Obligations: un moment opportun pour décarboner

Ronald Van Steenweghen, DPAM

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Chercher à verdir l’économie plutôt que les portefeuilles est l’une des clefs d’une stratégie obligataire durable.

Il est relativement facile d’optimiser un portefeuille obligataire en vue de lui façonner un profil «vert» puisqu’il suffit d’éliminer 10% d’entreprises pour réduire ses émissions de carbone de 80%. Mais un tel portefeuille aura-t-il un réel impact sur la transition énergétique au niveau global? Rien n’est moins sûr.  En effet, les désinvestissements de l’un pourraient bien être les investissements de l’autre: pensons par exemple à l’industrie du tabac bannie depuis longtemps de nombreux portefeuilles. Par ailleurs, l’investisseur qui procède par exclusion tend à limiter son engagement actif dans les entreprises qui s’efforcent d’améliorer leur bilan carbone ou dans celles qui offrent des produits ou services favorables à la transition énergétique.

Par conséquent, il semble préférable de chercher à «verdir» l’économie en favorisant tous les acteurs qui participent à cette transition, plutôt que de se contenter de «verdir» les portefeuilles. Ce choix devrait être d’autant moins difficile à assumer qu’une décarbonation bien comprise n’a pas d’incidences négatives sur la performance ou les risques du portefeuille.

Reprise en 2023

L’année 2022 a certes été difficile pour les obligations vertes, très impactées pour des raisons sectorielles. Cependant, 2023 a démarré sous de meilleurs auspices: les obligations vertes qui représentent environ 80% du marché des obligations ESG gagnent à nouveau en popularité. Leurs émissions sont en nette reprise depuis le début de l’année et, si la tendance observée au 2e trimestre se poursuit, elles pourraient même atteindre un niveau record. En revanche, les obligations liées au développement durable ou SLB1 font encore l’objet de critiques quant à leur crédibilité.

Les obligations sont redevenues attrayantes, aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative. Par rapport aux actions, leur valorisation actuelle n’a jamais été aussi intéressante depuis dix ans.

En effet, malgré l’existence des «Principes applicables aux Obligations liées au Développement Durable» élaborés par l'International Capital Market Association (ICMA), les émetteurs se sont parfois montrés trop «créatifs» ou trop opportunistes dans la construction de leurs SLBs. De ce fait, et au vu de la difficulté à mesurer efficacement l'impact direct du produit de ces obligations puisque les émetteurs ont une totale discrétion quant à l'utilisation des fonds, une approche qualitative de sélection des SLBs par des professionnels semble incontournable.

Obligations vertes ou durables, obligations sociales et SLB, tous ces titres qui composent l’ensemble des obligations ESG ne représentent encore qu’une portion congrue du marché mondial des titres à taux fixes (7% à fin 2022). Depuis le début 2023, la part des émissions de dette ESG de qualité investissable libellées en euros à l’ensemble des émissions d’obligations d’entreprises des marchés développés a été de 28%, celle des émissions de dette ESG à haut rendement s’élevant à 37%2. Cela reste peu en regard du défi que représente le réchauffement climatique.

Décarboner les portefeuilles obligataires sans affecter leurs performances ou prendre des risques supplémentaires passe donc également par l’investissement dans des entreprises qui s’engagent résolument en faveur d’une économie bas carbone ou dans celles qui offrent des produits ou services favorables à une économie plus verte. Leurs investissements pour atteindre le «zéro émission nette en 2050» devraient d’ailleurs connaître un véritable boom: selon les divers scénarios ou méthodes de calculs retenues, ils se situent en effet entre 1,9 et 9,2 trillions de dollars en moyenne annuelle jusqu’en 2050!

Des voyants au vert

Sur le plan macroéconomique, les mauvaises surprises sur le front de l’inflation sont derrière nous: les prix des matières premières se sont rapprochés de leurs niveaux d’avant l’invasion de l’Ukraine et tous les indicateurs montrent que l’approvisionnement n’est plus un problème.  En ce qui concerne la croissance, les indicateurs avancés montrent que l’économie s’avère nettement plus résiliente que ce qui était anticipé par les marchés financiers, notamment en Europe.  Les hausses de taux déploient aujourd’hui déjà leur impact maximum sur la croissance, mais cet impact semble moins marqué que ce qui était prévu par les modèles. Si l’inflation décélère, l’économie pourrait gagner en stabilité. Reste l’inconnue des banques centrales, notamment de la BCE: quel écart sera-t-elle prête à accepter par rapport à sa cible d’inflation?

Dans ce contexte, les obligations sont redevenues attrayantes, aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative. Par rapport aux actions, leur valorisation actuelle n’a jamais été aussi intéressante depuis dix ans. Pour les obligations européennes de qualité investissable, le différentiel de rendement est supérieur à 4%. En outre, ces obligations présentent un coussin important, puisque leur rendement au pire se situe au-dessus de 4%. La période est donc particulièrement propice au déploiement d’une stratégie obligataire décarbonisée active et capable d’allier impact et performance financière.

 

1 En général, les SLB (Sustainability-Linked Bonds) ont un coupon qui varie selon que leur émetteur atteint ou non les objectifs de performance prédéfinis en matière de durabilité.
2 Données Barclays 05.2023

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