Tessin: pas de répit en vue pour le secteur de la construction

AWP

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«Les grands chantiers sont devenus plus rares, mais nous enregistrons plus de demande pour des travaux de rénovation», fait valoir Nicola Bagnovini, directeur de la section tessinoise de la SSE.

Après avoir relativement bien résisté à la pandémie, le secteur de la construction au Tessin risque d’être en proie à l’incertitude encore quelque temps, entre l’inflation galopante et les taux hypothécaires repartis à la hausse.

«Je suis préoccupé par les conséquences de la guerre en Ukraine», a indiqué à AWP Nicola Bagnovini, directeur de la section tessinoise de la Société suisse des entrepreneurs (SSE), en marge de l’assemblée générale qui s’est tenue jeudi à Mendrisio. Selon lui, même en cas de résolution du conflit, les prix des intrants, en particulier des matériaux et de l’énergie, ne vont pas revenir de sitôt au niveau de 2020.

L’activité dans la construction se porte plutôt bien dans le canton italophone, comme en témoigne le rebond des demandes de permis de construire, en baisse depuis 2017, qui a frôlé les 3500 en 2021, même si les volumes sont à peu près stables depuis trois ans, oscillant autour des 2 milliards de francs.

«Les grands chantiers sont devenus plus rares, mais nous enregistrons plus de demande pour des travaux de rénovation», fait valoir Nicola Bagnovini. Sur les quelque 120’000 bâtiments construits au cours des derniers 100 ans au Tessin, 80’000 l’ont été avant 1980. Considérant que la consommation énergétique d’un immeuble contemporain est 4 à 7 fois inférieure, il y a un fort potentiel dans l’assainissement.

Ce d’autant plus qu’actuellement, «le taux de rénovation est inférieur à 1%, or il devrait être multiplié par trois pour atteindre la neutralité carbone visée à l’horizon 2050 dans le cadre de la stratégie énergétique élaborée par Conseil fédéral», signale le responsable.

Cancre de la vacance

Le parc immobilier tessinois compte actuellement quelque 7000 appartements inoccupés. Avec un taux de vacance 2,8%, le Tessin occupe l’avant-dernière position en la matière - juste derrière Soleure, qui frôle les 3,2% - loin de la moyenne nationale, qui se situe autour de 1,5%.

Le phénomène avait été exacerbé ces dernières années par la multiplication des investisseurs ayant reporté leurs liquidités sur le marché immobilier en raison des taux négatifs. Toutefois, la perspective d’une remontée des taux n’est pas positive, car «elle va compliquer la situation pour les investisseurs», prévient Nicola Bagnovini.

La masse salariale des entreprises affiliées à la SSE au sud des Alpes a connu une lente décrue au cours des dix dernières années, pour s’établir à 325 millions de francs en 2021. Cela s’explique par la réduction du nombre de postes fixes – environ 6000 actuellement – au profit d’intérimaires.

La convention collective de travail (CCT) cantonale interdit tant le rabotage des salaires que la substitution de salariés fixes par des intérimaires: «le maximum a été fixé à 10% sur les chantiers», assure Nicola Bagnovini. Une nouvelle CCT à l’échelle nationale fait actuellement l’objet de négociations tendues, l’actuelle parvenant à échéance à la fin de l’année en cours.

La section tessinoise de la SSE reproche aux syndicats de réduire le partenariat social à une «liste de revendications», alors que le secteur est «à l’avant-garde», avec entre autres un salaire mensuel moyen supérieur à 5500 francs sur 13 mensualités et la retraite anticipée généralisée à partir de 60 ans avec plus de 70% du dernier salaire.

Situation extraordinaire reconnue

Le gouvernement tessinois a d’ores et déjà reconnu le caractère extraordinaire de la hausse des prix au sens de l’article 373 du code des obligations (CO), permettant aux entreprises - mais aussi aux mandataires de travaux - de revenir sur des engagements contractuels.

«Jusqu’ici, je n’ai pas eu connaissance de marchés publics ayant été annulés, au contraire, les collectivités ont réaffirmé leurs engagements en matière d’investissement», assure Nicola Bagnovini, tout en reconnaissant que la question se pose différemment pour les acteurs privés, qui ne sont pas concernés au même titre par les répercussions sur l’emploi.

Pour l’heure, aucun chantier au Tessin n’est à l’arrêt pour cause de pénurie de matériaux. «L’acier d’armature que nous utilisons provient essentiellement d’Italie et celui de nos homologues alémaniques d’Allemagne», indique le responsable, mais la situation actuelle touche l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Le cas échéant, les entreprises devraient recourir à nouveau, comme pendant la pandémie, à des mesures de chômage partiel.

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