Chine: leader incontesté des renouvelables… et du charbon

Bruno Allain, Quaero Capital

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Le pays bat quasiment chaque année son record de déploiement de renouvelables, le charbon conserve un poids considérable.

En matière de transition énergétique, la Chine est un pays de contrastes. Son secteur électrique se caractérise par un déploiement massif des renouvelables. Dans le même temps, sa dépendance au charbon reste problématique. Le pays peut-il réussir une transition vers une économie entièrement décarbonée? Vu sa part de responsabilité dans les émissions globales, le succès (ou l’échec) de la Chine aura des répercussions significatives au niveau de la planète.

Mix électrique: un pays où le charbon est (encore) roi

Même si la Chine bat quasiment chaque année son record de déploiement de renouvelables, le charbon conserve un poids considérable. Il représentait en effet 61% du mix électrique en 2022. Ce chiffre est certes en recul par rapport à son niveau d’il y a vingt ans (78%), mais cette baisse en pourcentage masque un point inquiétant : le pays continue d’augmenter année après année sa génération d’électricité via ses centrales à charbon.

Mix électrique de la Chine en 2022 (en % de la production)
Source: Global Electricity Review 2023 - Ember

Ainsi, l’an passé la demande d’électricité a augmenté de 374TWh1 et si ce sont avant tout l’éolien (45%) et le solaire (24%) qui ont répondu à cette demande accrue, la génération à base de charbon a également joué un rôle non négligeable (22%).

Entre 2000 et 2022, la demande d’électricité chinoise a été multipliée par 6. La production des centrales à charbon et les tonnes de CO2 émises ont, elles, été multipliées par 5 sur la même période.

Dit autrement, l’intensité carbone de la génération électrique chinoise n’a baissé «que» de 21% entre 2000 et 2022 à 530gCO2/KWh. Ce qui place la Chine bien au-dessus de la moyenne mondiale (436gCO2/KWh).

Pourquoi le charbon reste-t-il incontournable en Chine?

En matière d’énergie, les choix du passé entraînent des conséquences sur plusieurs décennies. La révolution industrielle chinoise s’est largement appuyée sur le charbon, ressource bon marché et abondante (la Chine demeure de très loin le premier producteur mondial avec 53% de la production mondiale en 2022). Mais cet «héritage» n’explique pas pourquoi la Chine continue d’augmenter son nombre de centrales à charbon.

L’an passé, la Chine a autorisé la construction de l’équivalent de 106GW de nouvelles centrales à charbon (ce qui représente plus que l’intégralité du système britannique).

Une catastrophe pour le climat qui a plusieurs sources:

  1. Lors de l’été 2022, le pays a été victime à la fois d’une terrible sécheresse (limitant la production hydraulique) et d’une vague de chaleur qui a fait exploser la demande en électricité. Un nouveau pic de demande a été atteint, battant le précédent record de près de 20%, et de nombreuses industries ont été contraintes de limiter leur consommation.
  2. Certes la Chine ajoute beaucoup de renouvelables à son réseau, mais les meilleurs sites pour l’éolien et le solaire (l’ouest et le nord du pays) sont éloignés des lieux de forte consommation (est). Or le réseau électrique chinois n’est pas unifié mais découpé en grandes régions indépendantes et faiblement interconnectées. Pour pleinement bénéficier de ces nouvelles capacités, la Chine devra construire énormément de nouvelles lignes à très haute tension traversant le pays.

Le charbon a donc été un choix «naturel» pour répondre à la crise de l’été 2022 et apporter rapidement plus de flexibilité à un réseau de plus en plus sollicité par l’électrification croissante de l’économie - notamment des transports.

En attendant mieux, un verre à moitié vide…

La Chine devrait atteindre dès 2025 les objectifs de production solaire et éolienne qu’elle s’est fixé pour…2030!

Les choix du pays en matière d’énergie au cours des prochaines années auront des répercussions globales:

  • D’une part, parce que la Chine représente à elle seule 38% des émissions globales du secteur électrique (4,7GtCO2 sur 12,4GtCO2 pour l’ensemble du secteur en 2022), soit plus que les Etats-Unis, l’Inde et l’UE réunis.
  • D’autre part, parce que les émissions de la Chine et son «inaction» supposée, sont régulièrement mises en avant par les politiques et/ou partis opposés aux mesures volontaristes de décarbonation. Les signaux d’une transition en bonne voie du principal émetteur permettraient de se débarrasser de cette mauvaise excuse pour ne rien faire dans les pays occidentaux.

Le pic de la consommation de charbon en Chine est attendu entre 2025 et 2030, un horizon à la fois proche à l’échelle du secteur de l’énergie et lointain au regard de l’urgence climatique. Même s’il y a eu des signaux inquiétants l’an passé, il faut souhaiter que la Chine consolide sa position de leader sur les renouvelables, et ce à brève échéance.

 

  1Cette augmentation de la production chinoise sur une seule année correspond environ à 0.8x la production totale de la France ou 1.2x celle de l’Italie.

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