Pour Schuyler Weiss, CEO, la société a une carte à jouer en Suisse en se concentrant sur les services de gestion de fortune numérique pour la clientèle dite «affluent».
Disposant d’une licence bancaire de la Finma depuis un peu plus d’un an, Alpian se décrit comme la première banque privée numérique suisse. A quoi ressemblera la gestion de fortune à l’avenir? Entretien avec Schuyler Weiss, directeur général (CEO) et fondateur d’Alpian. Le directeur de la société basée à Genève fait le point sur les ambitions de la banque privée numérique sur le marché suisse et livre également son appréciation sur le potentiel de la technologie GPT et de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la gestion de fortune.
A l’avenir, il y a aura certainement encore une certaine partie de la population qui préférera avoir un contact personnalisé avec un gérant ou un conseiller lorsqu’il s’agit de traiter questions liées à la gestion de leur patrimoine. La question est de savoir quelle sera encore cette proportion. En effet, non seulement la technologie évolue très rapidement mais c’est aussi le cas pour les habitudes de la clientèle. Combien de gens souhaiteront encore se déplacer pour effectuer un entretien en personne avec un conseiller dans 10, 20 ou 30 ans? Il est difficile de le savoir. Dans les faits, on observe néanmoins déjà que le pourcentage de la population qui se rend dans une agence bancaire diminue constamment. Dans trente ans, le monde de la gestion de fortune sera très différent.
Il faut distinguer deux aspects: d’un côté, les gens continuent d’avoir envie de se rencontrer dans certaines situations ou lors d’événements. De l’autre, les clients, en particulier dans la gestion de fortune, ne contente plus d’avoir un ou deux entretiens avec leur conseiller par année, comme cela se faisait souvent il y a quelques années encore. Beaucoup de clients apprécient désormais d’avoir accès rapidement à un conseiller en ligne quand ils veulent avoir un avis sur une question spécifique ou afin de résoudre un problème donné. C’est aussi la grande force de notre modèle de banque privée numérique. Le client peut avoir un accès en ligne plus rapide avec nos conseillères et conseillers en passant par notre application que s’il devait se rendre dans une agence. Désormais, l’ensemble des processus liés à la gestion de fortune peuvent s’effectuer en ligne. L’ouverture d’un compte s’effectue entièrement en ligne – cela ne nécessite pas plus de 10 minutes. Les paiements et transferts d’argent s’effectuent immédiatement, quasiment en temps réel. Quant à la partie conseil proprement dite, un client peut prendre rendez-vous en ligne, puis s’entretenir avec un conseiller dans une vidéo en ligne via l’application d’Alpian.
La sécurité des données revêt une importance centrale chez Alpian. C’est pourquoi toutes nos communications s’effectuent uniquement par le biais de notre application – nous ne passons jamais par des applications tierces comme Zoom, par exemple. La priorité est d’assurer la sécurité des données de nos clients avant toute chose.
L’offre de services d’Alpian s’adresse avant tout à la clientèle dite «affluent», soit des personnes dont la fortune se situe entre 100'000 et 1 million de francs. Cette population est loin d’être négligeable en Suisse où l’on estime qu’environ 3,5 millions de personnes correspondent à cette catégorie. Nous avons ainsi encore d’énormes opportunités de croissance sur le marché suisse. Actuellement, la plus grande partie des personnes faisant partie de la catégorie dite «affluent» détiennent des comptes auprès des prestataires qui offrent des services de banques de détail. Or, les services de gestion de fortune ne représentent qu’une petite partie des services proposés par les acteurs actifs dans la banque de détail, par exemple à côté des hypothèques, des crédits aux entreprises ou autre. C’est pourquoi, je pense qu’Alpian a une carte à jouer sur le marché suisse en se concentrant avant tout sur les services de gestion de fortune numérique destinés à la clientèle «affluent».
Il faudra encore faire pas mal de développement avant que ChatGPT ne puisse jouer un rôle significatif dans le secteur bancaire. Les questions relatives à la sécurité et à la confidentialité des données ainsi qu'à la précision et à la cohérence des réponses devront être résolues avant que les banques puissent adopter cette technologie. Si ces questions sont résolues, la première étape de l'adoption de la technologie GPT consistera à former le système aux données de la banque. Si ChatGPT est effectivement intelligent, son intelligence repose sur les données dont dispose OpenAI. Une grande partie des services bancaires est construite autour de la personnalisation et pour que GPT devienne personnalisé il devrait être capable de s'entraîner sur les données propriétaires de la banque. Avec les données en main, GPT pourrait être utilisé dans d'innombrables scénarios. Interactions directes avec les clients, connaissance des clients et de leur comportement, conseils financiers automatisés et personnalisés, traitement opérationnel automatisé et recommandations d'investissement, pour n'en citer que quelques-uns. Reste que je pense qu'il est extrêmement important de faire preuve de prudence tout au long du processus d'adoption, car les enjeux sont énormes, les possibilités sont infinies.
Oui, je pense et je m'attends à ce que l'IA joue un rôle de plus en plus important dans le front office et le back office des banques. En ce qui concerne les décisions d'investissement, l'IA joue déjà un rôle dans les recommandations d'investissement pour de nombreuses banques et sociétés de gestion de patrimoine. Le seul élément qui déterminera si l'IA deviendra le principal moteur des décisions d'investissement à l'avenir sera l'historique. Jusqu'à présent, l'IA n'a pas systématiquement prouvé qu'elle était meilleure que d'autres méthodes. Si cela change à l'avenir, le secteur éliminera le rôle du «sentiment» dans l'investissement et s'appuiera fortement sur la conservation de données propriétaires pertinentes et sur l'utilisation de l'ordinateur le plus rapide.