Dividendes: les banques sont des entreprises comme les autres

Emmanuel Garessus

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La politique de dividendes des établissements financiers est souvent considérée séparément des autres sociétés. A tort, selon une étude de la BRI.

Nouveau record: les dividendes versés en Suisse par les sociétés de l’indice SPI devraient atteindre jusqu’à 64 milliards de francs en 2024, selon le site financier The Market. Ce dernier ajoute que sur 10 ans, les dividendes qui ont été réinvestis ont davantage contribué à la performance que la hausse des cours de bourse. 

Lorsqu’il est question de dividendes, les sociétés financières occupent souvent les premiers rangs. Cette hypothèse se vérifie en Suisse. Parmi les rendements directs les plus généreux du pays, on trouve les assurances Swiss Re, Bâloise et Zurich et des banques telles que Vontobel, Cembra et Julius Baer. 

Certes pour l’investisseur, il importe de ne pas se limiter au rendement direct et d’ajouter d’autres considérations, notamment la capacité à augmenter régulièrement son dividende, les aspects fiscaux ainsi que l’étendue des programmes de rachats d’actions, abondants pour une société comme UBS. Plus généralement, la politique de distribution des sociétés financières est-elle structurellement plus généreuse pour les actionnaires?

Les faits

Tout porte à croire que les entreprises financières se distinguent des autres, comme le montre un travail de recherche de la Banque des Règlements Internationaux: Corporate Payout Policy: are Financial films different (BIS WP 1168, 2024)? La littérature financière consacrée aux politiques de dividendes sépare effectivement les groupes financiers et les autres, à commencer par l’étude de référence (Disappearing dividends: changing firm characteristics or lower propensity to pay?), de Fama et French qui date de 2001. Les auteurs de la nouvelle étude de la BRI, soit Emmanuel Caiazzo, Leonardo Gambacorta, Tommaso Oliviero, Hyun Song Shin, notent que même en temps de crise, par rapport à l’époque de la crise financières, les groupes financiers versent davantage de dividendes que les autres.

«Sur 10 ans, les dividendes qui ont été réinvestis ont davantage contribué à la performance que la hausse des cours de bourse.»

Les choix portant sur le niveau du dividende s’appuient pourtant sur des critères identiques pour toutes les sociétés cotées, qu’elles soient financières ou non, à savoir les perspectives de croissance, la rentabilité, la valorisation (price/book) et la taille. On notera que les aspects de gouvernance et la structure de l’entreprise sont rarement pris en compte.

L’originalité de l’étude de la BRI consiste à montrer que si l’on élargit les critères de distribution il n’y a plus aucune raison de séparer les financières des autres sociétés. 

Certes les banques doivent satisfaire des critères de fonds propres et des régulations différentes. Quels ont ces nouveaux critères de décision? 

L’étude de la BRI vérifie d’abord empiriquement que la probabilité de distribuer des dividendes est d'autant plus élevée que l'effet de levier des entreprises est fort (une caractéristique clé du secteur financier), que la faible valorisation des entreprises (P/book) est significative et que la présence d'actionnaires dans la structure de propriété de l'entreprise avec un horizon à plus long terme est faible. En effet, une étude de Koijen et al. (Which investors matter for equity valuations and expected returns? Review of Economic Studies, 2023) a récemment constaté que les investisseurs institutionnels jouaient un rôle négatif dans les demandes de distribution.

De nouveaux critères à prendre en compte

Finalement, il ressort que la prise en compte de ces nouveaux facteurs de décision fait disparaître la différence entre les entreprises financières et les autres. 

Le travail de recherche de la BRI élargit cette analyse en ajoutant un écart entre la valeur de l'entreprise et le prix de l’action, la liquidité et la présence de «vendeurs» dans la structure de l'actionnariat, c'est-à-dire d'actionnaires qui souhaitent se séparer de leurs actions après le versement du dividende (horizon à court terme). En prenant ces nouveaux critères, l’écart entre sociétés financières et non financières disparaît, selon les auteurs. Le fait d'être une entreprise financière n'augmente pas en soi la probabilité d'être un généreux payeur de dividendes.

Comme les pressions s’accumulent pour accroître la part de fonds propres des banques, l’étude suggère qu’il n’est pas déraisonnable de s’attendre à une réduction de la générosité des sociétés financières en matière de dividende, note l’étude de la BRI.

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