«Nous voulons nous adresser à tous les épargnants»

Emmanuel Garessus

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Roger Bootz, de Vanguard, présente sa stratégie qui accroît les interactions avec les banques et les gérants indépendants.

© Philip Boeni

Roger Bootz est responsable du développement des activités pour la Suisse et le Liechtenstein, et responsable du bureau suisse depuis le début de l’année. Dans l’interview accordée à Allnews, il montre comment il entend poursuivre l’expansion du gérant d’actifs créé en 1975 par John Bogle. La société est devenue un des leaders des ETF en Europe, en termes de flux de fonds. Elle gère 7700 milliards de dollars d’actifs dans le monde à travers des produits diversifiés. Au plan global, environ 80% des capitaux sont consacrés à la gestion indicielle et environ 20% à la gestion active.

En Suisse, Vanguard fête ses 15 ans cette année, et les 25 ans en Europe. Avec une équipe de onze employés au bureau à Zurich, la gamme de produits Vanguard comprend environ 30 ETF, 30 fonds indiciels et 2 fonds actifs (crédit global et dette émergente souveraine). Si Roger Bootz est de retour d’un séjour de huit ans en Allemagne, il n’a pas perdu la maîtrise du français, une langue qu’il avait pratiquée aux Câbleries de Cortaillod puis chez Lyxor. Il répond aux questions sur sa stratégie et les dernières tendances des marchés:

Est-ce que votre stratégie se concentrera toujours davantage sur l’investisseur grand public?

En Suisse, nous voulons être les plus proches possibles de l’investisseur final. Nous nous adressons donc à tous les épargnants. Cela signifie que nous travaillons quotidiennement avec les banques et les gérants indépendants. Nous comptons aussi quelques institutionnels au sein de notre clientèle, avant tout pour des raisons historiques. Jusqu’en 2019, nous accordions la priorité aux grandes banques, les banques privées, puis aux caisses de pension et aux institutionnels, Nous avons alors pris un virage en direction de l’investisseur final, même si le contact avec ce dernier reste indirect, à travers les banques et les gérants d’actifs. En Suisse, l’investissement est fortement axé sur le canal bancaire à l’inverse du Royaume-Uni et de l’Allemagne par exemple, où la plateforme Vanguard offre un accès direct aux épargnants.

«En Allemagne, le service au client final est nettement plus avancé qu’en Suisse».
Vous rentrez d’Allemagne et avez travaillé auparavant pour un acteur français et pour une grande banque suisse. Quelles différences d’approche vous ont le plus marqué?

La période «suisse» de ma carrière s’est déroulée jusqu’en 2014 lorsque je suis parti à Francfort. En Allemagne, le service au client final est nettement plus avancé qu’en Suisse. Ma tâche consistait à négocier pour une banque allemande les contrats de plans d’épargne à travers les ETF. L’an dernier, 93 milliards d’euros ont été investis dans des plans d’épargne en Allemagne au marché total. Cela explique la forte présence de discount brokers et de banques en ligne en Allemagne par rapport à la Suisse.

Est-ce une question de technologie?

Non, cela ne vient ni des robots-clients, ni des apps d’investissement, mais plutôt de la présence des plans d’épargne dans les décisions d’investissement. Ceux-ci permettent d’investir à partir de 25 euros dans des fonds diversifiés tels que l’indice S&P 500 ou le FTSE All-World. L’épargnant investit un montant dans un produit et non pas dans un nombre de parts de fonds. Les frais de transaction sont aussi très limités.

Quelle est votre part de marché en Suisse sur le marché des ETF?

La Suisse est un marché clé pour Vanguard en Europe, nous sommes très contents du développement commercial.

A travers notre démarche, nous visons quatre principes d'investissement: Il s’agit de définir des objectifs d’investissement clairs, de bien maîtriser les coûts, d’être bien diversifiés et disciplinés.

Ces critères ont été établis par notre fondateur John Bogle, décédé en 2019, et s’appliquent depuis près d’un demi-siècle. Nous ne sommes peut-être pas les plus innovants de la place mais notre succès prouve que nous répondons aux vœux des investisseurs.

Concrètement, qu’entendez-vous par «disciplinés»?

Pour vous montrer un exemple, aux Etats-Unis, pendant le covid, Vanguard a réalisé une enquête sur le comportement des investissements au moment de la cassure des bourses en 2020. Il en est ressorti que environ 99% de investisseurs qui utilisaient les plateformes de Vanguard n’ont pas vendu leurs positions mais ont procédé uniquement à des repositionnements de leur portefeuille. La discipline d’investissement de ces épargnants a été remarquable. Nos clients respirent l’esprit Vanguard.

Vanguard n’est pas réputée comme très innovante. Comment le justifiez-vous?

Cela dépend de la manière de définir «innovante». Nous n’avons pas pour habitude de suivre les modes. Les thèmes les plus recherchés en bourse sont inévitablement pris en compte par les grands indices. Nous préférons adopter une approche diversifiée. La performance finale dépend davantage de la construction du portefeuille que de la sélection des titres.

«Nous avons l’avantage d’être une coopérative non cotée, donc de partager notre succès avec nos clients à travers une baisse des frais des fonds, plutôt que de maximiser le bénéfice.»

Notre coopération avec les gérants indépendants nous a amenés à développer des portefeuilles modèles comprenant différentes allocations d’actifs et procédant à de rebalancements sur une base régulière. Nous offrons aussi un service qui permet aux gérants indépendants de nous confier leurs portefeuilles afin de les analyser et de leur fournir notre feedback. Il ne s’agit pas d’un service d’Advisory mais d’une offre d’ajustements possibles en termes géographiques ou sectoriels.

Est-ce que vous développerez davantage les ETF actifs?

Notre stratégie est différente. Nous gérons, au Royaume-Uni, des fonds centrés sur le cycle de vie (Life Strategy). Nous avons créé des ETF issus de cette gamme de produits, lesquels sont cotés en Allemagne et en Italie. Ce sont des fonds dont les frais sont très bas et disposant d’une allocation basée sur le profil de risque. Ces produits sont bien adaptés aux petits investisseurs et recèlent un grand avenir.

Quels sont vos objectifs en Suisse?

Actuellement la clientèle «Wholesale» représente environ 80% du total des actifs et l’institutionnelle environ 20%. Notre approche consiste à tout entreprendre pour que l’investisseur final atteigne ses objectifs. Cela passe par nos principes d’investissement et par une plus grande interaction avec les banques et les gérants indépendants. Le potentiel est considérable tant pour les ETF, les fonds indiciels que pour les fonds actifs si les fonds sont capables de créer une plus-value à long terme.

Avez-vous un but chiffré d’ici 18 mois?

Notre but principal consiste à augmenter le nombre de clients et à proposer le message cher à Vanguard en Suisse en augmentant les interactions avec les clients. Nous avons l’avantage d’être une coopérative non cotée, donc de partager notre succès avec nos clients à travers une baisse des frais des fonds, plutôt que de maximiser le bénéfice. Cette stabilité du message est très bien perçue dans le marché.

Quelles sont les dernières tendances de la demande?

La demande se porte clairement en faveur des obligations américaines et européennes avec une duration courte (0 à 1 an). Dans les actions, cela paraît ennuyeux, mais ce sont les Actions monde qui marchent le mieux.

Quelle est votre approche de la durabilité, sachant que les gérants américains recherchent moins l’impact que les européens?

Sur nos 30 ETF, 5 sont des fonds ESG. Nous privilégions les critères d’exclusion tant dans les fonds actions qu’obligations faute de standard indiscutable sur la définition de meilleures pratiques (best in class). Nos travaux de recherche sur la performance des fonds ESG avec exclusion ne mettent pas en évidence une plus-value, ni une moins-value, par rapport aux indices traditionnels. Leur performance est simplement différente. Il n’est donc pas possible de présenter d’arguments financiers en faveur de l’ESG, mais nous les conservons dans notre gamme pour répondre à une certaine demande.

Est-ce que vous avez l’ambition d’offrir les ETF les moins chers?

Nous ne sommes peut-être pas le moins cher dans chaque domaine, mais d’autres critères sont importants pour l’investisseur, comme la taille, la performance, la qualité de la réplication du sous-jacent. Notre «tracking-error» est excellent.

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