Comme deux autres banques suisses, l’établissement genevois est sous enquête après avoir permis à des anciens cadres du géant pétrolier public brésilien d’ouvrir des comptes chez lui.
La banque Cramer & Cie est visée par une enquête pénale pour des soupçons de blanchiment d’argent dans le cadre de l’affaire Petrobras. Comme deux autres banques helvétiques, l’établissement genevois est sur le radar du Ministère Public de la Confédération (MPC) après avoir permis à des anciens cadres du géant pétrolier public brésilien d’ouvrir des comptes chez lui.
Le MPC, qui «soupçonne un manque d’organisation interne de la banque qui n’aurait pas permis à cette dernière d’empêcher la commission de l’infraction de blanchiment d’argent», a ouvert une procédure pénale le 1er juillet, a-t-il indiqué jeudi à AWP, confirmant une information du portail Gotham City.
Le parquet fédéral s’est basé sur les informations récoltées à partir d’autres enquêtes concernant l’affaire Petrobras-Odebrecht. En tout, 40 procédure pénales ont ainsi été ouvertes par le MPC dans le cadre de ce scandale de corruption brésilien, dont trois concernent des institutions financières en Suisse.
Tout commence lors d’un dîner d’affaires à Milan en 2011, comme rapporté en 2015 par le Financial Times, cité par Gotham City. Deux dirigeants de Cramer & Cie y auraient discuté avec quatre citoyens brésiliens liés au pétrolier Petrobras. D’après la déposition de l’un de ces convives, la discussion portait sur l’ouverture potentielle de comptes au sein de l’établissement.
Le lendemain, la société offshore Natiras Investment ouvre effectivement un compte au sein de la filiale tessinoise de Cramer & Cie, d’après le portail romand d’informations judiciaires Gotham City.
Son bénéficiaire économique: un ingénieur brésilien de 66 ans ayant travaillé comme responsable chez Petrobras de 2003 à 2011. Retraité au moment des faits, il avait déjà quitté le géant pétrolier mais était cadre au sein d’une autre société, détenue à 10% par le groupe public et agissant comme son intermédiaire, dans la commande de plateformes et de navires de forages notamment.
La banque genevoise n’a pas considéré cet ingénieur comme une personne politiquement exposée, estimant que «le compte n’implique aucun risque de blanchiment», selon un rapport consulté par Gotham City.
Tous les fonds déposés sur ses comptes suisses provenaient de «paiements corruptifs», a en croire la déposition de l’ingénieur reproduite dans le Financial Times. Il possédait d’ailleurs deux autres comptes auprès de la société genevoise, sous les noms de deux société et fondation différentes.
La justice brésilienne est depuis parvenue à prouver que plusieurs comptes au sein de la filiale tessinoise de Cramer servaient de réceptacle à pots-de-vin.
Dévoilé à partir de 2014 par l’opération «Lava Jato» (Lavage Express), le vaste réseau de corruption du pétrolier étatique Petrobras avait provoqué des remous d’une ampleur internationale et avait entraîné la destitution de la présidente brésilienne Dilma Roussef.
L’affaire, dont les montants ont atteint 3,5 milliards de dollars, avait provoqué l’ouverture d’enquêtes dans plusieurs pays latino-américains et en Suisse.
Après PKB et J.Safra Sarasin, Cramer & Cie est la troisième institution financière suisse concernée par l’ouverture d’une enquête pénale à ce sujet. Contacté par AWP, son directeur général Stephan Keiser a refusé de commenter.