CPI, PPI, aïe aïe aïe

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


James Bullard, make the Fed great again!

Les publications du CPI puis du PPI la semaine dernière ont semé le doute. L’inflation n’est pas encore totalement maîtrisée outre-Atlantique et la Fed pourrait nous surprendre de nouveau. Si une réaction à chaud était prévisible, ces CPI et PPI ne sont pas extrêmement surprenants. Faut-il remettre en cause pour cela les anticipations de baisses de taux? Récapitulons : la Fed nous disait trois baisses en 2024 lorsque fin 2023 les marchés penchaient plutôt pour six ou sept. Les six premières semaines de l’année ont donc été le théâtre d’un réajustement logique des anticipations de marchés en direction de celles de la banque centrale. La septième semaine que nous venons de vivre a été plus radicale. Nous sommes passés de «la Fed a sans doute voulu dire trois baisses minimum» à «ce sera trois baisses maximum» tandis que le scénario «zéro baisse» commençait à prendre de l’ampleur. C’est dans cette cacophonie ambiante que James Bullard, ancien gouverneur de la Fed de Saint-Louis a déclaré que baisser les taux en mars serait faire preuve de sagesse. Un seul être vous manque…

La cohérence n’est pas la vertu première des marchés. Ils sont capables de vous dire (peut-être lorsque cela les arrange?) «la Fed ne regarde pas le CPI, elle se concentre sur ses indicateurs internes et sur les fameux PCE Deflator et Core PCE» pour anticiper ensuite un changement de politique monétaire de la banque centrale au moindre CPI ou PPI décevant. Il ne s’agit pas non plus d’être dans le déni et de minimiser l’intérêt et l’importance des statistiques d’inflation publiées la semaine passée. Toutefois, nous attendons confirmation de cette tendance le 29 février. Pour l’instant, le consensus Bloomberg estime toujours que le Core PCE YoY va diminuer très légèrement, de 2,9% à 2,8%. Nous préférons donc attendre jusqu’au 29 pour affiner notre jugement. Entre temps, nous nous pencherons avec curiosité sur les minutes du dernier FOMC qui seront publiées demain. A la recherche de signes éventuellement annonciateurs d’un virage moins dovish qu’attendu.

Les TIPS sont des animaux particuliers, assez difficiles à apprivoiser. Contrairement à une idée reçue, leur duration est à peu près équivalente à celle des Treasuries et en général un peu plus élevée à cause de coupons plus faibles.

La duration malmenée

Inévitablement, la partie de courbe qui a le plus tangué est le 2 ans puisque les niveaux de taux à si court terme sont mécaniquement dépendants du nombre de baisses ou hausses de taux monétaires. Cela dit, les niveaux de portage élevés amortissent bien les hausses de rendements, en tout cas pour l’instant, et il n’y a pas de pertes à déplorer. Sur les taux longs, les rebonds sont moins surprenants mais plus douloureux, comme à chaque fois lorsque la courbe amorce un bearish flattening. Nous ne sommes pas particulièrement inquiets et le mini-bear market sur les taux longs était assez prévisible. Si le 10 ans US est passé de 3,85% à 4,30% depuis le début de l’année, il ne faut pas en tirer de conclusions trop hâtives. Nous étions déjà retombés au-dessous de 3,90% début février et les mauvaises nouvelles concernant certaines banques américaines empêtrées dans les CRE loans n’ont pas fini de nous perturber. 

Dans notre dernière chronique de 2023, nous nous demandions si le 10 ans allait retourner vers 4,5% en janvier. Notre propos était légèrement erroné en ce qui concerne le niveau de taux et le timing mais la tendance allait dans la bonne direction. L’effet «gueule de bois» des lendemains de fêtes est encore présent. Nous ne payons pas forcément les «médiocres» chiffres d’inflation mais plutôt l’euphorie de novembre-décembre lorsque les marchés voyaient la Fed baisser ses taux dès mars puis répéter l’opération six fois. Un retour sur terre est plutôt salutaire. Pendant ce temps, en toute discrétion, les TIPS continuent de vivre leur vie pour la plus grande satisfaction de leurs détenteurs. Depuis quelques mois, nous nous étions concentrés sur du «buy and hold» à 18-24 mois, ce qui était une nouveauté pour nous. Nous avons récemment investi en 5 ans à taux réel et la prochaine étape sera sans doute le passage à une stratégie plus agressive sur le 10 voire le 30 ans. Par conséquent, ce ne sera plus du tout du «buy and hold» mais plutôt un investissement destiné à engranger des plus-values dans une stratégie de baisse des taux longs réels. Pour être plus précis, nous rajouterons une baisse des taux longs réels plus ample que celle des taux nominaux. 

La dernière fois que nous avions mis en place une telle stratégie, en février 2020, cela nous avait plutôt bien réussi. Il va falloir juste être patients et trouver la bonne fenêtre de tir. Les TIPS sont des animaux particuliers, assez difficiles à apprivoiser. Contrairement à une idée reçue, leur duration est à peu près équivalente à celle des Treasuries et en général un peu plus élevée à cause de coupons plus faibles. Lorsque les taux réels montent, les TIPS longs se transforment alors en bain de sang. Rappelons-nous qu’en 2022, la performance des indices TIPS avoisinait les -13% contre -12% pour celle des indices Treasuries alors que certains investisseurs pensaient avoir acheté de la protection contre l’inflation. Alors prudence, vigilance et si possible expérience! 

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