Acheter au plus haut ne modifie guère la performance

Emmanuel Garessus

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Contrairement aux idées reçues, un plus haut historique n’est que rarement suivi par une correction, selon John Plassard, de la Banque Mirabaud.

 

L’indice S&P 500 a de nouveau battu un record historique et dépassé le précédent plus haut enregistré le 3 janvier 2022. Est-ce une invitation faite aux investisseurs de considérer le marché comme trop cher et de s’en retirer? John Plassard, spécialiste en investissements à la Banque Mirabaud, s’est penché, dans son commentaire quotidien, sur l’histoire des plus hauts de l’indice S&P 500. Il en ressort que l’investisseur aurait tort d’en attendre une correction. En fait, depuis 1950, le marché des actions américain a atteint 1201 sommets historiques sur le chemin qui l’a mené à son niveau actuel. Cela représente une moyenne de près de 16 records par année, écrit-il. Les records sont souvent liés à la croissance économique et à l’augmentation des bénéfices des entreprises. Les améliorations de productivité et l’innovation poussent sans cesse les indices vers de nouveaux records. John Plassard répond aux questions d’Allnews:

Quel est le premier enseignement de votre étude sur les sommets historiques depuis 1950?

L’investisseur essaie souvent d’acheter au plus bas et de vendre au plus haut. Cet objectif est non pas difficile mais impossible. Si un indice a atteint un plus haut historique, l’investisseur a l’impression que s’il investit ce sera au plus cher. L’histoire révèle qu’il aurait tort d’attendre. S’il investit au plus haut ou lors d’une autre séance, le rendement sera très proche dans un horizon à 1, 3 ou 5 ans. Il s’élève, selon une étude de RBC, à un an à 11,6% après des achats au plus haut (contre 12,5% lors d’une autre séance), à 3 ans à 10,9% (contre 11,4%), et à 5 ans à 10% (contre 11,1%).

L’étude souligne les facteurs psychologiques de l’investissement, lesquels poussent l’investisseur à acheter lors d’une correction. On remarque que souvent les marchés se refusent de baisser. Le cas de Nvidia ou de Microsoft est exemplaire à ce sujet.

«A un an après un nouveau record, une correction de 10% ne survient que dans 6,5% des cas.»

Si un indice ou une action atteint un record, le mouvement est généralement alimenté par des fondamentaux de croissance. Il est possible évidement que l’action d’une société en difficultés s’apprécie en réaction à une rumeur d’une tentative de rachat, mais historiquement la règle veut que la hausse réponde plutôt à des fondamentaux solides.

La surprise de votre étude ne vient-elle pas aussi de la quasi absence de correction après l’établissement d’un sommet historique?

A un an après un nouveau record, une correction de 10% ne survient que dans 6,5% des cas. Cela alimente l’idée selon laquelle il est compliqué d’attendre une correction.

Je travaille dans la finance depuis 25 ans et j’observe que souvent les investisseurs se distancient des marchés lors d’une correction. Si les marchés devaient baisser maintenant en réaction à une aggravation de la situation par exemple au Proche-Orient, ils se diraient que cette fois c’est différent et que les fondamentaux se détériorent durablement. Souvent, les clients ne rachètent pas durant une correction. Qu’il suffise de se rappeler la nette correction intervenue durant le covid et qui, faute de repère à part celui de la grippe espagnole, n’avait pas conduit à une vague d’achats. Il en avait été de même lors de la crise des subprimes.

Est-ce que ce n’est pas différent aujourd’hui dans la mesure où le record résulte uniquement de la Big Tech alors que les autres indices, du Russel 2000 au SMI, en sont loin?

L’essentiel consiste à comprendre notre situation au sein du cycle économique. Durant certaines périodes, la hausse de l’indice était alimentée par l’industrie, dans d’autres par l’énergie ou les télécoms. Les phases peuvent être de durées très variables. L’an dernier, l’indice a été porté par l’intelligence artificielle. On imagine qu’à la différence du métavers l’intelligence artificielle est un phénomène fondamental puisqu’elle est intégrée dans tous les secteurs, de l’informatique aux médicaments en passant par le cloud.

«Nous assistons plutôt à une accélération de la thématique de l’intelligence artificielle.»

Cette thématique va potentiellement s’imposer plus longtemps. Evidemment si les résultats ne sont pas au rendez-vous, un ajustement boursier sera nécessaire. Durant l’histoire récente, les reculs d’Apple et de Microsoft étaient d’abord des opportunités d’achat.

Le regard sur plusieurs décennies ne bute-t-il pas sur une durée de détention des actions limitée à 10 mois aux Etats-Unis?

Tout à fait. Mais nous assistons plutôt à une accélération de la thématique de l’intelligence artificielle. Nous avons eu l’impression de la «toucher» avec ChatGPT. Nous observons le développement de très nombreuses avancées. L’alimentation de la hausse par l’intelligence artificielle peut donc se poursuivre, même si consolidations sont possibles.

Les professionnels n’attendent-ils pas une consolidation aujourd’hui?

L’attente d’une consolidation provient d’une hausse quasi discontinue des indices américains depuis le 1er novembre mais aussi d’adeptes de l’investissement selon le momentum (CTA), une technique qui n’a pas toujours été couronnée de succès. Il est vrai qu’une consolidation interviendra bien sûr tôt ou tard.

Les marchés non américains, comme la Suisse, ne sont-ils pas plus mitigés?

Nous nous concentrons souvent sur les marchés qui montent le plus. La Suisse est effectivement éloignée des sommets. Nous aimons beaucoup ce marché pour des questions de valorisation historique, son caractère défensif dans un monde très incertain et la qualité intrinsèque des sociétés qui composent l’indice suisse. Mais le SMI n’intègre pas de valeurs technologiques susceptibles d’attirer les investisseurs aujourd’hui.

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