Histoire des développeurs d’énergie verte en bourse

Olivier Ken, Quaero Capital

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D’importants investissements sont nécessaires, de même qu’une profonde modification de nos habitudes de consommation.

Les débuts en bourse

L’histoire des développeurs d’énergies renouvelables en bourse est assez récente. Elle commence en 2006 avec la cotation d’EDF Energies Nouvelles, filiale d’EDF. L’année suivante, l’espagnol Iberdrola vend 20% de sa filiale sur le marché, Iberdrola Renovables, leader mondial de l’éolien terrestre, réalisant la plus grande introduction boursière jamais réalisée en Espagne.

En 2008, c’est au tour du groupe portugais EDP Renováveis, la filiale spécialisée dans l'énergie renouvelable, de faire son entrée en bourse. L’opération est un succès et permet à EDP de lever plus d’1,5 milliards d’euros et marque la plus importante opération boursière réalisée en Europe depuis le début de l'année. EDP Renováveis est alors l'un des premiers groupe d'exploitation de l'énergie éolienne avec une puissance éolienne installée de 3,7 GW.

Les investisseurs découvrent ce nouveau business model qui est celui de sociétés d’infrastructure : construire des centrales d’énergies renouvelables, produire de l’énergie et la vendre via des contrats de long terme, le plus souvent à prix fixe indexé sur l’inflation. A cette époque, les énergies renouvelables ne sont pas compétitives avec les énergies fossiles et ont besoin de subventions.

La croissance de l’éolien terrestre fascine les investisseurs et les multiples de valorisation s’envolent (PE de 110x pour Iberdrola Renovables).

La crise financière

En 2008, Lehman Brothers fait faillite. La dette souveraine est en crise en Europe, les valorisations s’effondrent, passant même en dessous de la valeur des actifs. Rétrospectivement, une opportunité d’investissement extraordinaire ! Les maisons mères ne s’y trompent pas, EDF, puis Iberdrola rachètent les parts minoritaires de leurs filiales en 2011. Seule EDPR reste cotée alors que ses actionnaires rejettent l’offre jugée sous-évaluée.

Malgré ces offres de retrait, le secteur perd de son attrait, comme l’atteste l’introduction en bourse de Enel Green Power (2010). Le prix d’introduction est baissé à 1,6 euro, contre une fourchette initiale de 1,9-2,4 euros, soit un multiple VE/Ebitda de 8x, loin des multiples des années 2006-2008.

L’euphorie

En 2020, la Commission européenne présente son Green Deal, qui vise 0 émissions en 2050, objectif qui implique une multiplication par 5 des capacités d’énergies renouvelables – lesquelles sont devenues compétitives par rapport aux énergies fossiles en 2019. Le secteur flambe à nouveau, l’indice phare du secteur, le Wilderhill Index s’envole de +120%.

Le 24 février 2022, la Russie, alors premier fournisseur de gaz des Européens, envahit l’Ukraine. Le prix du gaz est multiplié par 10. La Commission européenne annonce le plan RepowerEU visant à réduire sa dépendance au gaz russe en important du gaz naturel et triplant ses capacités d’énergies renouvelables. De nécessaire, la transition énergétique devient stratégique.

Malgré ce soutien réglementaire sans précédent, le secteur est en baisse depuis 2 ans. Pourquoi?

La raison principale est liée à la hausse des taux d’intérêt aux Etats-Unis qui renchérit le coût du capital d’un secteur très capitalistique et endetté.

La seconde raison vient de la volatilité des prix du gaz qui, après avoir flambé, sont retombés au niveau pré-invasion de l’Ukraine suite à un hiver 2022 doux et des capacités de stockage au plus haut.

Enfin, le secteur a été fortement affecté par un avertissement sur les résultats de Orsted, leader mondial de l’offshore. Le géant danois annonce stopper le développement de 2 projets aux Etats-Unis, devenus non économiques, et passe des dépréciations pour 4 Mds$.

La hausse des taux d’intérêt et donc du coût du capital est gérable pour les grands acteurs car elle s’accompagne d’un doublement du prix de l’électricité depuis 2 ans, ce qui leur permet de continuer à créer de la valeur. En effet, l’écart entre le taux de retour sur investissement (TRI) et leur coût du capital (WACC) se situe aujourd’hui entre 200 et 300pb.

La volatilité du prix du gaz impacte peu le compte de résultats des sociétés qui vendent majoritairement leur énergie à prix fixe indexé sur l’inflation sur 10, 15 voire 20 ans.

L’avertissement d’Orsted ne doit pas être généralisé à l’ensemble du secteur. L’éolien offshore est la technologie la plus capitalistique avec des temps d’installation allant jusqu’à 10 ans. Face à la compétition grandissante des pétroliers, Orsted a accepté des projets à des prix de ventes d’énergie agressifs sans sécuriser son approvisionnement. Ils sont aujourd’hui victimes de l’inflation sans pouvoir bénéficier de la hausse des prix de l’énergie.

L’histoire se répète?

La valorisation des développeurs ne reflète plus leur potentiel de croissance, voire la valeur de leurs actifs. C’est une opportunité.  Les opérations de rachat de sociétés cotées par des fonds d’infrastructure se multiplient : ERG par le fonds australien IFM en 2022 et l’espagnol Opdenergy par le fonds français Antin Infrastructure Partners en 2023.

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