Dividende inédit en hausse de 18%

Nicolette de Joncaire

3 minutes de lecture

«Je suis heureux de transmettre dans de bonnes circonstances une banque qui a un vrai potentiel de développement», Blaise Goetschin à la veille de son départ de la BCGE.

©Loris von Siebenthal

 

Chiffre d’affaires (+24%), résultat opérationnel (+44,5%), bénéfice net (131,4%), fonds propres (+10%), ratio de couverture (+17%), tous les chiffres sont au vert à la Banque cantonale de Genève. Les actifs privés marquent une progression de 870 millions et le financement des entreprises de 677 millions. Ce qui explique un dividende inédit en hausse de 18%. Seul chiffre en baisse (et c’est ainsi qu’on le veut), le cost/income ratio passe sous la barre de 50% (de 54,9% en 2022 à 48,3% en 2023). Rappelons que, d’après une étude de PwC parue en 2023, le rapport coût/revenu moyen des banques privées suisses se situait à 69% en 2022 ce qui fait de la BCGE un établissement particulièrement efficient même si la gestion privée n’est pas sa seule activité. La BCGE fait désormais partie du Top 5 des banques cantonales suisses et c’est un bel héritage que Blaise Goetschin laisse ainsi à Nicolas Krügel, désigné pour le remplacer par le Conseil d’administration en août dernier. Bien loin de la situation chaotique que reprenait ce même Blaise Goetschin en septembre 2000.

Quel effet vous font vos derniers résultats?

Je suis entrepreneur plutôt que banquier et heureux de sortir sur cette tonalité mais il ne faut pas personnaliser. Je n’ai été présent que pendant 24 des 208 ans d’existence de la banque. L’émotion liée aux amis et collègues que je vais quitter est forte mais je pars sans mélancolie, heureux de transmettre dans de bonnes circonstances une banque qui a un vrai potentiel de développement.

Comment expliquez-vous ces excellents chiffres?

C’est le résultat de beaucoup de travail des équipes sur de longues années … et d’un peu de chance. C’est aussi le fruit de notre effort de diversification – filiale française, fonds Synchrony, plateforme 1816 – et d’une remontée bienvenue des taux d’intérêt. Les banques survivaient sous la pression des taux négatifs et de leur effet destructeur sur les marges. Avec le retour des taux positifs, la marge peut être reconstruite. En ce qui nous concerne, la hausse de la marge brute d’intérêt, également soutenue par une stratégie d’ALM efficace, s’est montée à 36,5% l’an dernier et notre taux de marge est passé de 1% à 1,32% en un an.

«Partie d’une situation de faillite, Genève a reconstruit et normalisé sa banque cantonale. Et il reste encore un vrai potentiel d’appréciation.»

Ces hausses de taux changent donc totalement le sort des institutions bancaires?

Sans le moindre doute. Plus de volumes, plus de taux, meilleurs résultats. Notre RoE (rendement des fonds propres) est passé de 99-100 points de base à 130-140 bp c’est-à-dire à une marge normale. Un signal aux investisseurs qu’il redevient intéressant de consentir des prêts, que la destruction de valeur est terminée. Notre ALM qui est une gestion des risques de taux par le biais d’IRS et d’options sur les taux, a fait le reste.

Votre rapport coût/revenu (cost/income) démontre une grande efficacité. Comment y êtes-vous parvenus?

Sans aucun évènement exceptionnel mais par une évolution progressive positive des revenus. Nous observons, bien évidemment, une discipline des coûts mais n’opérons aucune politique de cost cutting.

Comment se sont comportées les opérations de négoce?

Ce fut une année de qualité mais sans grande croissance. N’oublions pas qu’à Genève, il n’y plus d’opérations sur la Russie et sur l’Ukraine qui sont parties vers d’autres centres. Par contre, nous voyons des flux sur le gaz liquéfié en provenance des Etats-Unis et à destination de l’Europe en substitution. Nos activités se sont aussi étendues sur les flux intra-américains et intra-asiatiques. De manière plus générale, nos revenus proviennent plus des intérêts et moins des commissions.

Sous votre responsabilité, le cours boursier de la BCGE a connu une remarquable progression. Cela mérite quelques commentaires.

C’est assez simple. La capitalisation boursière évolue de concert avec les fonds propres. D’un trou de plus de 5 milliards, nous avons redressé à un solde positif de l’ordre de 2 milliards. Partie d’une situation de faillite, Genève a reconstruit et normalisé sa banque cantonale. Et il reste encore un vrai potentiel d’appréciation.

2000 faillite de la BCGE, 2008 faillite du système bancaire international. Gère-t-on aujourd’hui les banques différemment?

Oui mais il faut savoir qu’une banque ne peut pas couvrir l’entièreté de son risque. Car sans risque, il n’y a pas de profit. Dans le cas d’une banque cantonale, ce risque est complexifié par son devoir de servir l’économie locale, on peut parler de risque solidaire. Actuellement nous détenons 19 milliards de francs de crédit ouvert et avons affaire à 250'000 acteurs économiques dont 22'000 entreprises. Les risques, les faillites – ce qui ne veut pas dire scandales – sont inévitables. Les régulateurs ont mis en place des mesures palliatives, compensatoires, des exigences de liquidité mais il faut laisser une certaine liberté aux dirigeants de prendre des risques. Le sens des affaires, la prudence, la résilience, la diversification, des profits raisonnables sont les sources de la résilience et du succès plutôt que la réglementation.

Craignez-vous les réactions à la suite de la chute de Credit Suisse?

Punir les banques, renforcer les ratios, accroitre les exigences de liquidités, contrôler la rémunération des dirigeants, tous ces thèmes sont à l’ordre du jour. Augmenter la règlementation semble surtout augmenter les coûts pour les clients. Et une règlementation fortement réhaussée n’évitera pas les faillites. C’est aux actionnaires qu’incombe de surveiller les dirigeants. Certes, si l’actionnariat est très diffus, très atomisé, il ne peut jouer pleinement son rôle mais il ne faut pas faire d’amalgame entre les banques. La banque suisse se porte plutôt bien. Si suite au cas Credit Suisse, les autorités haussent sensiblement leurs exigences, les banques suisses perdront le potentiel de capturer la place qu’il a laissée et cela se fera au profit d’acteurs venus de l’extérieur.

Que ferez-vous après?

Je resterai au service de l’économie et des banques comme administrateur. Mais tout est encore en réflexion. 

A lire aussi...