Le monitoring ESG, un atout pour les gestionnaires

Philippe Gabella & Fabio Simoncini, BCV

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La Suisse est en retard dans l’établissement de rapports sur la durabilité des véhicules immobiliers.

L’incertitude ambiante aidant, l’immobilier titrisé reste recherché par les investisseurs. L’indice SXI Real Estate Funds Index Broad est d’ailleurs à l’équilibre en Suisse sur dix mois. À fin septembre, il était même à 2,3% avant de se replier à un niveau proche du début d’année. Les performances sont cependant très hétérogènes entre fonds, sociétés et fondations. L’écart entre les secteurs s’explique principalement par le biais commercial de l’indice des sociétés, secteur qui souffre particulièrement de la crise sanitaire. Malgré cet engouement, le flux de capitaux vers les produits de l’immobilier indirect n’est pas inépuisable. Surtout pour qui ne remplit pas ce qui constitue désormais la troisième dimension de l’analyse après le rendement et le risque: la durabilité.

Vaut-il la peine de constituer un rapport de responsabilité sociale d’entreprise (RSE) ou d’assurer un monitoring du respect des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG)? De trop nombreux gérants ne produisent aucun des documents désormais exigés par de nombreux investisseurs, notamment institutionnels, notamment internationaux. Ainsi, si la Suisse peut se targuer d’être un élève appliqué en matière d’adaptation des bâtiments aux normes durables, elle affiche de moins bonnes performances en matière de reporting.

A terme, les investisseurs poseront le respect des critères ESG
comme condition sine qua non à toute souscription.
Pression en hausse

Il en va des rapports ESG comme de la performance: la situation est hétérogène à l’intérieur de la classe d’actifs. Les petites entités et les fondations sont ainsi en retard par rapport aux fonds gérés par des grands groupes, par les assurances ou les banques. Mais la pression augmente. Les caisses de pensions doivent fournir à leurs assurés des gages de durabilité et demandent donc toujours plus ce type de document. Et, à terme, les investisseurs poseront le respect des critères ESG comme condition sine qua non à toute souscription.

Certes, établir un tel rapport a un coût. Mais ce coût se transforme vite en opportunité, car la démarche prouve que le gérant du fonds, que les dirigeants de la société ou que les membres du conseil de Fondation maîtrisent les meilleures pratiques en matière d’analyse de la gestion des risques. Communiquer ensuite sur cette approche donne une visibilité tant qualitative que quantitative. Surtout que, souvent, les fonds font de l’ESG sans le savoir. Remplacer une vieille chaudière ou des fenêtres peut déjà être répertorié dans la colonne environnementale. Or, ces données seront inévitables, mieux vaut donc monter à temps dans le train.

Jungle de labels

A la décharge des gérants réticents, entrer dans l’univers ESG revient souvent à pénétrer dans une jungle de labels. Il y a certes le plus connu et le plus international, GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark). Il sied particulièrement à l’immobilier commercial et aux grandes institutions. Mais il y en a d’autres et de nombreux partenaires du secteur immobilier sont outillés pour servir de guide ou investissent dans la recherche facilitant la mesure d’une approche ESG.

Le marché se détend et la crise a souligné
des éléments déjà présents en début d’année.

En attendant une approche plus normative – pour laquelle la diversité de l’univers immobilier ne plaide pas pour l’heure –, tout peut simplement commencer par la mise en place d’une politique ESG. Il s’agit ensuite de communiquer pas à pas. A défaut de pouvoir immédiatement démontrer par un retour sur investissement la valeur de la démarche, décrire les efforts déployés pour participer à la mise en œuvre de la politique énergétique de la Confédération ou pour améliorer la mixité sociale d’un immeuble permet déjà de faire la différence. Aujourd’hui, le E de ESG domine les approches très orientées vers l’immobilier commercial, l’immobilier résidentiel a ainsi tout à y gagner à trouver des approches valorisant les deux autres composantes de la durabilité.

Avantage sur un marché en détente

Cette différence pourrait passer inaperçue dans un marché tendu où les capitaux coulent à flots. Or, le marché se détend et la crise a souligné des éléments déjà présents en début d’année, comme la hausse des taux de vacances. Cet été, jusqu’à une dizaine de fonds immobiliers en Suisse affichait des disagios. Si faciles récemment, les levées de fonds peuvent ainsi devenir plus critiques pour certains managers de produits immobiliers. Un monitoring ESG prend soudain la valeur d’un atout dans la manche des gestionnaires.

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