Pourquoi investir dans la santé mentale?

Salima Barragan

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«Les arguments en faveur de la mobilisation de capitaux pour la santé mentale sont convaincants» estime le Dr Maximilian Martin de Lombard Odier.

Un individu sur quatre souffre de problèmes mentaux pendant un ou plusieurs moments de sa vie. L’impact personnel et familial est souvent dramatique. En outre, à l’échelle sociétale, le coût est énorme. Les addictions à l’alcool, aux drogues et au tabac seules coûtent déjà 7,7 milliards de francs par an en Suisse. Qui paie? L’Etat et les assurances sociales, mais aussi les entreprises*. A l’échelle mondiale, les problèmes de santé mentale, y compris la toxicomanie, pèsent près 2'500 milliards de dollars US par an de productivité réduite et de soins. D’ici 2030, ce chiffre dépassera les 16’000 milliards de dollars. Prédispositions héréditaires, environnement, pauvreté, traumatismes: ces altérations qui prennent leurs racines dans une multitude de facteurs interconnectés, se manifestent généralement déjà à un âge précoce, avant le 25e anniversaire. Et la tendance ne fléchit pas malgré l’évolution des standards du niveau de vie. Au contraire: le taux de troubles émotionnels et de suicides chez les jeunes est actuellement en augmentation.

Malgré ces difficultés, aujourd’hui, le domaine de la santé mentale commence à être perçu avec un nouvel élan. «L’investissement dans le domaine de la santé mentale nécessaire pour éviter de graves conséquences financières, économiques et humaines est modeste. Les recherches scientifiques actuelles montrent des avancées très intéressantes et méritent tout notre soutien philanthropique», estime Anne-Marie de Weck, ancienne associée-gérante et secrétaire du conseil de la Fondation Lombard Odier. «La philanthropie et l’investissement à impact sont bien placés pour faire la différence dans ce domaine historiquement sous-financé», précise le Docteur Maximilian Martin.

Les troubles dépressifs et anxieux sont classés parmi les dix premières causes vécues
comme un handicap professionnel, toutes générations confondues.
Agir tôt

Comme les troubles mentaux apparaissent tôt dans la vie d’une personne, les scientifiques s’accordent pour cibler les périodes critiques du développement du cerveau afin d’empêcher l’apparition d’états dépressifs, de troubles de la personnalité ou bipolaires - voire de schizophrénie - qui se manifestent déjà chez des enfants de moins de 10 ans. «L'enfance et l'adolescence sont associées à la formation de circuits neuronaux complexes nécessaires à l'acquisition de compétences sociales, émotionnelles et cognitives efficaces. Le schéma génétique permettant de construire ces circuits neuronaux est vulnérable aux facteurs de stress environnementaux toxiques, tels que les traumatismes, l'isolement social, des persécutions sur internet ou encore la négligence chronique des parents», explique le Docteur Maximilian Martin: «La révolution scientifique actuelle nous permet de mieux comprendre les causes et développer des diagnostics et des traitements plus ciblés.»

Au moment de se concentrer sérieusement sur leur avenir professionnel, les adolescents ont le taux de troubles mentaux le plus élevé de la population. Les médias sociaux ont-ils aussi leur part de responsabilité? Selon diverses études, ils influencent la façon dont les jeunes se perçoivent et interagissent avec leur réseau. «Des chercheurs ont observé une corrélation significative entre les symptômes de dépression et le temps que les lycéens passent sur les sites de réseautage social», note le Docteur Maximilian Martin.

Mais les adolescents ne sont pas les seuls concernés par une mauvaise santé mentale. Les troubles dépressifs et anxieux sont classés parmi les dix premières causes vécues comme un handicap professionnel, toutes générations confondues. La démence est aussi en passe de devenir un problème de santé publique pour une population vieillissante: son coût sur l'économie mondiale est estimé à 2’000 milliards de dollars US pour les dix prochaines années.

Agir tôt, oui. Encore faut-il en avoir les moyens. Des organisations philanthropiques pionnières telles que l'Institut Allen pour la science du cerveau et StrongMinds aux États-Unis sont en train d’apporter de nouveaux éléments scientifiques encourageants. «Une approche proactive d’investissement permet de non seulement développer une meilleure compréhension du cerveau, mais aussi de financer la recherche et la défense des droits pour aider à réaliser des politiques de santé mentale qui conduiront à terme à de meilleurs soins pour plus de personnes. Souvent, ces initiatives ont besoin de subventions publiques ou privées pour démarrer. Dans d’autres cas, il est possible de s’appuyer sur le mécanisme de marché et les structurer comme investissements à impact», conclut le Docteur Maximilian Martin.

* Selon une étude dévoilée en octobre par l’OSFP en octobre, sur 7,7 milliards de coûts, 4,8 milliards de francs sont financés par l’Etat et les assurances sociales et 2,9 milliards de francs sont à la charge des entreprises.