Il faut établir une corrélation plus positive entre vie active et santé

Yves Hulmann

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Selon Werner Rutsch d’AXA Investment Managers, il sera nécessaire, à l’avenir, d’aborder la question de l’âge de la retraite et de la durée de la vie active de manière plus globale.

Indépendamment des questions liées à la réforme de la prévoyance professionnelle (réforme LPP) qui sera soumise en votation le 22 septembre, AXA Investment Managers (Suisse) publie chaque année une étude qui porte sur les connaissances des Suissesses et des Suisses en matière de prévoyance. Comment les personnes sondées évaluent-elles leur situation en vue de leur propre retraite et quel est leur avis sur les questions relatives à la prévoyance de manière plus générale? Werner E. Rutsch, responsable des activités institutionnelles et membre de la direction d’AXA Investment Managers (Suisse), fait le point sur ces différentes questions en s’appuyant sur les résultats de la 14e enquête concernant l’opinion de la population suisse sur le deuxième pilier et le départ à la retraite publiée fin août.

Au sujet de l’âge de départ à la retraite, la dernière enquête d’AXA IM sur l’opinion de la population suisse au sujet de la prévoyance montre qu’une grande partie des Suissesses et des Suisses n’envisagent pas de travailler plus longtemps qu’actuellement. En moyenne, les personnes interrogées souhaiteraient prendre leur retraite à l’âge de 64 ans s’agissant des hommes et à 63 ans du côté des femmes. Par contraste, différents experts du domaine de la prévoyance ou des démographes plaident en faveur d’une augmentation de l’âge de la retraite à 66 ans, voire plus. Est-il réaliste aujourd’hui d’augmenter l’âge de la retraite, à plus ou moins long terme, au-delà de 65 ans en Suisse?

Tôt ou tard, il sera nécessaire d’aborder à nouveau la question de l’âge de la retraite. Cette question fait régulièrement l’objet de débats dans presque tous les pays européens. Maintenant, je pense que l’on ne devrait pas aborder les questions liées à l’âge de la retraite – ou celle de la prolongation d’une activité professionnelle – uniquement de manière réglementaire ou comptable. Il sera nécessaire, à l’avenir, d’aborder la question de l’âge de la retraite et de la durée de la vie active de manière plus globale, pas seulement ponctuellement. Il faudra aborder régulièrement cette question sur la durée et de manière consistante. Par exemple, en observant comment les gens vieillissent et comment ils parviennent à se maintenir ou non en bonne santé. Il s’agit de différents aspects que l’on regroupe aujourd’hui parfois sous le terme de «longevity». Il sera nécessaire, à la fois pour la société et les entreprises, d’aborder les questions liées à la durée de la vie active de manière plus positive et proactive.

«La réforme LPP soumise en votation le 22 septembre apportera certainement une amélioration pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel.»

La question est de savoir comment on peut vieillir sainement et travailler sainement plus longtemps, pas seulement si l’âge de la retraite doit être adapté d’un an de plus ou de moins. Tout dépend de savoir comment on «vend» la question de l’augmentation de l’âge de la retraite. Jusqu’à présent, beaucoup de gens perçoivent cette question un peu comme s’il s’agissait d’une punition – mais ce n’est pas le cas. Il faut établir une corrélation plus positive entre vie active et santé. On voit d’ailleurs souvent que des gens, qui ont atteint l’âge de la retraite, reprennent peu après une nouvelle activité.

En ce qui concerne la poursuite de l’activité professionnelle au-delà de l’âge de la retraite, environ 34% des personnes interrogées estiment qu’il est réaliste de parvenir à trouver un travail rémunéré après la retraite. Pensez-vous qu’il y ait aujourd’hui effectivement davantage de possibilités de trouver un travail au-delà de l’âge de la retraite, même si ce n’est qu’un emploi à temps partiel (35% des personnes sondées le pensaient en 2024, comparé à 23% en 2016), qu’auparavant? Ou est-ce seulement la perception à ce sujet qui a changé?

Tout dépend du secteur d’activité concerné. C’est plus réaliste pour des activités intellectuelles ou de services que s’il s’agit de métiers plus physiques, à l’exemple de la construction. Toutefois, même dans ce domaine, il y a des réflexions sur la question de savoir comment on peut aménager au mieux le passage entre vie active et retraite, comme le fait notamment la Fondation pour la retraite anticipée dans le secteur principal de la construction. Pour les activités non physiques, différentes solutions sont envisagées pour encourager les gens à travailler plus longtemps: il peut s’agir par exemple d’une réduction graduelle du taux d’activité à partir d’un certain âge, de créer des incitations qui rendent un travail au-delà de l’âge légal plus attrayant. Si l’on regarde les résultats qui ressortent de l’étude d’AXA sur plusieurs années, on observe que les questions liées à une pré-retraite sont un peu moins centrales que ce n’était le cas il y a dix ans. Au contraire, dans de nombreux domaines, on voit que des personnes âgées de plus de 65 ans continuent d’exercer des fonctions de cadre ou de spécialistes pour assurer certaines tâches.

«Si l’on regarde les résultats qui ressortent de l’étude d’AXA sur plusieurs années, on observe que les questions liées à une pré-retraite sont un peu moins centrales que ce n’était le cas il y a dix ans.»

Un résultat plutôt inquiétant de l’étude de 2024 est que 12% des personnes interrogées déclarent ne pas avoir de caisse de pension ou d’argent sur le deuxième pilier, comparé à 6% en 2022. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter au cours des dernières années, souligne l’étude. Ce pourcentage atteint 16% chez les femmes et cette proportion grimpe même à 33% dans la catégorie «pouvoir d’achat faible». Comment expliquer que cette proportion importante de personnes qui ne disposent d’aucunes prestations du deuxième pilier ne soit pas plus souvent thématisée?

De mon point de vue, c’est un signal clair que beaucoup de personnes qui travaillent à temps partiel, et ce sont surtout des femmes, n’ont que très peu, voire pas du tout, d’avoirs sur leur deuxième pilier. A cet égard, la réforme LPP soumise en votation le 22 septembre apportera certainement une amélioration pour les personnes qui travaillent à temps partiel ou qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel.  

Il s’agit là toutefois de données qui reposent sur un sondage. Est-ce une représentation effective de la situation?

Je pense que oui. Ce sondage repose sur les réponses de plus de 1'200 participantes et participants, dont plus de 300 personnes déjà à la retraite. 
Avec un échantillon aussi large, je pense que cela reflète la situation actuelle dans le domaine de la prévoyance.

Vous êtes d’avis qu’une plus grande professionnalisation dans la gestion caisses de pension, en particulier en ce qui concerne des petites caisses de pension du secteur public, serait souhaitable. Pourquoi faudrait-il agir dans ce domaine?

Chez les caisses de pension de droit privé, le travail d’adaptation a déjà été fait. Certaines d’entre elles se sont regroupées, d’autres délèguent la gestion à des fondations collectives, etc. S’agissant des caisses de pension de droit public, c’est moins le cas. Et cela peut être une source d’inefficience à long terme. Compte tenu de la complexité croissante de différents aspects liés à la gestion des risques ou de diversification des placements, je pense que l’on est arrivé aux limites du système de milice dans ce domaine. En mettant en place des incitations adéquates, il serait possible de regrouper les forces disponibles et de mettre en place des structures capables de fonctionner plus efficacement.

Pensez-vous surtout à la réduction des frais de gestion et administratifs des caisses de pension, dont le niveau a été jugé trop élevé par l’Union Syndicale Suisse (USS) dans une analyse en août, ou à d’autres aspects?

«La concentration de la discussion sur les seuls frais de gestion et administratifs est à mon avis très unilatérale. Il faut mettre en relation les frais de gestion avec les rendements obtenus.»

Je pense surtout aux possibilités d’amélioration de la gestion des placements, à la maîtrise des risques, à l’accès à certaines catégories d’actifs, etc. La concentration de la discussion sur les seuls frais de gestion et administratifs est à mon avis très unilatérale. Il faut mettre en relation les frais de gestion avec les rendements obtenus. En outre, la situation de chaque caisse de pension est différente, notamment du point de vue la structure de ses assurés et de la gestion de ses engagements. On ne peut pas simplement dire qu’une caisse qui a les frais de gestion les plus bas est la plus efficiente. Ce serait trop simpliste.

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