Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management

Patrick Schöwitz, J.P. Morgan Asset Management

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Les analystes estiment actuellement que les profits trimestriels aux Etats-Unis vont atteindre de nouveaux sommets à un horizon d’environ deux ans.

SYNTHèSE
  • Les marchés anticipent et les investisseurs en actions se sont projetés bien au delà de l’économie réelle en intégrant dans les cours leur anticipation d’un net redressement des profits des entreprises. Ceci explique en partie des valorisations qui paraissent élevées lorsque l’on compare les cours des actions au niveau des bénéfices actuels.
  • Un point de retournement dans le cycle des bénéfices est déjà visible dans la divergence qui apparait entre bénéfices anticipés et bénéfices des 12 derniers mois. Les bénéfices de la période écoulée continuent à chuter alors que les bénéfices anticipés à 12 mois ont commencé à se redresser.
  • Les analystes estiment actuellement que les profits trimestriels aux Etats-Unis vont atteindre de nouveaux sommets à un horizon d’environ deux ans. C’est probablement trop optimiste mais nous pourrions bien assister à un redressement des bénéfices plus rapide qu’habituellement.
  • Nous avons une orientation légèrement positive sur les actifs risqués dans nos portefeuilles multi-actifs. Estimant que l’économie connait une reprise de début de cycle synchronisée au niveau mondial, nous éprouvons une préférence pour les marchés liés au cycle, tels que la zone euro et les actions émergentes, tout en maintenant une exposition au secteur technologique, notamment aux actions des grandes capitalisations américaines (U.S.).
UN POINT DE RETOURNEMENT DANS LE CYCLE DES BÉNÉFICES?

Comment expliquer l’apparente divergence entre les actifs risqués (en particulier les actions) et l’économie? Après la chute des marchés d’actions mondiaux (indice MSCI ACWI) de 34% entre février et mars, les actions ont quasiment récupéré le terrain perdu et s’échangent désormais 5% en dessous de leurs plus hauts niveaux historiques. A l’inverse, malgré leur amélioration, les économies sont encore loin d’une pleine reprise. L’une des raisons majeures de cette divergence: les marchés anticipent. Les investisseurs se sont ainsi projetés bien au delà de l’économie réelle, en intégrant dans les cours l’anticipation d’un net redressement des profits des entreprises, ce qui se traduit par des valorisations des actions en apparence élevées quand on les compare au niveau actuel déprimé des bénéfices. Celles-ci ne semblent cependant pas si importantes quand on les compare aux prévisions de bénéfices pour 2021 ou 2022. Mais les statistiques de bénéfices devront à un moment donné rattraper et justifier les espoirs des investisseurs pour l’avenir.

Ce point de convergence pourrait être à portée de main, du fait que la saison des résultats du second trimestre désormais en cours devrait annoncer le point de retournement du cycle de baisse des profits au niveau mondial provoqué par l’épidémie de COVID.

S’il existe un débat sur l’ampleur des pertes subies au second trimestre, les analystes top-down et bottom-up s’accordent sur le fait qu’une reprise nette et rapide devrait suivre, du fait de la réouverture des économies. En effet, un point de retournement est déjà visible dans la divergence naissante entre les bénéfices anticipés et ceux des douze derniers mois (graphique 1); les bénéfices des 12 derniers mois continuent de reculer alors que les bénéfices anticipés à 12 mois ont commencé à progresser. Il est certain que la composition des marchés d’actions dans le monde devrait aider le rebond des bénéfices à devancer la reprise économique. Les détails varient en fonction des régions mais le message de base est cohérent sur la plupart des marchés: le secteur manufacturier est sur-représenté sur les marchés d’actions par rapport à l’économie alors que les services sont sous-représentés.

Aux Etats-Unis par exemple, le secteur manufacturier représente un tiers de la capitalisation boursière mais seulement 10% environ du PIB U.S. et de l’emploi. A l’inverse, les services sont bien plus importants dans l’économie que sur le marché des actions. Beaucoup d’entreprises de services, lourdement frappées par l’épidémie (restaurants, salons de coiffure, etc…), sont de très petites tailles et simplement absentes des marchés publics. Traditionnellement, cette différence entre les marchés et les économies a principalement joué au détriment des marchés au cours des récessions, les retournements de conjoncture frappant généralement plus durement le secteur manufacturier que les services. Cependant, la nature inhabituelle de cette récession signifie que le secteur manufacturier souffre désormais moins que les services.

La forme du redressement des bénéfices

Les prévisions bottom-up du consensus font état d’un recul puis d’un rebond des profits qui pourrait être suffisamment fort pour prendre la forme d’un V. Après un premier trimestre déjà médiocre, les analystes prévoient que les bénéfices du second trimestre vont plonger de plus de 40% en glissement annuel, alors que les marchés plus cycliques de l’Europe et du Japon devraient enregistrer des chutes comprises entre 55% et 60%. Pour replacer ces estimations dans leur contexte, au cours du pire trimestre de la crise financière mondiale de 2008 (l’une des plus sévères récessions des Etats-Unis depuis la Grande Dépression), les profits du marché des actions américain (U.S.) ont chuté de 65%, provoqué par d’énormes pertes dans le secteur financier. Les reculs des prévisions bénéficiaires actuelles sont provoqués par les secteurs cycliques, celui de l’énergie étant particulièrement frappé, suivi par ceux des matériaux, de l’industrie, de la consommation discrétionnaire et des valeurs financières.

Anticipant une reprise économique au cours du second semestre de cette année, les analystes prévoient que les bénéfices vont progresser de près de 60% aux Etats-Unis au second semestre, terminant l’année 2020 en retrait d’à peine 13% sur leur niveau prépandémique. Sur une base trimestrielle, les bénéfices aux Etats-Unis devraient atteindre de nouveaux records d’ici au T4 2021. En d’autres termes, les analystes anticipent actuellement que les profits trimestriels U.S. atteindront de nouveaux sommets en deux ans environ, après leur effondrement du T1 provoqué par le COVID.

Sur une base annuelle, ces chiffres impliquent un recul de 20% du BPA en 2020 (passant de 163 USD à environ 125 USD pour l’indice S&P 500) suivi d’une croissance d’environ 30% en 2021. Ceci replacerait les bénéfices 2021 à peu près à leur niveau initial. Une telle évolution pourrait être considérée comme rapide sur un plan historique, mais sans être hors normes, et serait proche de la durée du rétablissement des bénéfices postérieurement à la crise financière. Au niveau mondial (indice MSCI ACWI), les chiffres de la annuelle semblent pratiquement identiques à ceux des Etats-Unis. Il existe quelques variations régionales, certaines régions comme l’Europe et le Canada anticipant une chute et un rebond plus brutaux, alors que la majeure partie de l’Asie constate une trajectoire plus plate du fait de son expérience différente du COVID-19.

Comment les investisseurs devraient-t-ils pondérer ces prévisions bénéficiaires apparemment optimistes? D’un côté, le recul historique montre que les prévisions du consensus des analystes pour l’année suivante sont presque toujours trop optimistes et aboutissent à une réduction au fil du temps. Anticiper une pleine reprise des bénéfices d’ici la fin de l’an prochain pourrait s’avérer un peu optimiste et nous avons en effet été un peu plus prudent dans nos propres prévisions.

D’un autre côté, lorsque l’on considère le plan de relance monétaire et budgétaire sans précédent qui a été mis en place pour faire face à cette crise, associé à l’orientation sectorielle favorable des marchés d’actions, nous pourrions bien assister à une reprise des bénéfices plus rapide que de coutume. A court terme, si les investisseurs peuvent constater la formation d’un plancher dans les bénéfices ainsi que des indices probants de reprise (dans l’idéal, confirmés par des commentaires pendant la saison des bénéfices), ce serait suffisant pour soutenir les marchés.

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D’ACTIFS

L’orientation de nos portefeuilles multi-actifs est légèrement positive sur les actifs risqués, incluant des positions surpondérées sur le crédit high yield et sur les actions. Dans le contexte de notre opinion selon laquelle l’économie mondiale est sortie de la récession et aborde désormais une phase de reprise de début de cycle synchronisée au niveau mondial, nous favorisons les marchés liés au cycle, comme la zone euro et les actions émergentes, tout en conservant jusqu’à présent également une exposition au secteur de la technologie via les actions des grandes capitalisations américaines (U.S.). Les marchés que nous prisons le moins sont ceux du Royaume-Uni et du Canada, en raison de leur nature défensive.

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