Aligner l’immobilier sur l’objectif de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris

Sasha Cisar, J. Safra Sarasin Asset Management

2 minutes de lecture

Nos bâtiments génèrent 40% de nos émissions. Ils doivent devenir plus efficients, moins coûteux et plus durables.

Dans son discours sur l’état de l’Union prononcé devant le Parlement européen réuni en séance plénière, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté une vision qui devrait permettre au secteur immobilier de sortir renforcé de la pandémie actuelle et de mieux résister à une crise imminente bien plus grave: le changement climatique.

Le secteur du bâtiment et de la construction a une part de responsabilité importante vis à vis du changement climatique. L’immobilier résidentiel et commercial représentait 30% de la consommation d’énergie globale en 2018, et même 36% si l’on y ajoute le secteur de la construction. En somme, le secteur dans sa globalité représente autour de 39% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. 2018 a également marqué la deuxième année consécutive d’augmentation des émissions, qui ont atteint le niveau record de 9,7 Gt d’équivalent CO2. Cette hausse résulte en grande partie de la croissance de la surface utile des biens immobiliers ainsi qu’à une demande grandissante d’électricité, dont deux tiers sont encore produits à partir de combustibles fossiles, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Deux tiers des pays n’ont pas encore
mis en place de codes énergétiques obligatoires.

Qui plus est, l’AIE estime que, d'ici à 2060, de nouvelles surfaces de la superficie de Paris seront construites tous les cinq jours. Par ailleurs, 50% des bâtiments qui existeront en 2060 ne sont pas encore sortis de terre. Cependant, aux emplacements ou les constructions sont susceptibles d’être édifiées, deux tiers des pays n’ont pas encore mis en place de codes énergétiques obligatoires. Les prévisions de l’ONU, tablent sur 2,3 milliards de nouveaux citadins d’ici 2050. Les constructions de logements et d’infrastructures en résultant pourraient représenter 35 à 60% du budget carbone relatif à un scénario de 2°C. De plus, le rapport «The emission gap» de l’ONU souligne que le monde n’est pas en bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques de Paris, estimant un écart d’émission de 29-35 Gt CO2e d’ici 2030 par rapport à un scénario de 1,5°C.

Compte tenu du niveau actuel des émissions et des activités futures de construction, le secteur de l’immobilier ne peut se permettre de rester les bras croisés. Il présente le potentiel le plus important en termes de mesures d’efficacité énergétique. Alors que les dépenses mondiales de construction et de rénovation de bâtiments ont atteint 4’500 milliards de dollars en 2018, seuls 3% de ces factures ont été consacrées à l’amélioration de la performance énergétique. Le secteur constitue également une cible privilégiée des politiques d’atténuation du réchauffement climatique et devient de plus en plus touché par les réglementations et la fiscalité en matière d’émissions de CO2.

Les mesures en faveur du climat doivent devenir
une priorité absolue pour le secteur de l’immobilier.

En construisant une stratégie climatique en adéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris, notamment en fixant des objectifs fondés sur des données scientifiques, les investisseurs pourront examiner les risques associés à la transition, tels que les risques réglementaires ou ceux inhérents aux actifs immobilisés. L’étude prospective baptisée Inevitable Policy Response (IPR) commandée par le groupe signataire des Principes pour l'investissement responsable (PRI) des Nations Unies part du principe que les gouvernements prendront des mesures plus strictes lorsque les effets du changement climatique se matérialiseront davantage. L’IPR conclue que de nouvelles mesures devraient être annoncées entre 2023 et 2025, amenant une troisième série de pays à prendre des engagements vis-à-vis de l’Accord de Paris.

Les risques liés aux actifs «immobilisés» ou risque carbone associé aux émissions de gaz à effet de serre surviennent lorsque le niveau annuel d’émissions de CO2 d’un immeuble dépasse un seuil prédéfini. La rénovation énergétique des bâtiments peut permettre d’éviter cette dépréciation et protéger ainsi leur valeur future. Une étude réalisée par le Global Real Estate Sustainability Benchmark (GRESB) sur l’ensemble des entités participantes aux Pays-Bas montre qu’en l’absence de rénovation, 75% des actifs concernés risquent d’être considérés comme «immobilisés» d’ici 2050.

Pour conclure, les mesures en faveur du climat doivent devenir une priorité absolue pour le secteur de l’immobilier. Par ricochets, les investisseurs ont besoin d’aligner leurs portefeuilles immobiliers sur un objectif climatique contribuant à limiter la hausse des températures à 1,5°C. Ils doivent aussi adopter une stratégie de réduction carbone permettant d’atteindre «zéro émission nette» d’ici 2050. En 2020, J. Safra Sarasin Asset Management a pris un engagement climatique visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2035 pour ses actifs sous gestion. La stratégie durable d’immobilier suisse de Bank J. Safra Sarasin a déjà honoré cet engagement en s’alignant sur un scénario 1,5°C et en visant la neutralité carbone d’ici 2035.

A lire aussi...