiques. Dès lors, nous sommes devenus plus explicites sur notre préférence pour les actions «value» et pour investir dans l’énergie.

Est-ce que la Fed serait prête à changer le cours de sa politique monétaire si la Bourse américaine perdait subitement 10%?

Je ne crois pas que la Réserve fédérale changerait sa politique si l’indice S&P perdait 10%. La Fed n’a nullement l’intention de pousser les cours à la hausse. Plus l’indice s’apprécierait et plus il lui serait difficile, à cause de l’effet de richesse, de contrôler l’inflation. Cela ne signifie toutefois pas que la Fed ait l’intention d’activement gérer le niveau de la Bourse au jour le jour.

Est-ce que le «Fed put» existe encore?

Il existe encore, mais certainement pas pour un recul de 10%.

L’inflation reste le risque principal. Durant les années 1970, la hausse des prix a connu trois vagues haussières, la dernière étant la plus sévère. Ne risque-t-on pas le même scénario?

Les années 1970 ont été marqué par la piètre politique de la Fed face à l’inflation et la mauvaise réputation d’Arthur Burns, son président à l’époque. Jerome Powell n’a nullement l’intention de laisser à la postérité la même image qu’Arthur Burns. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour réduire le renchérissement.

Quel est le risque d’une récession majeure?

Il est significatif, même si ce n’est pas notre scénario de base. Les investisseurs les plus haussiers comme les plus baissiers sont persuadés que l’inflation ralentira. Ils s’opposent en revanche sur le niveau qui sera atteint à moyen terme, à 4% ou à 2%. Si la baisse de l’inflation se poursuit, la Fed pourrait être amenée à faire une pause dans sa politique restrictive. Mais si le processus se stabilise ou si l’inflation remonte, la Fed devrait resserrer les taux et cela choquerait les marchés. C’est pourquoi la Fed devra continuer de relever ses taux même si l’économie ralentit. Les investisseurs doivent se préparer à une volatilité élevée.

Que pensez-vous des conséquences sur l’économie mondiale des troubles survenus en Chine?

L’une des raisons pour lesquelles nous ne surpondérons pas les actions chinoises s’appuie sur le fait que le taux d’infection au Covid-19 augmente forcément durant l’hiver. Aucun gouvernement ne peut empêcher la hausse des cas durant cette saison. A notre avis, la Chine ne lèvera pas l’ensemble de ses mesures de restriction avant le deuxième semestre 2022. N’oublions pas que le marché chinois s’est nettement apprécié ces dernières semaines. Dans ce sens, les mauvaises nouvelles pourraient être de bonnes nouvelles.

La conviction que la Chine pourra entièrement mettre fin aux restrictions liées au Covid-19 au deuxième semestre sera favorable aux matières premières, en particulier à l’énergie.
Dans la perspective de 2023, une année que vous décrivez comme celle de «l’inflexion», pourquoi recommandez-vous les stratégies de hedge funds décorrélées? Pourquoi ne pas privilégier les produits structurés et leur profil asymétrique?

Beaucoup de hedge funds macro ont offert un bon rendement cette année. Ils profitent généralement des écarts entre les prix des marchés d’options et ceux des sous-jacents. En période d’incertitude et de volatilité accrue, la stratégie qui fait appel à ce savoir-faire peut être une source de surperformance.

Par ailleurs, en raison des effets de la hausse des taux, davantage d’entreprises pourraient faire faillite. Les stratégies long/short sont bien adaptées à ce type de circonstances.

L’année 2023 sera-t-elle favorable aux matières premières?

La conviction que la Chine pourra entièrement mettre fin aux restrictions liées au Covid-19 au deuxième semestre sera favorable aux matières premières, en particulier à l’énergie. Sans les mesures de restrictions, la demande chinoise d’énergie sera supérieure d’environ 25%. Compte tenu des déséquilibres entre l’offre et la demande et des risques géopolitiques sur le marché du pétrole, une bonne façon de jouer la réouverture de la Chine consiste à investir dans le pétrole et surtout dans les actions pétrolières, qui sont très sous-évaluées.

Les actions pétrolières étaient des titres non investissables pour des raisons de durabilité. N’assiste-t-on pas à un grand changement d’appréciation?

Je ne sais pas si elles n’étaient pas investissables. Il arrive que le monde change considérablement et en très peu de temps, si bien que les investisseurs peinent à s’y adapter, même s’ils sont conscients des transformations en cours.

En 2022, il a fallu abandonner l’idée selon laquelle l’Europe pouvait dépendre du gaz russe bon marché. Chaque Etat se préoccupera davantage de sa sécurité nationale, c’est-à-dire de son approvisionnement en énergie. Dans les années à venir, le pétrole et le gaz resteront importants pour la production d'énergie. Mais la combinaison de ces investissements traditionnels avec des placements dans des solutions d'énergie renouvelable contribuera à la sécurité énergétique de ces dix prochaines années.

La tendances des monnaies est très incertaine. Qu’en attendez-vous en 2023?

Avec une inflation très élevée et un chômage très bas, la Fed ne cessera pas rapidement de relever les taux directeurs, si bien que le dollar, qui de plus est une valeur refuge, restera soutenu. Il est toutefois difficile de dire si le billet vert restera fort encore longtemps.

Comment les investisseurs pourraient-ils se préparer à un cessez-le-feu en Ukraine? Et est-ce votre scénario?

L’Europe aimerait sans doute assister à un cessez-le-feu, mais après un tel bilan humain, je ne crois guère que l’Ukraine ou la Russie partagent ce désir. Si un tel événement devait se produire, l’inflation diminuerait.

Nous avons parlé d’une année de retournements parce que même si une récession devait survenir au début de l’année prochaine, il faudra se demander comment se positionner pour la période suivante, pour un monde sans inflation importante. Les idées intéressantes à long terme comprennent les secteurs dont la croissance sera très supérieure à celle du PIB, comme la sécurité alimentaire, l’énergie, la cybersécurité et les investissements sur les marchés privés.

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