La dette privée en période d’incertitude

Andreas Klein, Pictet Asset Management

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Notamment grâce à une meilleure protection des prêteurs, les opportunités offertes par les prêts directs sont plus attrayantes qu’elles ne l’ont été depuis de nombreuses années.

Taux d’intérêt en hausse, inflation élevée et croissance en berne, les conditions ne semblent pas vraiment idéales pour l’investissement. Pourtant, pour la dette privée – les prêts directs aux entreprises – le contexte est plus favorable qu’il n’y paraît.

Une analyse des performances d’investissement sur les cycles conjoncturels des 20 dernières années vient soutenir cette thèse. Les stratégies de prêt direct lancées en période de difficultés économiques – on parle de millésimes de creux de cycle – génèrent des performances supérieures à la moyenne, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, lorsque les banques centrales relèvent les taux d’intérêt et que l’économie ralentit, les investisseurs réalisent qu’ils peuvent prêter à des taux plus élevés.

Deuxièmement, les entreprises réagissent au resserrement des conditions de crédit en renforçant leur bilan, ce qui, au bout du compte, réduit les risques pour les prêteurs.

Troisièmement, les prêts contractés en période d’incertitude économique ont tendance à offrir des protections renforcées aux prêteurs.

Conditions plus solides, secteurs défensifs

Tous ces facteurs sont à l’œuvre aujourd’hui.

Tout d’abord, les taux proposés aux investisseurs ont effectivement augmenté. Les rendements des emprunts européens dépassent désormais les 12%, contre 7% l’année dernière.

Les entreprises qui recherchent des prêts directs affichent, dans l’ensemble, une discipline financière plus forte que par le passé.

C’est principalement dû au fait que les prêts privés sont souvent à taux variable, le coupon étant généralement recalculé tous les 30 à 90 jours, une caractéristique intéressante alors que les taux directeurs devraient rester élevés pour longtemps en Europe.

De plus, les entreprises qui recherchent des prêts directs affichent, dans l’ensemble, une discipline financière plus forte que par le passé.

Ainsi, la prochaine vague d’activités de refinancement en Europe devrait offrir aux nouveaux prêteurs la possibilité de recapitaliser des sociétés fondamentalement solides et aux bilans sains à des niveaux de rendement plus attrayants et favorable aux prêteurs. Les quelque 27 milliards d’euros d’emprunts européens qui arriveront à échéance au cours des trois prochaines années devraient donner aux millésimes 2023 et 2024 de la dette privée un coup de pouce supplémentaire.

Enfin, les conditions d’attribution de ces prêts se font également plus favorables. Contrairement aux années précédentes, les entreprises n’ont plus la possibilité d’emprunter aussi facilement auprès des banques.

En effet, les banques commerciales européennes ont réduit la voilure en matière de crédit. Selon les données de la Banque centrale européenne, les normes se durcissent au rythme le plus rapide enregistré depuis la crise des dettes souveraines de 2011: environ 15% des demandes de prêts à des entreprises ont été rejetées au premier trimestre de cette année, un record.

De nombreuses entreprises n’ont ainsi pas d’autre choix que d’accepter les conditions beaucoup plus strictes exigées par les fonds de dette privée.

On observe notamment un durcissement des règles relatives aux niveaux d’endettement financier et de dépenses acceptables, ainsi que des clauses plus sévères. L’objectif est de renforcer la protection des créanciers, mais aussi d’aider les entreprises à construire des modèles économiques solides et durables.

Grâce à une meilleure protection des prêteurs, à l’amélioration de la qualité de crédit des emprunteurs et à l’augmentation du coût des prêts, les opportunités offertes par les prêts directs sont, selon nous, plus attrayantes qu’elles ne l’ont été depuis de nombreuses années. On peut tabler sur des performances moyennes approchant les 10% en Europe, ce qui est largement supérieur à ce qu’offre le crédit à haut rendement, aussi bien en termes absolus qu’une fois ajusté du risque.

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