Indosuez vise 10 milliards dans les marchés privés

Emmanuel Garessus

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L’établissement qui vient de s’allier à AirFund veut rester ancré à Genève, indique Nicolas Renauld.

Les marchés privés sont une classe d’actifs dont l’accès se démocratise. Indosuez est l’un des établissements bancaires qui a très tôt intégré les marchés privés dans le mix de ses stratégies d’investissements pour ses clients privés, qu’il s’agisse de family offices, family holdings ou de familles fortunées. Indosuez vient d’annoncer son entrée au capital d’AirFund, une start-up créée en 2021 pour digitaliser la mise à disposition de fonds de marchés privés auprès de distributeurs et de souscripteurs finaux. Nicolas Renauld, Responsable mondial des marchés privés auprès d’Indosuez Wealth Management, répond aux questions d’Allnews sur les projets d’Indosuez et les perspectives autour des marchés privés.

Quelle sera l’évolution de votre équipe en Suisse après l’accord avec AirFund?

Notre équipe mondiale de marchés privés compte aujourd’hui près de 40 collaborateurs, dont 20 spécialistes à Genève, incluant 12 personnes en charge de la sélection des investissements et 4 investor relations dédiés à l’accompagnement des clients investisseurs d’Indosuez en Suisse.

Aujourd’hui, la taille de l’équipe basée en Suisse nous paraît adaptée pour réaliser une cinquantaine d’investissements par an et accompagner la base de clients. Nous avons investi de manière continue dans le renforcement des équipes et continuerons à le faire au gré des perspectives de développements.

Pourquoi est-ce si important d’être en Suisse?

Nous avons démarré ce métier en 2001 à Genève ! L’activité était initialement réservée à la clientèle de l’entité Suisse avant d’être étendue aux 10 autres implantations d’Indosuez à partir de 2010. Nous sommes perçus comme un acteur suisse avec une envergure internationale. Il nous importe de conserver ce fort ancrage à Genève. La proximité des équipes dédiées à la sélection des investissements est également une valeur ajoutée pour la clientèle servie depuis la Suisse, que ce soit des entrepreneurs, des dirigeants d’entreprises ou holdings familiales, particulièrement exposés aux actifs non cotés.

Quel est le potentiel des marchés privés pour Indosuez?

Indosuez conduit cette activité depuis plus de 20 ans. Nous avons investi plus de 7,5 milliards d’euros et soutenu plus de 3’000 PME / ETI essentiellement à travers des fonds de private equity et des co-investissements directs.

Nous avons l’ambition d’atteindre 10 milliards d’euros d’actifs sous gestion dans les marchés privés d’ici à 2025. La digitalisation de notre offre est au cœur de ce développement stratégique, nous permettant d’élargir notre champ de distribution.

«Selon le profil de risque, nous recommandons une allocation de 10% à 15% dans les marchés privés.»
Dans quelle mesure votre partenariat avec AirFund s’intègre dans ce plan?

AirFund est un projet lancé il y a près de 18 mois. C’est avant tout une étape importante de digitalisation de notre activité qui permettra d’améliorer l’expérience de nos clients sur cette classe d’actifs et d’élargir l’accès de notre offre aux autres entités du groupe Crédit Agricole, dont les Caisses Régionales en France ainsi qu’au réseau international du Groupe, notamment en Italie, notre 2e marché domestique. Initialement partenarial, le projet avec AirFund est devenu capitalistique reflétant l’enjeu stratégique pour les plans de développements d’Indosuez.

S’agit-il d’amélioration du confort de l’investisseur, de disruption ou de démocratisation à l’égard d’une classe d’actifs dont l’investisseur ne suit pas les cours au quotidien?

AirFund permettra de créer entre autres la vitrine numérique de notre offre ainsi que le parcours digital de souscription et l’accès en autonomie au reporting en ligne pour nos clients et distributeurs. AirFund est une étape essentielle pour préparer la croissance future de notre plateforme marchés privés et envisager des partenariats additionnels.

Quelle est la part des marchés privés dans les portefeuilles des clients d’Indosuez?

Compte tenu de notre expérience dans la classe d’actifs au travers les cycles macro-économiques et la maturité de notre équipe, les marchés privés sont intégrés comme une composante standard des allocations d’une partie de la clientèle. Selon le profil de risque, nous recommandons une allocation de 10% à 15% dans les marchés privés. L’appétit aujourd’hui est grandissant pour les investisseurs particuliers qui perçoivent les multiples atouts de la classe d’actifs en particulier une moindre volatilité et une surperformance sur le long terme. Les marchés privés contribuent également à donner plus de sens à leurs investissements en participant à l’économie réelle sur un large spectre de stratégies.

Quel est le niveau de fortune plancher pour y investir?

Nous travaillons avec nos investisseurs au travers de mandat de conseils et de gestion. A partir d’un million de francs, il est possible de disposer d’un portefeuille de marchés privés diversifié autour de divers segments de stratégies.

Quelle est la valeur ajoutée d’Indosuez dans les marchés privés?

Notre valeur ajoutée se situe dans l’accompagnement des clients dans la construction de leur portefeuille et dans le servicing attaché. La valeur ajoutée dépasse la seule sélection des investissements mais réside dans le suivi du portefeuille de chaque client, la lecture de ses cash-flows actuels et futurs ainsi que l’analyse de la performance tout au long de la vie du mandat.

Vous avez cité le plan d’ici 2025. Quelles sont les prochaines étapes?

La première étape sera de mettre en œuvre notre partenariat avec AirFund. Nous allons équiper nos entités Indosuez présentes dans le monde, continuer notre progression dans la collecte pour les marchés privés, soit environ 1 milliard de francs par an, et graduellement élargir notre champ de distribution à d’autres partenaires.

Le défi est-il dans la sélection ou la distribution?

La sélection des investissements reste le socle fondamental de la performance. C’est pourquoi nous avons 12 collaborateurs à Genève dédiés à implémenter des processus de due diligence de qualité institutionnelle, éprouvés et rigoureux, intégrant des critères ESG pour consolider notre track-record et bâtir de la performance à long terme.

«Nous nous attendons à une reprise graduelle du volume de transactions en 2024.»

Concernant notre développement, l’un de nos enjeux stratégiques consiste à élargir notre base d’investisseurs, raison pour laquelle la digitalisation de notre plateforme était un prérequis.

Quelle est votre performance de placement et avec quels écarts entre les meilleurs et les moins bons fonds?

Le taux de rendement interne (TRI) historique de notre plateforme de marchés privés atteint +13% par an toutes stratégies confondues. L’enjeu est effectivement de sélectionner les meilleurs investissements car il existe une grande dispersion de performance dans la classe d’actifs.

Quelle est votre allocation sur les marchés privés?

Nous couvrons la majorité de sous-segments des marchés privés à savoir le private equity (venture capital, capital développement et LBO), la dette privée, les actifs réels (infrastructure et immobilier), le secondaire et les co-investissements directs (sociétés et immobilier). L’allocation cible varie bien entendu en fonction des profils d’investisseurs. Le segment secondaire, qui consiste à racheter des fonds déjà investis à des investisseurs souhaitant se défaire ou réorganiser leurs portefeuilles, est une allocation importante dans le mix des stratégies, suivi par le LBO, la dette privée, le capital développement, l’infrastructure et l’immobilier.

Est-ce que l’environnement macroéconomique actuel est propice au private equity?

Malgré les résurgences inflationnistes, les tensions géopolitiques et les incertitudes macro-économiques, notre portefeuille est resté très solide en terme de performance avec en 2022 une performance supérieure à 10% et une année 2023 également bien orientée malgré la baisse sensible du volume de sorties dans les portefeuilles. A l’achat, nous observons des valorisations à l’entrée qui ont commencé à s’ajuster à la baisse, suite au renchérissement du coût du financement après une décennie de taux à zéro. Le volume de transactions a toutefois baissé très sensiblement depuis l’été 2022 dans un marché où essentiellement les trophy assets ont trouvé acquéreur. Nous nous attendons à une reprise graduelle du volume de transactions en 2024 et à une tendance baissière des valorisations supportée par des vendeurs qui devront accepter une forme de repricing de leurs participations. A ce titre nous considérons que le point d’entrée sera particulièrement intéressant dans le cycle à venir. C’est précisément dans les phases d’incertitude que les meilleurs acteurs surperforment.

Est-ce que la situation concurrentielle se transforme dans la classe d’actifs?

La classe d’actifs va continuer à se consolider, faire émerger de nouveaux acteurs et voir disparaitre lentement ceux qui n’auront pas les capacités opérationnelles de transformation de leurs participations en portefeuilles.
Au-delà des nouvelles équipes, nous observons l’émergence de nouveaux formats de fonds, plus liquides et hybrides, qui plaisent notamment aux investisseurs privés qui y gagnent une plus grande flexibilité.

Quel est le coût pour l’investisseur de sortir d’un fonds hybride?

Les fonds semi-liquides offrent un format plus traditionnel de souscription / rachat, sans enjeu opérationnel d’appels de capitaux pendant une durée d’investissement facilitant d’autant l’accès pour les investisseurs privés.
Indosuez dispose d’une gamme de fonds semi-liquide depuis plusieurs années qui s’adressent aux investisseurs plus soucieux de l’illiquidité ou souhaitant commencer à déployer des capitaux dans la classe d’actifs. Ces fonds nécessitent toutefois des périodes de détention avec un horizon de temps de 3 à 5 ans.

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