Noël avant l’heure

Axel Botte, Ostrum AM

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Le marché veut croire à un assouplissement rapide des taux de la Fed. La baisse du dollar bénéficie aux actifs risqués.

Les réactions épidermiques des marchés financiers aux publications sont souvent déroutantes. L’inflation américaine (3,2% en octobre) inférieure aux attentes de 0,1pp a suffi à ancrer l’hypothèse d’un allègement de 50pb des Fed funds dès le premier semestre. La Banque Centrale Européenne (BCE) en ferait de même selon les opérateurs de marché. Outre le retour instantané sous 4,50% du T-note à 10 ans et 2,60% sur le Bund, le dollar plongeait d’1,5% face à toute devise et le Nasdaq s’adjugeait 300 points. La chute du dollar canalise ainsi le sentiment et les flux favorables aux actifs risqués. La volatilité des actions (VIX) revient à 13,8%. Les marchés ont ensuite oscillé sur des niveaux élevés ignorant les chiffres solides de ventes au détail. L’ampleur et l’asymétrie des réactions du marché sont remarquables.

La chute du pétrole profite au consommateur européen

L’économie américaine ne montre pas de signes tangibles d’essoufflement. Certes, les créations d’emplois ralentissent mais l’amélioration des salaires réels entretient le dynamisme de la consommation. La diminution de 0,1% des ventes au détail en octobre doit être nuancée par la baisse des prix de l’essence et les révisions sur les données précédentes. Les dépenses des ménages restent le socle de la croissance aux Etats-Unis. La construction de logements montre cependant des signes de faiblesse. Les mises en chantier sont inférieures aux permis de construire et la confiance des promoteurs plonge à 34 (NAHB de novembre). L’attrition de l’offre immobilière reste un facteur de risque pour l’inflation en 2024. Le coût du logement s’est toutefois modéré en octobre (+0,3%) dans l’indice des prix. Par ailleurs, la chute du pétrole réduit l’inflation et améliore le pouvoir d’achat. Le consommateur européen devrait enfin en profiter après une longue période de contraction de la demande.

La sensibilité des actions aux taux se traduit par une hausse des multiples qui effacent les récentes déceptions sur les chiffres d’affaires.

Sur les marchés de taux, la publication de l’indice des prix à la consommation américain a provoqué un plongeon instantané de 15pb du T-note à 4,45%. Les rendements américains baissent fortement sur l’ensemble des maturités avec une surperformance du 5 ans, qui traduit le caractère très directionnel d’un mouvement qui ignore la décision de Moody’s d’abaisser les perspectives de notation des Etats-Unis. Le pivot de la Fed est déjà une réalité pour des marchés qui projettent 50pb de détente monétaire d’ici juin. Le T-note entraine logiquement le Bund à la baisse de 2,70-2,75% à 2,50-2,60%. Les craintes légitimes sur la situation des finances publiques sont mises entre parenthèses de sorte que l’ensemble des spreads souverains se resserrent. L’Italie casse les 180pb à la baisse. Moody’s a surpris en relevant à stables les perspectives de notation de l’Italie. Le Portugal, sujet à des prises de profit après la démission du Premier Ministre Antonio Costa, traite de nouveau sur ses plus bas de 2023 (64pb). La détente s’est opérée en amont du rehaussement de deux crans de la note portugaise à A3. L’hypothèse d’un relèvement de la note portugaise semble remise en cause par l’instabilité politique. En termes de flux, on constate des prises de profits avec le rétrécissement marqué des swap spreads. La dernière syndication de l’UE a connu un grand succès avec quelques flux vendeurs en fin de semaine. À noter que la Cour constitutionnelle allemande a rejeté la requête du gouvernement de réorienter 60 milliards d’euros restants d’un fonds de soutien vers des dépenses d’infrastructures. Parallèlement, la baisse du pétrole sous 80 dollars offre des points d’entrée attrayants sur les points morts d’inflation courts, à peine supérieurs à 2%.

Sur les marchés du crédit, la baisse récente des swap spreads a fait tache d’huile sur les spreads de crédit. La balance des flux s’améliore sur la classe d’actifs notamment sur les fonds de maturité intermédiaire. Le primaire est généralement sursouscrit. Les nouveaux emprunts de crédit de haute qualité sous-performent toutefois compte tenu de la direction du marché. Les flux sur les fonds monétaires à mesure que la trajectoire attendue des taux courts s’infléchit. Quant au high yield, les flux techniques s’améliorent avec le soutien des flux et un marché de Credit Default Swap (CDS) très bien orienté. La baisse de la volatilité actions implique un resserrement parallèle des spreads du iTraxx Crossover (autour de 380pb).

Le marché des actions est le principal bénéficiaire de l’allègement monétaire anticipé. La sensibilité des actions aux taux se traduit par une hausse des multiples qui effacent les récentes déceptions sur les chiffres d’affaires. Les petites valeurs américaines bénéficient de reports après une longue année de sous-performance.

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