Trop chers les émergents en devises locales

Michael Vander Elst, DPAM

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L’infidélité des indices rend la gestion active et diversifiée particulièrement efficace sur la dette émergente en monnaie locale.

Au niveau des indices, le différentiel de rendement entre la dette émergente en monnaie locale et la dette globale est revenu à son niveau d’avant la crise de 2008.  Faut-il en déduire que le différentiel offert par les titres en devises locales est trop faible? De fait, les indices couvrent un univers trop étroit et fortement biaisé en faveur des marchés asiatiques domestiques dont les rendements sont souvent inférieurs à ceux des bons du Trésor américain.

Les marchés de taux affichent une volatilité caractéristique de la fin d’un cycle. De plus, la combinaison inédite d’un resserrement monétaire et d’un relâchement budgétaire ajoute à l’incertitude ambiante. Les inquiétudes concernant l’offre, la révision à la baisse de la notation des Etats-Unis par l’agence Fitch, la hausse des prix de l’énergie ainsi qu’une économie américaine qui se montre plus forte que prévu se sont traduites par un retour des rendements des bons du Trésor américains à 10 ans au-dessus de 4,00%.

Un différentiel en baisse

Parallèlement à cela, les banques centrales d’Amérique du Sud ont commencé à assouplir leurs politiques monétaires et il n’est pas impossible qu’elles procèdent de manière relativement agressive au vu du niveau élevé des taux réels dans la région. La combinaison de taux encore en hausse dans les marchés développés et d’une détente des taux dans les marchés émergents a contribué à réduire considérablement le différentiel de rendement depuis son plus haut de mars 2022. Evoluant aux alentours de 300 points de base, l’écart de rendement entre les indices représentatifs de la dette émergente en monnaie locale et de la dette internationale1 se situe à son niveau d’avant la crise financière de 2008.

Pour certains marchés émergents, les écarts de rendement des obligations en devises locales par rapport à ceux des bons du Trésor sont faibles, du moins en regard de leur moyenne historique. Et sur certains marchés, presque exclusivement en Asie, les rendements de la dette en monnaie locale évoluent au sein d’une fourchette identique à celle des emprunts américains.

Trop d’Asie dans les indices

Du fait de leur composition, les indices portant sur la dette en monnaie locale sont faiblement représentatifs de cette classe d’actifs. En premier lieu, ces indices sont peu diversifiés puisqu’ils couvrent au maximum vingt pays. De plus, les 5 pays les plus fortement pondérés2 représentent en général 50% de l’indice (85% pour les 10 pays les plus fortement pondérés).

En second lieu, l’Asie est surpondérée, les pays de la région représentant 40% de l’indice global des obligations émergentes de JP Morgan et 52% de l’indice en monnaies locales de Bloomberg Barclays. Récemment, la composition des indices a subi d’énormes changements du fait de l’inclusion de la Chine (au poids maximum de 10%), de l’exclusion de la Russie (pondération d’environ 7,5%) et de l’effondrement de la Turquie (dont le poids est passé de 10% en 2016 à 0,79% aujourd’hui). Ces changements ont eu un impact négatif sur le rendement des indices (sur dix ans, ceux qui auraient investi passivement dans ces indices auraient perdu entre 15 et 20%).

Du potentiel de la gestion active

Si l’on prend en considération l’écart de rendement entre l’indice JP Morgan de la dette émergente en monnaie locale et l’indice des obligations internationales d’un côté et l’écart entre une stratégie d’investissement active et non benchmarkée et l’indice global de l’autre et que l’on examine ces écarts (représentés par des barres sur le graphique), on constate la chose suivante: jusqu’à ce que la Chine soit intégrée dans les indices, ces écarts étaient très similaires. Mais aujourd’hui, la différence est de l’ordre de 200 points de base!

Un écart en hausse: la faute à la Chine?

Source : DPAM, JP Morgan, données au 21.08.2023

 

Au niveau des indices, les rendements et spreads en monnaies locales semblent se négocier à des prix très élevés. Les fonds bien diversifiés et gérés activement peuvent néanmoins atteindre de bien meilleurs rendements. Grâce à une diversification beaucoup plus importante que celle des indices, le portage annuel des fonds gérés activement est actuellement supérieur d’environ 2% à celui des indices de référence.

 

1La dette internationale est représentée par le Bloomberg global aggregate yield, un indice constitué de 28 pays appartenant dans leur grande majorité au groupe des pays développés (Etats-Unis, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande et pays de la zone euro), raison pour laquelle cet indice mesure en quelque sorte le rendement moyen sur les marchés développés.
2Dans la plupart des indices, la pondération des différents pays est plafonnée à 10%.

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