Multi-Asset Solutions de J.P. Morgan Asset Management

Michael Hood, J.P. Morgan Asset Management

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Si elle ne s’est pas normalisée partout, la tension sur le financement s’est nettement apaisée.

SYNTHESE
  • Nous nous sommes intéressés à plusieurs aspects du flux des nouvelles informations au cours de la crise, notamment à la tension sur le financement, aux réponses politiques à la crise, aux implications des données économiques et au cheminement du virus lui-même.
  • Si elle ne s’est pas normalisée partout, la tension sur le financement s’est nettement apaisée.
  • La réponse politique a également été au rendez-vous, bien que les gouvernements soient encore entrain d’affiner les plans des timulus fiscaux.
  • Les données économiques montrent un rythme de contraction à deux chiffres, de très fortes retombées sur le marché de l’emploi et une tendance à la désinflation.
  • Avec le ralentissement de la croissance du nombre de cas de contamination, la priorité est désormais à l’élaboration de plans de levée des restrictions.
  • Nous anticipons que les évolutions sur ce front vont prendre le dessus et devenir le déterminant principal des marchés au cours des semaines qui viennent, avec des informations nous parvenant de façon plus progressive qu’au cours des phases antérieures de la crise.
LES MARCHéS ATTENDENT LES PLANS DE REDéMARRAGE DE L’éCONOMIE

Depuis le début du choc du coronavirus nous nous sommes focalisés sur plusieurs grands thèmes dans le flux des informations: le financement des banques et la tension opérationnelle du marché, la réaction de la politique monétaire, les messages qu’émettent les statistiques économiques et, le plus important, les perspectives d’évolution du virus lui-même. Après leur effondrement initial, les actifs risqués ont bénéficié de puissants facteurs de soutien: atténuation des pressions sur le financement, mesures agressives de politiques monétaires et budgétaires et amélioration nette généralisée des courbes de cas d’infection par le virus. Ces facteurs de soutien ont permis aux actions et au crédit aux entreprises d’absorber un effondrement sans précédent des indicateurs de l’activité économique, révélateur de l’existence et de l’ampleur de la récession actuelle beaucoup plus rapidement que par le passé.

Désormais, nous prévoyons queles perspectives de levée du confinement et du redémarrage de l’activité économique vont jouer un rôle déterminant sur l’évolution des marchés. Les indications actuelles suggèrent que les nouvelles concernant ce sujet pourraient n’arriver que progressivement.

La tension sur le financement s’est largement dissipée dans la mesure où divers programmes de soutien conçus par la Réserve fédérale (Fed) et d’autres banques centrales ont été mis en oeuvre. La politique agressive d’achat de bons du Trésor U.S. par la Fed a contribué à rendre rapidement sa liquidité au marché et les accords de swap avec les banques centrales étrangères ont atténué la pénurie internationale de dollars devenue patente en mars.

La Fed a mis un peu plus de temps pour relever sa facilité d’achat de titres de créances négociables (CP ou commercial paper) et la mettre en oeuvre, mais elle a débuté ses achats la semaine dernière. En conséquence, les spreads sur CP et les autres indicateurs de pression financière sur les banques, comme les spreads FRA-OIS (écart entre les taux d’intérêt interbancaires et le swap de taux indexé au jour le jour), se sont quelque peu resserrés. Une question reste ouverte: la corrélation entre actions et obligations. Cette relation est devenue positive en mars du fait d’un mauvais fonctionnement du marché des bons du Trésor qui a exercé un pression haussière injustifiée sur les rendements, éliminant leurs propriétés de couverture contre les actifs risqués. Avec le retour au calme du marché des bons du Trésor U.S. au cours de ces derniers jours, l’habituelle corrélation négative (dont dépendent les stratégies risk-parity et d’ailleurs tous les fonds diversifiés dans une certaine mesure) a commencé à s’imposer de nouveau. Mais cette restauration n’a pas encore été à son terme.

Alors que les gouvernements redimensionnent encore à la hausse le soutien budgétaire, le contour général de la réponse politique est devenu clair. Sur le plan monétaire, les banques centrales opèrent par la voie de trois principaux canaux: pousser les taux d’intérêt à court terme vers zéro ou à proximité de zéro, s’engager dans le quantitative easing pour faire baisser les rendements à long terme, créer (ou remettre en place) divers programmes visant à assurer un bon fonctionnement du marché et pour encourager le flux du crédit. De tels programmes comprennent le soutien de la Fed aux banques s’engageant dans des prêts à la protection de l’emploi ou les opérations de refinancement ciblées de la Banque Centrale Européenne pour faciliter les prêts aux petites entreprises.

La plupart de ces annonces ont probablement déjà été faites mais la Fed en particulier a continué à évoluer pour étendre l’empreinte des apolitique monétaire. Dans le même temps, les gouvernements ont réussi à faire voter des plans de relance budgétaire qui devraient, dans les économies développées, se traduire par une poussée budgétaire comprise entre 2% et 5% du PIB, la zone euro se situant dans le bas de la fourchette, l’Australie au sommet et les Etats-Unis en position médiane. Les gouvernements et les parlementaires dans la plupart des pays ont exprimé leur volonté d’accroître la portée de ces mesures de relance, pour lesquelles nous prévoyons une mise en place plus progressive au cours des mois qui viennent que pendant la première phase extrêmement rapide.

Sur le plan des statistiques économiques, nous discernons trois principaux messages. Tout d’abord, le niveau de l’activité économique recule sur un rythme à deux chiffres et quasiment uniforme dans tous les pays. Les enquêtes annoncent un recul bien plus brutal que durant la crise financière. L’indice PMI composite mondial a, par exemple, reculé en mars à un niveau profondément récessionniste de 39,4, supérieur de trois point seulement à son point bas de 2008 atteint près d’un an après le début de cette phase baissière. Les données officielles commencent à confirmer cette évolution. Les ventes de détail aux Etats-Unis ont chuté de 8,7% en mars et la production industrielle s’est contractée de 5,4% et encore ces deux chiffres ne reflètent que partiellement la période postérieure au début du confinement.

En second lieu, cette récession ne paraît pénalisante que pour le marché de l’emploi, tout au moins temporairement. Aux États-Unis, les chiffres de ces quatre dernières semaines pour les inscriptions au chômage sont les plus importants jamais enregistrés, du fait des fermetures dans des secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre comme les restaurants. Les services aux consommateurs qui, en temps normal, se comportent plutôt bien en période de retournement de conjoncture, accusent le coup cette fois-ci. Avec approximativement 14% des salariés ayant déposé un dossier d’inscription au chômage au cours du mois dernier, le taux de chômage va facilement évoluer en territoire à deux chiffres même si certaines personnes ayant perdu leur emploi vont sortir de la population active et ne seront donc plus comptés comme chômeurs. Nous sommes confiants dans le fait qu’une part importante de ces emplois va réapparaître assez rapidement avec le redémarrage de l’activité, du fait de la nature flexible de l’emploi et du relatif manque de savoir-faire spécifique aux entreprises dans de nombreux secteurs des services. Nous anticipons également une plus grande différenciation entre les pays dans la performance du marché du travail que dans les statistiques d’activité. En Europe et au Japon, les marchés de l’emploi moins flexibles (ce qui est généralement considéré comme une faiblesse) pourraient agir de concert avec les plans officiels pour subventionner les réductions des heures travaillées contre une augmentation temporaire du chômage.

Troisièmement, le retournement de la conjoncture apparaît comme désinflationniste. Naturellement, nous supposons généralement que les récessions font reculer l’inflation, mais la nature inhabituelle de cette crise qui combine des chocs d’offre et de demande rend les implications pour les prix plus ambigus. La destruction de la demande semble l’emporter. Si l’on observe de nouveau les indices PMI, les divers composants des prix dans le secteur manufacturier et celui des services ont chuté en mars. Les données recueillies corroborent cet état de fait. Les prix à la consommation aux États-Unis ont reculé en mars et les évolutions en Asie (entrée dans la crise avant les économies développées) ont semblé similaires au cours de ces deux derniers mois.

Avec le ralentissement des taux de croissance du nombre de cas constaté dans la plupart des pays, l’attention portée au cheminement du virus s’est tournée vers les perspectives de réouverture des économies. L’expérience antérieure de la Chine et de la Corée suggère des messages mitigés: la levée des restrictions peut fonctionner si elle est menée de façon progressive et avec une surveillance adéquate des nouveaux cas. L’Europe mène désormais un ensemble d’expériences respectant ces grandes lignes, certains pays rouvrant partiellement les écoles, d’autres autorisant la réouverture de certains magasins, d’autres encore se concentrant sur la réouverture et le fonctionnement des usines. Dans tous les cas, le plan consiste à reprendre l’activité au cours d’une période d’au moins six semaines, certains secteurs prenant plus de temps. Aux États-Unis, les plans semblent quelque peu moins avancés et, de toute façon, devraient se mettre en place au niveau individuel des États ou petits groupes d’Etats, ce qui devait rendre la réouverture particulièrement progressive.

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D’ACTIFS

La crise du coronavirus et les évolutions de marché qui lui sont associées se sont déployées avec une rapidité extraordinaire. L’indice S&P 500 a plongé de son pic à son point bas (jusqu’à présent tout au moins) en un mois, et a ensuite récupéré la moitié de son recul en trois semaines. Les réponses politiques et les retombées sur le marché de l’emploi se sont concrétisées presque instantanément. Les marchés ont traversé une phase d’effondrement puis de rebond et sont à notre avis entrés dans une nouvelle phase qui sera dominée par le flux des informations concernant le redémarrage de l’économie; celui-ci devrait se montrer plus progressif que les précédentes phases de collecte de l’information. Le nouveau programme d’achat d’obligations de catégorie “Investment Grade” de la Fed et de prêts consentis directement aux entreprises les mieux notées a réduit notre préférence antérieure pour les actions au détriment du crédit. Cependant, une politique monétaire extrêmement accommodante et l’impulsion désinflationniste émergente nous amène à émettre une opinion neutre à positive sur la duration malgré des niveaux de rendement très faibles.

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