La pandémie freine l’urbanisation

Communiqué, Credit Suisse

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Selon l’étude «Marché immobilier suisse 2022» du Credit Suisse, la crise sanitaire a également pour effet de stimuler le secteur des résidences secondaires.

Les changements de nos habitudes de vie et de travail liés à la pandémie ont impactés fortement le marché de l’immobilier suisse. La fusion des frontières entre l’habitat et le travail, le numérique et l’analogique ainsi que la ville et la campagne favorise la demande en localisations moins centrales et en grands logements. En outre, l’intérêt pour la propriété du logement a fortement progressé. Les appartements de vacances, en particulier, ont été pris d’assaut par les particuliers pendant la pandémie et connaissent une forte hausse des prix, après avoir traversé une longue période de sommeil en raison de l’adoption de l’initiative sur les résidences secondaires en 2012. Selon les économistes immobiliers, la pandémie a aussi redynamisé le marché des logements locatifs. La suroffre devrait rapidement diminuer du fait de la pénurie croissante de terrains à construire.

Les signes se multiplient pour signaler que la pandémie de COVID-19 façonnera durablement l'aménagement du territoire en Suisse. La séparation moins claire entre le domicile et le lieu de travail invite à revoir l’évaluation de la situation en matière de logement, modifie les priorités et étend le rayon de recherche de logement.

La pandémie freine l’urbanisation

Différents indicateurs du marché immobilier tels que les abonnements de recherche, les logements vacants et les durées de publication confirment le glissement de la demande en faveur des localisations moins centrales et des logements plus grands. Ainsi, les villes perdent de leur attrait en raison du changement des habitudes. Après 2020, les grandes villes ont de nouveau enregistré une croissance démographique nulle en 2021. Certes, les centres profitent toujours de l’immigration internationale, mais l’émigration intérieure quittant les centres urbains s’accentue. Celle-ci avait déjà à peu près doublé en 2020 par rapport au niveau des années précédentes, et a encore progressé l’année dernière. Les communes périurbaines des centres grands et moyens ainsi que les communes rurales dans la zone d’achalandage des agglomérations profitent en premier lieu de la hausse de l’émigration intérieure depuis les cinq grandes villes suisses. Face à cette évolution, le fossé entre la ville et la campagne sur le marché de l’immobilier devrait se réduire peu à peu à l’avenir. Les économistes immobiliers du Credit Suisse doutent toutefois que cela entraîne déjà la fin de la tendance à l’urbanisation. Celle-ci devrait néanmoins être freinée à long terme, ce qui permet une détente bienvenue dans les grands centres.

Forte pression sur les prix du marché des logements en propriété

La propriété du logement a toujours le vent en poupe. La demande semble se stabiliser durablement à un niveau plus élevé qu’avant la pandémie. Les biens en propriété de taille moyenne et grande sont particulièrement recherchés. Outre le faible niveau des taux d’intérêt hypothécaires, la tendance au télétravail et les intérêts négatifs dopent également les achats de logements en propriété. Pendant ce temps, on ne relève aucun apaisement du côté de l’offre: le marché reste extrêmement asséché car la construction de logements en propriété poursuit sa chute libre et n’est désormais plus que l’ombre d’elle-même. Seule la construction de maisons individuelles devrait progresser quelque peu ces prochains trimestres. Les chiffres de l’offre, qui ont chuté de près d’un tiers pour la propriété du logement depuis fin 2019, rendent visible la pénurie. Les taux de logements vacants devraient donc continuer à diminuer cette année, et la croissance des prix qui, sur 10 ans, a atteint son niveau le plus élevé devrait se poursuivre. Les fortes hausses de prix font du logement en propriété un bien de luxe inaccessible pour de plus en plus de ménages, bien que l’achat demeure moins cher que la location. La part des logements en propriété accessibles pour un ménage disposant de revenus moyens a ainsi diminué en un an de 34% à 31% sur tous les biens proposés sur les portails en ligne. Étant donné que la capacité à supporter la charge devient problématique dans un nombre croissant de régions, les ménages cherchent encore plus qu’avant la propriété du logement dans les régions périphériques.

La pandémie a réveillé le marché des résidences secondaires

Le marché des résidences secondaires s’est éveillé de son long sommeil: après des années de stagnation ou de recul des prix, une poussée fulgurante se dessine actuellement, stimulée par la hausse remarquable de la demande en appartements de vacances. Ces deux dernières années, de nombreux Suisses ont (re)découvert les beautés des destinations de vacances locales. Les achats d’appartements de vacances sont en outre stimulés par les modèles de télétravail, qui se prêtent bien à la résidence secondaire, ainsi que par la pression des taux d’intérêt négatifs sur les avoirs d’épargne. La forte progression de la demande depuis le début de la crise du coronavirus fait aujourd’hui face à une offre nettement réduite, effet secondaire de l’approbation de l’initiative sur les résidences secondaires. L’offre de logements dans les communes touristiques publiée en ligne a pratiquement diminué de moitié depuis 2018/2019. L’activité de construction insuffisante devrait également marquer le marché des résidences secondaires dans les années à venir. Une pénurie croissante est donc inévitable. Les économistes immobiliers du Credit Suisse tablent sur un intérêt durablement élevé pour les résidences secondaires et anticipent donc des prix toujours en forte hausse, qui devraient dépasser la croissance des prix de la propriété du logement dans toute la Suisse.

Dix ans après l’initiative sur les résidences secondaires  

Il y a dix ans, en mars 2012, l’initiative sur les résidences secondaires était adoptée de justesse par le peuple suisse. Du jour au lendemain, les marchés immobiliers de l’arc alpin se sont trouvés métamorphosés: dans les communes avec une part de résidences secondaires de plus de 20%, il n’était plus possible d’en construire de nouvelles. Quelles en ont été les conséquences? Les effets peuvent être mis en lumière par la formation d’un groupe de contrôle synthétique. Pour chaque commune de résidences secondaires, l’étude a conçu statistiquement, à partir de communes non concernées, une commune jumelle aussi identique que possible sur le plan des caractéristiques pertinentes pour le marché de l’immobilier. À partir de 2014, les prix des logements en propriété dans les communes concernées ont donc évolué de manière nettement plus faible que dans les communes de contrôle. En moyenne, les prix dans les communes de résidences secondaires ont cédé environ 16% dans les années 2014 à 2019. On identifie trois causes principales à cet effondrement relatif des prix: le torrent de projets de construction de dernière minute, qui ont provoqué une suroffre sur le marché des résidences secondaires alpines, les incertitudes juridiques jusqu’à l’adoption de la loi sur les résidences secondaires en 2015, ainsi que la situation économique difficile liée au recul inéluctable des chiffres d’affaires du secteur de la construction, qui a pesé sur la demande locale en logements.

Le marché du logement locatif se reprend

Grâce à une immigration nette toujours robuste et à une forte reprise économique, les bailleurs devraient encore profiter d’une demande solide en 2022. Dans le passé, l’immigration en provenance de l’étranger s’est largement concentrée sur les grands centres et leurs agglomérations. Depuis peu, on constate toutefois pour les flux migratoires internationaux une tendance similaire à celle des migrations intérieures. Certes, les centres restent le principal objectif des nouveaux arrivants, mais ceux-ci se répartissent de manière un peu plus uniforme dans le pays. Les ménages de seniors contribuent aussi à la robuste demande en restant plus longtemps dans leurs appartements et en repoussant le plus tard possible l’entrée dans un établissement médico-social. Côté offre, la projection de nouveaux logements locatifs est en régression depuis des années. De toute évidence, la révision de l’aménagement du territoire commence à se refléter dans une pénurie croissante de terrains à bâtir car la densification ne peut compenser la diminution de ceux-ci. La baisse de l’activité de construction et une demande renforcée par les effets du COVID-19 ont initié en 2021 un renversement de tendance sur le marché du logement locatif, qui se traduit par une baisse du nombre de logements vacants et par des durées de commercialisation plus courtes. Tant que le problème de la densification ne sera pas résolu par la politique, les économistes du Credit Suisse tableront sur une poursuite du recul du nombre de surfaces vacantes et sur une pression haussière plus forte sur les loyers.

 

 

L’étude complète «Marché immobilier suisse 2022 – La pandémie freine l’urbanisation» est disponible en cliquant ici.

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