«Les assureurs forment un pilier clé de l’économie suisse»

Philippe Rey

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La bonne capacité de résistance des assureurs privés et leur solvabilité solide contribuent au renforcement des entreprises. Entretien avec Rolf Dörig, président de l’ASA et Swiss Life. 

La préservation de conditions cadres raisonnables pour l’économie suisse et en particulier le secteur de l’assurance privée, qui est fortement capitalisé, demeure nécessaire. De même qu’une réforme de la prévoyance professionnelle LPP.

Quelle est l’importance des assureurs et réassureurs pour l’économie suisse?

En assurant des risques financiers, les assureurs privés suisses contribuent à rendre plus résistants leurs assurés ainsi que l’économie dans son ensemble. C’est ainsi un pilier essentiel de l’économie suisse. Avec l’apport de la réassurance, qui permet d’assurer les compagnies d’assurance.

Ce constat revêt d’autant plus de signification que la branche de l’assurance a fait preuve ces dernières années d’une grande capacité de résistance ou résilience pour utiliser un terme en vogue. Malgré des événements inattendus tels que la pandémie, l’Ukraine ou la forte résurgence de l’inflation.

La valeur ajoutée par place de travail dans le domaine de l’assurance privée en Suisse s’est élevée en 2021 à 472'000 francs. Ce secteur y emploie environ 50'000 personnes, dont 4000 dans la réassurance. Ses placements de capitaux atteignaient 570 milliards de francs à la fin de 2021.

Les assurances sont un des secteurs les plus réglementés de la Suisse. Nous devons veiller à conserver une réglementation et une surveillance mesurées.
La réassurance est-elle plus productive que l’assurance directe?

C’est vrai en raison de la présence de personnel hautement spécialisé dans la réassurance. Comme le montre l’étude toute récente menée par l’institut BAK Economics pour le compte de l’Association Suisse d’Assurances (ASA), les réassureurs suisses affichent une productivité très élevée, qui correspond, avec ses moins de 10 pour cent de collaborateurs, à environ un cinquième de la valeur ajoutée totale de l’assurance. Sa production économique réelle a plus que triplé depuis 2000.

Cependant, l’assurance directe peut également se prévaloir, au sein de l’économie et du secteur financier en particulier, d’une forte productivité, qui est aujourd’hui meilleure que celle du secteur bancaire.  

N'y a-t-il pas le risque de trop de réglementation pour l’assurance?

Les assurances sont un des secteurs les plus réglementés de la Suisse. Nous devons veiller à conserver une réglementation et une surveillance mesurées. Il faut maintenir des conditions d’exercice optimales pour l’économie. Tout en préservant les différentes forces de la Suisse, dont celle du franc, d’un marché du travail attractif ou d’un faible endettement. La Suisse a toujours été un pays qui a trouvé le juste équilibre entre réglementation et liberté d’entreprise. A nous de continuer sur cette voie!

Les exigences en matière de solvabilité économique SST (Test suisse de solvabilité) de la Finma (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) ne constituent-elles pas un désavantage en comparaison internationale?

Les exigences suisses en matière de capitaux ne devraient en aucun cas être renforcées. Ceci nuirait à la compétitivité des filiales à l’étranger des assureurs et réassureurs suisses. D’un autre côté, avoir une solvabilité supérieure à la moyenne représente pour une compagnie un avantage aux yeux de la clientèle.

La Suisse compte un système de prévoyance vieillesse composé de trois piliers (AVS, LPP et prévoyance individuelle), qui sert d’exemple depuis plusieurs décennies.
Quid des nouvelles normes comptables IFRS 17 contrats d’assurance et IFRS 9 instruments financiers qui seront appliquées pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023?

Il s’agit de normes internationales; il n’y a donc pas de discrimination pour les assureurs suisses. Au demeurant, ceux-ci y sont très bien préparés. Ces normes résultent de la volonté des régulateurs financiers internationaux de standardiser la présentation des données comptables à l’échelle globale.

Vous prônez par ailleurs une révision de la prévoyance professionnelle. Ne va-t-elle pas trop loin?

Non, car elle est indispensable. Ni l’inflation ni l’évolution conjoncturelle ne résolvent le problème du niveau trop haut du taux de conversion LPP, vu l’allongement de l’espérance de vie. Et ce même si la normalisation du niveau des taux d’intérêt promet de meilleures perspectives de rendements des placements obligataires sur le long terme.

La Suisse compte un système de prévoyance vieillesse composé de trois piliers (AVS, LPP et prévoyance individuelle), qui sert d’exemple depuis plusieurs décennies. Il convient de le préserver! Un tel système répartit les charges et permet de diversifier les risques.

Les principaux éléments de la réforme du 2e pilier sont pour l’ASA un abaissement du taux de conversion minimal à 6%, une cotisation pour le financement des pertes dues à la conversion des rentes, des mesures servant à  renforcer l’épargne pour maintenir à terme un niveau des rentes équivalent et tenir compte des plus bas revenus – notamment au travers d’une réduction de la déduction de coordination. A cela s’ajoutent un aplanissement de l’échelonnement des bonifications en fonction de l’âge, ainsi que des mesures de compensation des pertes de rentes causées par la réduction du taux de conversion minimal en faveur de la génération transitoire.

Les solutions sont sur la table du parlement fédéral. Encore faut-il trouver au plus vite un bon compromis sur le plan politique.

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