Crédits et hypothèques bientôt possibles chez PostFinance

AWP

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Le Conseil fédéral a mis en consultation vendredi jusqu’au 25 septembre un projet en ce sens.

PostFinance devrait être autorisée à octroyer aussi des hypothèques et des crédits. Le Conseil fédéral a mis en consultation vendredi jusqu’au 25 septembre un projet en ce sens qui devrait également ouvrir l’actionnariat de la filiale de La Poste.

«Les défis que doit relever La Poste sont de tailles», a souligné devant la presse la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga. La Poste doit fournir un service universel, mais sa capacité de rendement ne cesse de baisser, notamment pour sa filiale Postfinance.

«C’est pourquoi, il est nécessaire d’innover», a dit la conseillère fédérale, soulignant que les alternatives étaient très limitées et peu attrayantes. Il n’est pas question de faire payer plus les clients, de reporter sur eux les taux d’intérêt négatifs ou de subventionner PostFinance.

La situation sur les marchés financiers, marquée notamment par de faibles taux d’intérêt depuis 2008, explique le revirement stratégique du gouvernement qui était jusqu’à récemment opposé à cette option. PostFinance n’arrive plus à générer suffisamment de revenus avec son modèle d’affaires actuel, qui lui interdit l’octroi de crédits et d’hypothèques.

La valeur de l’entreprise est en baisse. La société peine à constituer elle-même les fonds propres nécessaires et à verser des dividendes.

Stimuler la concurrence

L’arrivée de PostFinance sur le marché des crédits et des hypothèques sera limité au volume des dépôts de la clientèle que PostFinance se voit confier dans le cadre du mandat de service universel en matière de services de paiement. Elle se fera par petites étapes et sur plusieurs années.

PostFinance devrait ainsi pouvoir diversifier ses investissements. Aujourd’hui, elle est limitée aux marchés d’obligations en Suisse, dont le taux d’intérêt est négatif, ou aux marchés financiers qui sont plus risqués, a expliqué Serge Gaillard, directeur de l’Administration fédérale des finances.

PostFinance devrait rester un acteur mineur avec une part au marché suisse des hypothèques ne dépassant pas 5%, a souligné Simonetta Sommaruga. Le Conseil fédéral estime qu’il n’y a ainsi pas de risque pour la stabilité des marchés financiers.

Cette entrée sur le marché hypothécaire qui stimulera la concurrence, profitera aussi au consommateur. Par le pilotage stratégique de La Poste, le Conseil fédéral peut définir des lignes directrices afin que PostFinance mène en matière d’octroi de crédits une politique respectueuse du climat.

Actionnaire majoritaire

Pour mobiliser les fonds propres supplémentaires nécessaires et réduire les risques liés à la participation de la Confédération, le Conseil fédéral privilégie une ouverture de l’actionnariat. La Poste restera l’actionnaire majoritaire et PostFinance continuera à faire partie du groupe afin de fournir les services de paiement relevant du service universel légal.

La loi permettrait déjà une privatisation. Mais le modèle actuel de PostFinance, qui ne rapporte pas d’argent, ne pourrait pas attirer les investisseurs, a indiqué la conseillère fédérale.

Le Conseil fédéral souhaite que la banque constitue ses fonds propres de manière autonome et sans garantie de l’Etat. Elle devra en outre répondre aux exigences supplémentaires applicables aux banques d’importance systémique pour la Suisse en matière de fonds propres.

Défi financier majeur

Les exigences de capital prévues pour l’assainissement ou la liquidation d’une banque en difficulté (capital «gone concern») devront être remplies via des fonds propres. Jusqu’à la privatisation partielle, cela représente un défi financier majeur. Le Conseil fédéral estime que PostFinance et La Poste devraient y arriver par leurs propres moyens.

Si cela n’est pas totalement réalisable ni adéquat dans le délai imparti, le Conseil fédéral met en discussion, comme solution de substitution, l’octroi d’une garantie de capitalisation de la Confédération en tant que propriétaire, à titre de solution transitoire supplémentaire.

PostFinance fait partie des banques suisses trop grandes pour faire faillite («too big to fail») avec la Raiffeisen, la Banque cantonale zurichoise, UBS et Credit Suisse. Elle compte près de trois millions de clients et un patrimoine correspondant de 120 milliards de francs.

La Poste et PostFinance saluent la fin de l’interdiction de crédit. ASB dans l’expectative

Le projet du Conseil fédéral de lever l’interdiction de crédits et hypothèques imposée à PostFinance est saluée par sa maison-mère, La Poste, tout comme sa filiale bancaire, principale concernée. Les autres réactions sont moins enthousiastes.
Ce changement s’avère «indispensable» pour PostFinance, tout comme l’égalité de traitement avec les autres banques suisses attendue depuis longtemps, affirme vendredi le géant jaune dans un communiqué.
Le Parlement a transformé PostFinance en société de droit privé en 2013 sans toutefois l’autoriser à octroyer crédits et hypothèques. Le bras financier de la Poste, qui est considéré comme un établissement d’importance systémique, remplit depuis toutes les obligations liées à une licence bancaire mais en étant entravé dans les offres qu’il peut proposer.
Le Conseil fédéral a mis en consultation un projet visant à biffer ces dispositions, tout en ouvrant l’actionnariat de la filiale de La Poste.
«L’argument selon lequel PostFinance, appartenant à la Poste, est entièrement détenue par l’État n’est pas recevable», souligne le communiqué. Le géant jaune cite l’exemple des banques cantonales, détenues elles aussi par les pouvoirs publics et bénéficiant parfois d’une garantie de l’Etat, mais pas soumises à de telles restrictions.
La levée de cette interdiction permettrait d’assurer la pérennité de PostFinance, dans un contexte de taux négatifs qui lui est très dommageable. En 2019, les produits d’intérêts de la filiale de la Poste ont reculé de 164 millions, une baisse qui n’a pas pu être amortie par l’activité de crédit et d’hypothèques comme les autres banques, déplore l’ex-régie fédérale.
Autrefois source de revenus pour la Poste, PostFinance est devenue une charge financière pour le géant jaune, explique le communiqué.
«Mauvaise décision»
Faitière du secteur, l’Association suisse des banquiers réserve sa réponse pour la consultation. Autre banque de détail d’importance systémique, la concurrente Raiffeisen adopte la même position. Dans un message adressé à AWP, le géant saint-gallois affirme que le projet du Conseil fédéral débouchera sur une «forte concurrence» entre banques et «une large palette de produits» pour les clients.
Le ton est différent pour l’Union suisse des arts et métiers (Usam) qui met les pieds au mur et parle de «mauvaise décision». «Le fait qu’une entreprise bénéficiant d’une garantie de l’État se lance dans des aventures de politique financière doit être fermement rejeté», estime l’association, pour qui l’offre en matière de crédits suffit actuellement pour répondre à la demande des PME.
L’Union syndicale suisse (USS) salue la décision de lever l’interdiction des crédits, mais s’oppose en revanche à la privatisation partielle de PostFinance. L’ouverture du capital constitue une menace pour le mandat universel de l’établissement. Les investisseurs privés risquent de faire pression pour optimiser les bénéfices, argumente la centrale syndicale dans un communiqué distinct.
La stratégie du Conseil fédérale est incompréhensible, souligne pour sa part Syndicom. «La privatisation partielle affaiblit le service public et contredit l’objectif réel de l’ouverture annoncée», regrette le syndicat du secteur de la communication, qui exige que cette partie du projet soit biffée.

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