La politique zéro COVID de la Chine alimente l’inflation

Gilles Seurat, La Française

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À Shanghai, plus de 300 navires attendent de décharger, contre seulement 50 en février. La situation s’est aggravée et est encore pire aujourd’hui qu’en 2020 et 2021!

La croissance du PIB chinois en glissement annuel est passée de +4% au T4 2021 à +4,8% au T1 2022 (source: Bloomberg). Mais les perspectives sont moins optimistes pour la fin de l’année 2022, étant donnée la recrudescence du nombre de cas de COVID qui est passée de quelques infections à près de 25 000 cas par jour au cours des deux derniers mois. En réponse à cette hausse, l’administration chinoise poursuit sa politique zéro COVID et a mis en place de nouveaux confinements. À titre d’illustration, Nomura estime qu’environ 356,5 millions de Chinois, soit 25,3% de la population, sont confinés, ce qui représente un peu moins de 40% du PIB chinois. Les indicateurs de mobilité sont par voie de conséquence en baisse de 50% en moyenne, avec une chute beaucoup plus importante à Shanghai, où les mesures de confinement sont les plus strictes. (Source: Baidu, en glissement annuel au 17/04/2022)

Cette politique zéro COVID engendre de nouveau des retards importants dans la chaine de production. Une proportion importante des travailleurs portuaires et des chauffeurs de camion est absente, provoquant engorgements et retards. À Shanghai, plus de 300 navires attendent de décharger, contre seulement 50 en février. La situation s’est aggravée et est encore pire aujourd’hui qu’en 2020 et 2021!

Quelles sont les implications pour l’économie mondiale? La consommation de pétrole baisse en Chine en parallèle de la baisse de la mobilité.  Le transport aérien s’effondre avec seulement un vol intérieur sur quatre prévus. Tous ces facteurs pèsent naturellement sur la demande de pétrole qui devrait baisser de 9% en avril 2022 (l’équivalent de 1,2 million de barils par jour) par rapport à avril 2021 (source: Bloomberg).

L’effet à long terme de cette baisse sur les prix du pétrole brut dépendra en grande partie de la capacité de l’administration chinoise à contenir la propagation de la COVID au cours des prochains mois et de la durée du confinement.

Cependant, à court et moyen terme, la congestion des ports chinois devrait avoir un impact plus durable sur l’inflation. En effet, la demande mondiale de biens de consommation dépasse actuellement l’offre, et la perturbation de la chaîne d’approvisionnement chinoise couplée à des prix à la production en forte hausse ne fera qu’exacerber ce déséquilibre, entraînant ainsi une inflation supplémentaire. Les pénuries se sont généralisées en parallèle de la situation ukrainienne: des semi-conducteurs en 2020 au papier, au verre, aux pièces automobiles, etc.

Les confinements successifs ont modifié l’équilibre de la consommation entre biens et services. Aux États-Unis par exemple, la consommation de biens est supérieure de 15% à ce qu’elle était avant la pandémie (source: Bloomberg), et dans le monde entier, la demande d’appareils électroménagers et de matériel informatique (fabriqués en Chine) a explosé. Par ailleurs, le marché du travail américain continue de se redresser après son effondrement en 2020 et 1,6 million de travailleurs font toujours défaut. L’enquête US Business Roundtable CEO Survey divulgue des plans d’embauche sur six mois à des niveaux records. Par conséquent, le revenu agrégé devrait continuer d’augmenter et soutenir davantage la demande américaine.

Théoriquement, le déséquilibre entre l’offre et la demande ne peut être résolu que par des prix plus élevés. Un bon exemple est l’industrie automobile allemande, qui a à la fois augmenté les délais de livraison à parfois plus d’un an et augmenté les prix.

La flambée de l’inflation a plusieurs conséquences sur les marchés financiers et les allocations de portefeuille. Les banques centrales du monde entier ont lancé des politiques rapides de cycle de hausse de taux afin de contenir cette flambée inflationniste. Cela signifie que les parties courtes de la courbe des taux d’intérêt devraient rester sous pression. Par conséquent, nous pensons que les rendements des obligations à échéance courte à moyenne ont une probabilité plus élevée de croître que de baisser. Cependant, la demande de certains investisseurs a commencé à se redresser sur les échéances de plus long terme étant donné les risques à la baisse sur les perspectives économiques. Les moteurs désinflationnistes à long terme, tels que le ralentissement de la croissance démographique, signifient que les rendements obligataires à long terme sont plus susceptibles d’être plafonnés. Nous anticipons donc un aplatissement des courbes de rendement en Europe, cette stratégie étant alimentée par les confinements en Chine.

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