Les facteurs déterminants de la prime de terme sur les obligations

Axel Botte, Ostrum AM

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Ce concept difficile à cerner doit être estimé à l’aide de modèles incluant des variables financières et macroéconomiques.

©Keystone

Le marché baissier sur les bons du Trésor américain semble principalement imputable à une augmentation de la prime de terme, ce qui suggère que la hausse des rendements serait indépendante des dernières projections de taux de la Fed. La prime de terme est un concept difficile à cerner regroupant diverses primes associées au risque encouru par les investisseurs obligataires. La prime de terme est aussi inobservable et doit être estimée.

Un concept mal défini

Dans la théorie financière standard, les rendements des obligations du Trésor peuvent être décomposés en deux parties: les anticipations d’évolution des taux d’intérêt à court terme (le taux directeur de la Fed) et la prime de terme. La prime de terme correspond à la rémunération exigée par les investisseurs averses au risque pour supporter le risque de «sensibilité» au taux. Les obligations à long terme sont plus risquées, car les taux d’intérêt peuvent varier au cours de la durée de vie de l’obligation. Par conséquent, les bons du Trésor à long terme devraient offrir une prime par rapport à la stratégie de réinvestissement, systématique sur des bons à court terme, par exemple. La prime de terme est un concept mal défini désignant l’excès de rendement requis pour compenser les risques financiers liés à la fois à l'illiquidité des marchés, à la volatilité des cours, à l'inflation ou au défaut.

Malgré sa récente hausse, la prime de terme américaine reste très faible par rapport aux normes historiques.

La prime de terme n'étant pas directement observable, elle doit être estimée à l’aide de modèles incluant des variables financières et macroéconomiques. Dans la littérature financière, il existe de nombreux modèles de primes à terme. Parmi ceux-ci, celui de la Fed est souvent cité. Les économistes de la Fed de New York, Adrian, Crump et Moench (ACM par la suite), ont développé un modèle statistique pour décrire l'évolution conjointe des rendements du Trésor et des primes de terme dans le temps et pour chaque maturité. Leur approche exprime les rendements comme un modèle linéaire à cinq facteurs. Nous utiliserons leurs estimations pour discuter des facteurs macroéconomiques et de politique monétaire explicatifs de la prime de terme.

Estimations de la prime de terme

Le modèle ACM fournit ainsi des estimations à la fois du taux court moyen anticipé et de la prime de terme sur des maturités de 1 à 10 ans. On peut en déduire le taux court et les primes de terme à une date future. La prime de terme, dans 5 ans par exemple, représente une prime de risque stable que l’on pourrait utiliser dans les modèles d’équilibre pour les taux à long terme. La base de données ACM offre une perspective historique depuis le début des années soixante. La moyenne de long terme de la prime à 10 ans est estimée à 154,8 pb en données journalières. La médiane de long terme est proche à 158,5 pb. Le taux court moyen anticipé sur un horizon de 10 ans est de 4,40% en moyenne depuis 1962. Les dernières estimations disponibles (datant du 16 octobre) sont respectivement de 27 pb et 4,52%. Ainsi, malgré sa récente hausse, la prime de terme américaine reste très faible par rapport aux normes historiques. Il est intéressant de noter que la prime de terme est presque aussi volatile que la moyenne des taux courts attendus sur dix ans.

La prime à terme a elle-même une structure par terme. Cela peut paraître surprenant, mais la prime de terme est souvent plus élevée sur les maturités à 2 ans que sur les échéances à 10 ans. L’écart 2-10 ans est même négatif la plupart du temps. Cela doit signifier que les obligations à long terme sont perçues comme des investissements moins volatils, du moins par certaines catégories d'investisseurs. Par exemple, les fonds de pension, compte tenu de la structure de leurs engagements, peuvent trouver les obligations à long terme moins risquées pour leurs besoins d'investissement.

Une structure par terme inversée de cette prime de terme s’observe notamment en période de forte inflation, lorsqu’il existe un risque de resserrement monétaire excessif pour contrecarrer l’inflation. Une prime de terme plus élevée sur les maturités courtes reflète l’incertitude quant à l’ampleur du resserrement requis pour ramener l’inflation à l’objectif. Le spread de prime de terme 2-10 est actuellement de -33 pb. A l’inverse, dans les années 2010, la communication avancée (forward guidance) de la Fed avait réduit la prime de terme des obligations courtes par rapport à la prime à 10 ans.

Les facteurs déterminants de la prime de terme

La prime de terme peut varier en fonction de différents facteurs pouvant être liés à l'offre et à la demande d'obligations à des maturités spécifiques, à la volatilité globale du marché et à la corrélation taux-actions.

En ce qui concerne l'équilibre des flux, l'augmentation des émissions nettes de bons du Trésor depuis le mois d'août a eu un impact significatif sur la forme de la courbe des rendements américaine et sur sa composante de prime de terme. L’augmentation du déficit fédéral n’est pas étrangère à cette situation. En août, le Trésor américain a annoncé une augmentation de la taille des adjudications sur toutes les échéances, afin de rallonger la durée de son portefeuille de dette. Pendant ce temps, le portefeuille de titres de la Fed s’amortit de 60 milliards de dollars chaque mois, ce qui s'ajoute au besoin d’épargne nouvelle pour équilibrer le marché. La «duration» totale (ou le risque de taux) vendue sur le marché par le Trésor accroît la prime de terme.

Depuis le début du cycle monétaire, la volatilité est élevée sur les marchés de taux américains. Cela semble avoir eu un impact sur la prime de terme pour la simple raison qu'un actif plus volatil devrait générer un rendement attendu plus élevé. La reprise de la volatilité a été très prononcée sur les maturités courtes. La fin de la politique de taux zéro a provoqué une hausse de la volatilité des taux, malgré la forward guidance de la Fed (les ‘dots’) pour encadrer les anticipations du marché. Les marchés de taux, avant la longue période de QE, étaient caractérisés par une structure par terme de la volatilité des taux présentant une bosse autour de la maturité à deux ans liée à la l’inversion de la prime de terme. En clair, cela signifie qu’il y a plus d’incertitude sur l’évolution des taux de la Fed à l’horizon, par exemple, des deux prochaines années, que sur le niveau moyen des taux à long terme.

Par ailleurs, la relation entre obligations et actions apparaît essentielle. Dans un environnement d’inflation stable, la croissance dicte la performance relative des obligations et des actions. Une croissance plus forte profite aux actions, tandis que les obligations surperforment en période de ralentissement économique. Il existe alors un régime de corrélation négative entre les prix des obligations et les prix des actions. La prime de terme diminue donc à mesure que les prix des obligations montent et que les actions baissent. Dans un environnement d’inflation présentant une tendance, le risque de resserrement excessif implique une prime de terme plus élevée (du fait du risque d’inflation) qui fait plus que compenser la couverture contre l’inflation implicite dans les cours boursiers. Dans ce cas, des primes de terme plus élevées augmentent le facteur d’actualisation des bénéfices projetés et réduisent la valeur d’équilibre des actions. Dans ce cas, une prime de terme plus élevée est associée à une corrélation obligations-actions positive.

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