Difficile de ne pas le constater au quotidien: les marchés semblent ne plus savoir sur quel pied danser. Les tensions y sont chaque jour plus palpables, alimentées par les déclarations imprévisibles et parfois délirantes du nouveau président américain. Même les cryptomonnaies, qui s’étaient envolées après l’annonce du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, vacillent.
Cette évolution des marchés commence donc à susciter quelques inquiétudes à tel point que l’idée d’une sortie de l’ours de sa tanière (bear market) n’est plus écartée. Le point avec John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud.
L’arrivée de Trump avait été très bien accueillie par Wall Street, est-ce que les marchés se sont emballés trop vite?
L’enthousiasme initial des investisseurs repose sur l’espoir de nouvelles baisses d’impôts, de dérégulation et de mesures favorables aux entreprises. Cependant, entre tensions géopolitiques, incertitudes sur la politique monétaire et risques de guerre commerciale, cet optimisme pourrait être mis à rude épreuve.
Les mouvements des derniers jours montrent actuellement une extrême tension sur les marchés… Faut-il s’attendre à une année d’ultra-volatilité?
Les fluctuations brutales observées récemment, comme l’effacement de 600 milliards de dollars pour Nvidia en une journée, illustrent bien un marché hypersensible. L’année pourrait effectivement être marquée par des mouvements erratiques, accentués par l’absence de consensus clair sur la trajectoire économique.
Aujourd’hui, l’économie bénéficie heureusement d’une plus grande diversification, d’une maturité accrue et d’un meilleur équilibre des pouvoirs, grâce à des politiques monétaires et budgétaires proactives qui contribuent à atténuer les ralentissements.
Dans une note récente, vous interrogez sur le retour d’un bear market. Une menace réelle en 2025?
De nombreux experts chartistes estiment que nous pourrions être en train de nous préparer à un bear market après les récents records. Le marché boursier a connu une forte hausse en 2023 et 2024, portée en grande partie par les «Magnificent 7». Si ces valeurs venaient à baisser, le marché pourrait également reculer.
Aujourd’hui, l’économie bénéficie heureusement d’une plus grande diversification, d’une maturité accrue et d’un meilleur équilibre des pouvoirs, grâce à des politiques monétaires et budgétaires proactives qui contribuent à atténuer les ralentissements. Ces avancées ne signifient pas que les récessions disparaîtront, mais simplement qu’elles seront moins fréquentes et plus isolées. Les bear markets sont eux aussi devenus moins fréquents, mais restent inévitables.
Cela ferait trois bear market en six ans, ce rapprochement est-il historique?
Selon les calculs de Ben Carlson, depuis 1928, le marché boursier américain a subi 55 corrections à deux chiffres, dont 22 bear markets marqués par des pertes de 20% ou plus. Cela équivaut à une correction majeure environ tous les 18 mois et à un bear market en moyenne tous les quatre ans.
Nous n’avons pas connu de bear markets consécutifs depuis la Grande Dépression. Le krach de 1929 et les années qui ont suivi n’ont pas été de tout repos. Il y a d’abord eu le krach de 1937, suivi de marchés baissiers en 1938, 1939 et 1940. Il est donc possible d’enchaîner plusieurs bear markets sur une courte période. Si l’on se réfère à l’histoire, on peut supposer qu’un nouveau bear market à brève échéance reste improbable, mais pas impossible (les cycles économiques ayant tendance à se raccourcir).
Dans ce scénario, la chute serait-elle essentiellement américaine ou mondiale?
Si Wall Street devait subir une correction, celle-ci pourrait largement se propager. L’effet domino affecterait d’abord les grandes places boursières européennes, tandis que les marchés émergents, moins corrélés, pourraient mieux résister.
Les investisseurs devront être capables de garder la tête froide et de ne pas paniquer.
Est-ce que coup de froid à Wall Street ne pourrait pas représenter des opportunités de hausse pour d’autres marchés à l’instar de ceux de la Chine ou de l’Europe?
Dans ce contexte, des alternatives pourraient théoriquement émerger. La Chine, en quête de relance, ainsi que certaines valeurs européennes sous-évaluées, pourraient attirer une partie des flux sortant des marchés américains. Une redistribution des cartes n’est donc pas à exclure. La volatilité sera le maître-mot des prochains mois, mais qui dit volatilité dit aussi opportunités pour les investisseurs avertis.
Sur le plan des investissements, comment se préparer à ce genre de risques?
Les investisseurs devront être capables de garder la tête froide et de ne pas paniquer. En vendant leurs investissements après une baisse, dans l’espoir d’éviter de nouvelles pertes, ils risquent davantage de transformer une correction temporaire en perte définitive. Même les meilleurs investissements ne sont pas à l’abri des fluctuations, mais en restant investis, vous avez plus de chances de participer à leur rebond, contribuant ainsi à faire en sorte que les baisses temporaires ne restent que temporaires.
Il faut également avoir en tête que les bear markets s’accompagnent souvent de fortes reprises, survenant sans avertissement. Depuis 1970, les marchés baissiers ont, en moyenne, connu plus de deux rebonds distincts de 10%, le plus important atteignant en moyenne 17%. Surtout, les bear markets se transforment souvent rapidement en bull markets, avec des gains significatifs dès les premiers mois de la reprise. Lors des cinq dernières sorties de bear markets, le S&P 500 a progressé en moyenne de 25% au cours des trois premiers mois du nouveau bull market.
Finalement, je profite de l’occasion pour rappeler cette expression favorite de 2025: «les 3D, c’est à dire Diversification, Diversification et… Diversification».