Eau: chronique d’une crise annoncée

Antoine Turrettini, Quaero Capital

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D’importants investissements sont nécessaires, de même qu’une profonde modification de nos habitudes de consommation.

Alors que l’eau semblait inépuisable dans nos régions, le dérèglement climatique et l’augmentation des périodes de sécheresse en ont fait un bien rare et une ressource critique. Pour faire face à cette crise naissante, d’importants investissements sont nécessaires, de même qu’une profonde modification de nos habitudes de consommation.

Une ressource indispensable mais sous pression

En Europe, chaque personne consomme environ 128 litres d’eau par jour. La consommation au niveau des ménages – 44,7 milliards de m3 d’eau en moyenne chaque année – représente moins d’un cinquième des volumes consommés. Les plus gros consommateurs sont les producteurs d’électricité (33%), qui utilisent l’eau comme moyen de refroidissement, l’agriculture (28%) et l’industrie (18%).

Les sources d’approvisionnement d’eau douce en Europe (dont 88% proviennent des cours d’eau ou des nappes phréatiques) sont extrêmement vulnérables aux menaces posées par la surexploitation, la pollution et surtout le dérèglement climatique.

L’accès à l’eau pourrait devenir de plus en plus difficile, ce qui risque d’entraîner une concurrence acharnée entre les différents consommateurs et des risques de troubles sociaux.

Que faire?

Il faut trouver les moyens de faire face à la pénurie:

  • Réduction de la consommation. Il faut réaliser des économies d’eau dans tous les secteurs d’activité, aussi bien dans l’agriculture, l’industrie mais aussi au niveau des ménages. Cela commence par une meilleure gestion de la ressource, notamment à travers une mesure plus précise des volumes prélevés.
  • Amélioration de l’efficacité des réseaux. En Europe, 25% de l’eau potable qui circule dans les réseaux est perdue. En Espagne, ce taux atteint même 30% à 40%. Cela s’explique en premier lieu par la vétusté des canalisations. Par exemple, en France, leur âge moyen est de 50 ans.
  • Recours à des sources d’eau non conventionnelles (récupération de l’eau de pluie, réutilisation des eaux grises). En France, moins de 1% de l’eau consommée provient de la réutilisation des eaux grises, alors qu’en Italie ou en Espagne, ce taux atteint respectivement 8% et 14%.
  • Réduction des pollutions. Dans de nombreux pays, l’agriculture intensive entraine une pollution des nappes phréatiques et des cours d’eau, qui rend l’eau impropre à la consommation et réduit la productivité des usines de traitement.
Un énorme besoin d’investissement

La Commission européenne estime que les Etats membres devraient faire passer leurs investissements dans le domaine de l’eau de 100 milliards d’euros en 2020 à 300 milliards en 2030. Même s'il existe un écart important entre les besoins annuels d'investissement des Etats membres, tous les pays européens devraient consentir un effort supplémentaire d'au moins 25% pour se conformer aux normes en matière d'infrastructure de l'eau.

Investissement annuel par habitant (en EUR, moyenne sur 5 ans)

Sources: EurEau: European drinking water and waste water sector, 2021 edition

 

Les investisseurs privés à la rescousse

Jusqu’ici, 80% des investissements dans les infrastructures de l’eau ont été financés par de l’argent public (État ou collectivités). Conséquences de l’endettement des pays et diminution des aide de l’UN, les investissements privés et le financement commercial, qui ne pèsent actuellement que 6% du total, pourraient bien augmenter significativement.

Quelles opportunités pour les investisseurs?

Plusieurs pays européens offrent des conditions favorables aux investisseurs privés et aux financements commerciaux. Ceci se traduit par exemple par une législation qui limite le risque politique, par des garanties publiques qui réduisent les risques de crédit, par des contrats de concession à long terme avec une forte visibilité des flux de trésorerie ou encore des tarifs adaptés à l’inflation. Ceci rend les projets d'infrastructure de l'eau attrayants aussi bien pour les banques (à travers le financement de projets) que pour les fonds d’investissement en private equity.

A côté des grands acteurs, le secteur de l’eau se compose de centaines de petites et moyennes entreprises qui fournissent des services essentiels à une grande variété de clients publics et privés. Certaines ont développé une expertise de niche dans leur domaine, des technologies de pointe et/ou des relations privilégiées avec leurs clients.

A notre avis, les meilleures opportunités se trouvent du côté des industries, qui doivent moderniser les installations. Il existe ainsi de nouveaux marchés à saisir notamment dans le domaine de la réutilisation et l’optimisation de la consommation. Les services publics représentent également un marché intéressant. Eux aussi soumis à la pression du public et des réglementations, ils constituent une contrepartie fiable et solide. Dans ce secteur, les nouveaux marchés sont notamment la modernisation des réseaux et le chauffage collectif à distance.

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