Crédits COVID-19: planifier au plus vite le remboursement

Yves Hulmann

4 minutes de lecture

Vincent Thalmann, expert chez KPMG, conseille aux entreprises d’utiliser aussi toutes les autres solutions mises à disposition par les pouvoirs publics.

Fin mars, le Conseil fédéral avait adopté un vaste paquet de mesures portant sur un montant total de plus de 42 milliards pour atténuer les répercussions économiques résultant de la crise du coronavirus. Sur ce montant, quelque 20 milliards de francs sont destinés aux petites et moyennes entreprises, dans le cadre d’un programme de cautionnements solidaires pour les PME via des crédits de transition COVID-19 garantis pendant une durée de 5 à 7 ans. Jusqu’à 500'000 francs, ces crédits de transition, entièrement garantis par la Confédération, sont mis à disposition à un taux d’intérêt nul (0%), ce dernier pourra cependant être adapté chaque année en fonction de l’évolution du marché. Les crédits allant de 500'000 francs à 20 millions, garantis à 85% par la Confédération, ont, eux, un taux d’intérêt de 0,5% par an. Quels sont les avantages - mais aussi les éventuels risques de tels prêts pour les PME? Un peu plus d’un mois après l’annonce de ces mesures, Allnews.ch fait le point avec Vincent Thalmann, expert en fiscalité chez KPMG.

Quels sont les principaux écueils à éviter pour les PME qui recourent aux crédits de transition COVID-19 – y a-t-il notamment un risque d’endettement à long terme pour ces entreprises?

Le fait de pouvoir obtenir des prêts à un taux d’intérêt de zéro pour les montants inférieurs à 500'000 francs, ou à un taux qui reste très faible pour les crédits dépassant ce montant, pendant cinq à sept ans, est bien sûr une très bonne chose pour les entreprises qui peuvent en bénéficier. Néanmoins, même si l’échéance de remboursement de ces prêts peut, aujourd’hui, paraître encore loin, les entreprises devront aussi vite que possible les rembourser ou trouver une autre source de financement. Dans l’immédiat, ces crédits de transition sont très utiles pour beaucoup d’entreprises car ils permettent de faire face aux besoins de cash immédiats, de payer les fournisseurs, de régler les factures les plus urgentes. Pour autant, il ne faut pas considérer ces crédits comme étant de l’argent donné. En contractant de tels crédits, il faut aussi utiliser toutes les autres solutions et mesures mises à disposition par les pouvoirs publics, en particulier celles du chômage partiel, soit la réduction d’horaires de travail – RHT.

Le Valais permet aux sociétés de comptabiliser dans les comptes
de 2019 une provision extraordinaire de 50% du bénéfice net.
Les délais de remboursement de cinq à sept ans vous paraissent-ils suffisants compte tenu de l’ampleur de la crise?

De manière générale, plus vite une entreprise arrivera à rembourser ses crédits de transition, mieux cela vaudra. En effet, il est préférable de pouvoir planifier un remboursement le plus rapidement possible afin de ne pas dépendre trop longtemps de ceux-ci. Certaines PME pourraient être tentées de bénéficier de ces crédits jusqu’à l’échéance. Nous recommandons aux entreprises de bien évaluer leurs besoins en liquidités et de financement à venir - pour des éventuels investissements à court et moyen terme - et de planifier un remboursement des crédits de transitions dès que possible afin de ne pas être pris à la gorge le jour de l’échéance.

Sur le plan fiscal, la situation est particulièrement délicate pour les entreprises qui tournaient à plein régime jusqu’à la fin de 2019 et qui devront payer cette année des impôts élevés au titre de l’exercice précédent – alors que leurs activités ont brusquement ralenti depuis mars. Que peuvent-elles faire?

La situation diffère bien sûr d’une entreprise à une autre. Il est recommandé d’ajuster le montant des acomptes payés chaque année en fonction du niveau de bénéfice escompté et d’éviter ainsi de mauvaises surprises en cas de ralentissement économique. Cela étant, certaines sociétés continuent à recevoir beaucoup de commandes mais elles sont néanmoins confrontées à d’importants problèmes de liquidités, par exemple parce que leurs clients n’arrivent pas à payer leurs factures. Ainsi, tant des entreprises qui «tournent» que celles qui connaissent un ralentissement peuvent être confrontées à des problèmes de liquidités pour payer les impôts 2019 qui seraient dus. A noter que pour l’impôt fédéral direct et la TVA, aucun intérêt moratoire (ou au taux de 0%) n’est perçu jusqu’au 31 décembre 2020. De plus, et selon les cantons, les entreprises ont la possibilité de prolonger le délai de paiement des impôts pour lesquelles les autorités fiscales se montrent souvent plus flexibles.

Quelles options concrètes sont envisageables pour une entreprise qui n’arrive pas à payer ses premières tranches d’impôts?

Il en existe plusieurs. La première est de demander de différer les délais de paiements des impôts dont les modalités et conditions peuvent varier selon les cantons. A noter qu’au niveau de l’impôt fédéral direct (IFD), aucun intérêt moratoire n’est dû en cas de paiement tardif de l’impôt fédéral direct échu entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020. Cette renonciation temporaire à la perception d’intérêts moratoires s’applique tant aux créances fiscales 2020 qu’à celles relatives à des périodes fiscales antérieures, pour autant que l’échéance des taxations provisoires ou définitives se situent entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020. A cela s’ajoute aussi des facilités de paiement qui peuvent être demandées et octroyées. Il en va de même en matière de TVA, de droits de douanes ou des impôts à la consommation spéciaux pour lesquels il est possible de de demander de prolonger les délais de paiement et pour lesquels l’intérêt moratoire a été temporairement réduit à 0% (jusqu’au 31 décembre).

Aucun canton n’aime augmenter ses taux
car cela réduit sa compétitivité.

De plus, si une entreprise connaît un ralentissement de ses activités, elle peut déjà demander de corriger le montant des acomptes à verser pour l’année en cours. Une adaptation du bordereau d’impôt provisoire peut être demandée auprès des autorités fiscales pour les impôts cantonaux et communaux pour l’année 2020 dès lors qu’une baisse des revenus ou du bénéfice, voire une perte, est anticipée pour l’exercice en cours. Enfin, au niveau administratif, le délai pour déposer les déclarations d’impôt, tant des personnes physiques que des personnes morales, a été très souvent prolongé de quelques mois dans beaucoup de cantons.

Observez-vous de grandes différences par cantons – y a-t-il des initiatives qui vous paraissent particulièrement intéressantes?

Chaque canton a mis en place des mesures qui peuvent être différentes ou identiques à d’autres cantons. Le Valais est un canton qui s’est montré créatif face à la crise: il permet aux sociétés de comptabiliser dans les comptes de 2019 une provision extraordinaire de 50% du bénéfice net, avec un montant pouvant aller jusqu’à 300'000 francs. Ce montant devra cependant être dissout en 2020. Vaud permet de reporter le délai pour remplir sa déclaration jusqu’au 30 juin ainsi que Genève jusqu’au 31 mai 2020. C’est le cas aussi dans plusieurs autres cantons romands.

Et au final, qui paiera l’ardoise? Les entreprises doivent-elles déjà anticiper d’éventuelles hausses d’impôts dans trois, quatre ou cinq ans?

La réponse dépendra de la situation financière de chaque canton et des communes. Certains cantons pourront assez bien supporter la baisse des rentrées fiscales pour l’exercice 2020. D’autres moins bien. Il n’est pas exclu que certains cantons décident à terme d’augmenter temporairement – mais il est encore beaucoup trop tôt pour le dire. En outre, d’autres solutions seront peut-être envisagées sur le plan national: si beaucoup de cantons devaient avoir besoin d’augmenter les impôts pour équilibrer leurs budgets, il se peut aussi que la Confédération ou la BNS leur viennent en aide. Enfin, il y aussi l’aspect de la concurrence fiscale : aucun canton n’aime augmenter ses taux car cela réduit sa compétitivité.

A lire aussi...